Ava

Chapitre 39

Les yeux de Bastien se révulsèrent. Louis avait déclaré la guerre et il le savait.

Bastien ne lâcha pas mon bras et m'entraîna dans cette bagarre. Des coups arrivèrent de nulle part et j'en reçus un de Louis. Bien sûr, il n'avait pas fait exprès, mais mon arcade sourcilière se fendit.

Je réussis à me dégager de ce carnage et me mis à ramper jusqu'à la porte du voisin d'en face. Je ne voulais pas passer à côté des garçons, par peur d'être entraînée de nouveau dans la baston.

Ma prothèse ne se pliait plus, ou alors c'était ma jambe qui avait été frappée dans la bataille. Je ne la sentais plus.

Je rampai sur le béton chauffé par le soleil, puis arrivai devant la maison de ce cher Robert. Avec la force de mes bras, je soulevai le haut de mon corps tant bien que mal pour pouvoir frapper à la porte.

Je tapai des dizaines et des dizaines de fois avant d'avoir une réponse.

Il débarqua, tout affolé.

— Ava ? s'étonna-t-il, ébahi de me voir ramper sur le pas de sa porte.

— Je... Appelez la police, s'il vous plaît, le suppliai-je d'une voix faible.

— Mais, vous saignez ! continua-t-il, tout éberlué.

— Appelez-les !

— Ah... Euh, oui, j'y vais.

Il rebroussa chemin et revint en vitesse avec son téléphone fixe. Il me le tendit, trop tremblant pour pouvoir composer quoi que ce soit. J'attrapai l'objet sans aucune délicatesse, lassée de la lenteur des choses.

Mes doigts déposèrent du sang sur les touches, mais ce n'était pas le mien. Sans doute celui de Bastien, ou peut-être celui de Louis. Cette idée me fit frissonner.

Un homme décrocha au bout de plusieurs sonneries dans le vide. Je lui expliquai la situation en trois phrases et lui donnai l'adresse.

Au bout de dix bonnes minutes, une voiture de police intervint, enfin. L'état des deux garçons n'était pas beau à voir, ils étaient couverts de sang l'un comme l'autre.

Le voisin, Robert, m'avait aidée à m'asseoir sur son palier. Je regardai Louis et nos regards se croisèrent.
Il me fixa de longues secondes avant de détourner le regard. Cela me perturba au plus haut point, est-ce qu'il m'en voulait ?

Quelques minutes plus tard, je ne pourrais dire combien, deux ambulances arrivèrent à la suite. Mon regard était embué de petites larmes, tellement minuscules que seule moi pouvait les distinguer.

La main de mon ancien voisin était posée sur mon épaule pendant tout ce temps, sans doute pour me montrer sa présence et me rassurer.

Un infirmier s'approcha de moi. On aurait dit un stagiaire, il était tout jeune et ne semblait pas sûr de lui.

— Ça va, mademoiselle ?

Mon regard ne bougeait pas. Il était sur Louis, allongé sur un brancard.

— Elle est en état de choc, je crois... continua Robert voyant que j'étais absente.

— Nous allons vous emmener, vous entendez ?

Louis disparut dans la première ambulance. Il ne m'avait pas adressé un seul regard. Rien. J'étais profondément déçue, je me décidai enfin à répondre au jeune homme perdu face à mon indifférence.

— Vous pouvez m'aider à me lever ?

Ils acquiescèrent tous les deux et m'aidèrent.
Ensuite, nous nous dirigeâmes vers la deuxième ambulance et j'y montai avec l'infirmier.

Ma tête tournait de temps à autre, mais ce qui me préoccupait le plus, c'était Louis.