Mes parents revinrent dans la chambre et Bastien suivit silencieusement.— Si vous voulez savoir ce qu'il s'est passé, pas la peine d'insister, je ne vous le dirai pas.
— Ma puce, je sais que nous n'étions pas là mais nous ne savions pas où tu étais et nous avons tout fait pour te retrouver, je te le promets. On t'aime et c'est normal de vouloir savoir ce qui a bien pu se passer en notre absence !
— Bastien, je voudrais que tu sortes s'il te plaît. Cette conversation ne te concerne pas.
— Tu m'as déjà jeté tout à l'heure, cette fois, je reste.
— Je viens de te le dire ! Cette discussion ne te concerne plus.
— Ça veut dire quoi, ça ? Tu me quittes ?
— Écoute, on en reparlera plus tard, peux-tu sortir avant que je m'énerve ?
— Tu as tellement changé... Tu n'es plus la gentille et douce Ava que j'ai connu autrefois.
Cette remarque était de trop, il n'imaginait pas une seule des choses atroces que j'avais surmontée pour réussir à sortir, alors sa remarque, il pouvait se la garder.
— Bien sûr que j'ai changé ! Mais j'avais oublié que toi, tu préfères les filles dociles qui font tout ce que tu veux ! Seulement un enlèvement ça transforme.
— Je reviendrai tout à l'heure, on aura une discussion.
— Oui, oui. C'est ça.
Il sortit et j'aperçus un petit sourire satisfait sur le visage de Louis. Ce n'était pas pour autant que j'étais fière de moi, il n'y était pour rien et je le savais, mais il forçait et j'avais exactement besoin du contraire de ce qu'il faisait.
Plus tard, le psychologue entra avec une infirmière. Il s'assit près de moi tandis que l'infirmière emmenait Louis pour une radio. Il se présenta et commença son monologue.
— Bonjour Ava, je sais que ce que tu as vécu est dur et qu'il va te falloir du soutien pour avancer...
Ses paroles m'ennuyaient, j'écoutais un mot sur deux.
Après avoir parlé brièvement nous avions décidé de mettre court au rendez-vous, alors il partit.
— Maman, donne-moi le téléphone, s'il te plaît.
Elle me le passa et je composai le numéro de l'inspecteur que j'avais vu plus tôt dans la journée.
« — Inspecteur Dorlt, j'écoute.
— Bonjour, c'est Ava Lips, je voulais savoir si vous aviez retrouvé les autres filles kidnappées avec moi ?
— Non pas encore. L'hôpital abandonné où vous étiez était désert.
— Tenez moi au courant, alors...
— Oui, bon rétablissement. »
Je finis par m'endormir, morte de fatigue.
Je me réveillai subitement dans la nuit avec une envie d'aller aux toilettes. Je regardai autour de moi, Louis et ma mère dormaient.
Je me levai doucement pour ne pas faire de bruit, je pris ma perfusion dans la main et posai mes pieds au sol. Seulement, je n'avais plus deux, mais un seul pied...
Je m'écroulai par terre dans un bruit sourd. La douleur était toujours là, comme si j'avais encore ma jambe et je n'arrivais pas encore à m'y habituer, à distinguer le réel de l'irréel.
Je réveillai tout le monde, ni une ni deux Louis appela une infirmière qui arriva presque aussitôt.
Elle m'aida à aller jusqu'aux toilettes.
C'était tellement frustrant. Elle m'emmena dans le bureau des infirmières en fauteuil roulant et m'expliqua quelques petites choses qu'il fallait savoir sur l'amputation.
— Écoute, au début c'est normal de ressentir une douleur comme si tu avais toujours ta jambe. Mais, pour certaines personnes, la douleur est encore pire après. Lorsqu'elles rentrent chez elles, un symptôme se fait ressentir. On appelle ça la douleur du membre fantôme. Cela n'arrive pas à tout le monde et je ne te dis pas ça pour te faire peur, seulement pour te prévenir. Ta vie a été bouleversée dernièrement, donc il est possible que ça arrive et il faut que tu sois prête à pouvoir surmonter ça.
— Comment y remédier ?
— Le plus souvent, mettre un miroir à côté de ta jambe saine aide l'acceptation de l'amputation. Je ne dis pas que c'est facile, au contraire, mais tu es forte, Ava, tu y arriveras. Sinon, lorsque tu auras ta prothèse, planter un couteau dedans soulage. C'est psychologique.
Nous avions parlé comme ça toutes les deux pendant au moins deux bonnes heures. Ça m'avait fait du bien de parler à quelqu'un qui ne me jugeait pas, quelqu'un qui ne répondait pas « je comprends ce que tu as vécu » alors qu'il n'avait jamais été séquestré de leur vie.
Je retournai ensuite dans ma chambre avec l'aide de l'infirmière. Pendant plus d'une heure, je tentai de me rendormir, mais en vain. Je pensai à tout ce qui s'était produit, à Bastien, à Louis, à ma famille et à mon bébé. Ça faisait drôle de se dire que j'étais maman. C'était peut-être bizarre, mais j'aimais déjà mon enfant plus que tout alors que je ne l'avais encore jamais vu.
Je me réveillai tranquillement et j'étais d'une humeur exécrable, je n'avais aucune envie de retourner avec le psychologue.

VOUS LISEZ
Ava
Mistério / Suspense20 femmes. 10 hommes. Un lieu inconnu. Un seul mot d'ordre : obéir... ou disparaître. Elles ont été enlevées, privées de liberté, arrachées à leur quotidien. Pour Ava Lips, tout bascule en une nuit. Ce qu'elle pensait être un cauchemar devient réali...