Chapitre 32

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Sans étonnement, j'occupai la salle de bain pendant trois plombes à boucler mes cheveux et à me maquiller raisonnablement. J'enfilai ensuite la robe achetée plus tôt dans la journée. Seul petit hic : on voyait ma prothèse.

Je restai figée, les yeux rivés vers mes jambes, ou plutôt ma jambe. Puis, je repris mes esprits : de toute façon, je ne marchais pas avec elle. Enfin, juste quelques pas... Je la mettais juste pour ne pas qu'on voit du vide.

J'avais la pression, c'était la première fois que j'allais remettre une robe. Mais c'était aussi la première fois que l'on verrait vraiment ma fausse jambe. Il me fallait un petit peu de temps pour m'habituer.

Mais ce n'était pas tout, au contraire, c'était presque le cadet de mes soucis.

Ma robe était un dos nu, ce qui signifiait que mes cicatrices de torture étaient visibles.

Louis s'impatienta et frappa à la porte comme un dingue.

— C'est bon, tu es prête ? Tu n'es pas une fille pour rien, toi !

Je ne répondis rien, le stress s'empara totalement de moi. Qu'allait-il penser de moi ? Qu'allait être sa réaction en me voyant dans cette robe ?

J'hésitai quelques instants et me repris. Je me lançai et ouvris la porte après avoir respiré un bon coup.

Il était posté juste devant, avachi sur le seuil de la porte. Il se mit à me scruter avec de grands yeux, ce qui me fit ravaler ma salive, trop anxieuse.

— Tourne pour que je voie la merveille que tu es !

Je tournai sur moi-même d'un pas hésitant.

Lorsqu'il me caressa le dos, il me fit frissonner.

— Tu es vraiment splendide, continua-t-il dans ses éloges.

Lorsque j'arrivai au niveau de mon dos, je tournai la tête vers lui pour admirer sa réaction et aperçus un éclair de terreur dans son regard.

— Qu'est-ce qu'il y a ? m'énervai-je en un temps record.

— Je... Quoi ? Rien !

— Tu as baissé les yeux en voyant mon dos, ne nie pas !

— Désolé...

Il soupira, se rendant compte de son acte blessant et s'apprêta à s'en aller, mais malheureusement pour lui, je n'en avais pas encore fini.

— Pourquoi ?

— Pourquoi quoi ?

— Pourquoi avoir baissé les yeux ? C'est laid, c'est ça ?

— Quoi ? Non, pas du tout !

— Alors qu'est-ce qu'il y a ?

— Ces traces sont là par la faute...

J'avalai ma salive difficilement, avant de hocher la tête pour qu'il continue.

— Si je t'avais sortie de cet enfer plus tôt, tu n'aurais pas autant souffert. Pardonne-moi...

Ma main droite se précipita sous mon œil fragile. Elle attrapa à temps une larme.

— Je... Tu sais, jamais je ne pourrai te pardonner ça...

Son regard s'assombrit et il baissa la tête, les yeux gorgés de sang.

— Mais je peux passer au-dessus. Jamais, je ne pourrai oublier, ni même pardonner ça parce que ça a détruit ma vie, mais tu m'as aussi sauvée. Alors, merci pour ça. Maintenant, j'aimerais qu'on ne parle plus de ça, s'il te plaît.

— D'accord, merci.

Je le pris dans mes bras et fermai les yeux quelques instants.

— Tu es la plus belle ce soir.

— Non...

— Si !

— Les gens vont mal me regarder à cause de mes cicatrices et de ma prothèse...

— S'il y en a un seul qui te regarde de travers je lui détruis son petit visage de pédé, tu entends ?

Il me passa ma deuxième béquille et prit mon sac à main en m'embrassant sur le front.

Après un court trajet, Louis se gara sur le parking d'un super restaurant. Il m'aida à descendre et je ne vous cache pas que j'avais atteint un niveau d'anxiété extrême !

En y réfléchissant, c'était bête et je ne devais pas me préoccuper de ça, mais j'avais peur du regard des gens, du regard qu'ils pouvaient porter sur mes cicatrices ou bien ma jambe.

Dieu savait qu'un jour, j'espérais pouvoir assumer pleinement mon corps tel qu'il est maintenant.
On verra bien, il y avait une première fois à tout, alors pourquoi ne pas commencer maintenant ?

Louis me tendit sa main et m'aida donc à sortir. Il me donna mes béquilles et nous avançâmes vers l'entrée du restaurant.

C'était un 5 étoiles, il envoyait du lourd !

Mais après un tel enfer, nous avions le droit de nous lâcher.

Louis s'approcha, m'aida à avancer et un portier nous reçut en nous saluant. Il ne fit pas attention à ma jambe et cela me rassura grandement.

Un serveur nous demanda notre nom pour la réservation et il nous dirigea vers notre table. Elle était décorée d'un chandelier, de bougies et nous étions devant une grande baie vitrée donnant sur un paysage magnifique. Cette vue était formidable.

Il y avait une espèce de petit jardin ressemblant à une minuscule forêt illuminée par des guirlandes. C'était vraiment fabuleux, un régal pour les yeux !

Un serveur très professionnel vint prendre notre commande.

Louis commanda une bouteille de champagne très chère ce qui, j'avoue, me fis mal aux oreilles rien qu'à entendre le prix.

En entrée, nous prîmes des toasts de foie gras avec un plateau de fromage et de charcuterie. De plus, des petits toasts de pains à l'huile et au basilic avec de la mozzarella, au-dessus, étaient disposés de chaque côté du plateau apéro. Je bavai rien qu'à regarder ce festin.

Pour le plat, Louis prit du saumon fumé accompagné d'une sauce parfumée à la truffe et des pommes de terre dauphines faites maison. Pour moi, ce fut un rumsteck grillé avec des pâtes au caviar, une première pour moi.

Pour conclure le repas, nous choisîmes tous les deux le dessert du jour qui était une crème brûlée avec un fondant au chocolat.

Seulement quelques minutes plus tard, l'entrée arriva et nous commençâmes à manger tranquillement.

Pendant que nous attendions le plat, une envie soudaine d'aller aux toilettes me vint. Je pris mes béquilles pour y aller, mais en apercevant l'espace entre les tables de la salle, je décidai de ne pas les prendre...

Louis me pria de faire attention, l'air peu rassuré de me laisser aller aux toilettes seule et sans béquilles, mais il fallait que j'apprenne à me débrouiller seule aussi.

J'avançai très lentement, je vis un, deux, cinq regards se poser sur moi et je perdis confiance en moi. Je paniquai, mais continuai, déjà à mi-chemin.

Je regardai mes pieds pour être bien sûre que ma jambe suivait et ne pas perdre une jambe au passage, ma phobie.

Mais tout d'un coup...

Je tournai et me retrouvai au sol en une demi seconde...

Un serveur pressé m'était rentré dedans.

J'étais toute sale, couverte de vin rouge et le haut de ma robe était taché par une sauce jaune. On aurait dit une sauce au curry, à l'odeur étrange.

Je pris quelques instants à réaliser que j'étais au sol et ensuite, je remarquai tous les regards sur moi. Je vis aussi le serveur m'adresser de nombreux mots qui semblèrent être du chinois pour moi à ce moment-là. Je ne l'écoutais pas, j'en étais incapable.

Je regardai autour de moi et vis un homme s'avancer doucement avec quelque chose en main.

AvaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant