Chapitre 1

5.7K 157 49
                                    


Je pose mon sac à côté de ma jambe droite, respire un grand coup et me demande ce que je peux bien faire ici. Si un quelconque Dieu existe, il prend un malin plaisir à me tourmenter, jetant les cartes de mon destin par-dessus son épaule. Ou en les piétinants au sol avec beaucoup trop d'entrain pour un Dieu qui devrait avoir d'autres chats à fouetter.

Prenant mon courage à deux mains et ignorant mon ventre noué sous l'effet du stress, je frappe trois grands coups contre la vielle porte d'entrée défraichie, entrainant la chute de quelques écailles de la peinture craquelée. Il faut dire que je n'ai pas vu Tom depuis des mois.

Il y a un an, j'avais claqué la porte avec mes espoirs sur le dos, persuadé que j'étais capable de réussir dans la vie toute seule, comme une grande fille. Je pourrais m'amuser de la situation mais je suis encore bloqué au stade des lamentations. Par contre, Tom, lui ne va pas hésiter à me rire au nez. C'est évident, je le connais par cœur. Tout le monde le trouve mystérieux à cause de son petit regard perçant qui dénote avec son visage enfantin. Mais je suis sa sœur et donc je ne suis nullement impressionné par son petit manège. Un coup d'œil et op je sais prédire le moindre de ses faits et gestes.

A cet instant, la porte s'ouvre laissant apparaitre un visage rayonnant de bonheur et une paire de bras s'écartant en v pour m'accueillir dans leurs creux. Pendant qu'il me sert contre lui, je me demande si je suis à la bonne adresse et si cet homme est bien mon frère. Une goutte de sueur coule le long de ma colonne vertébrale mais je suis immédiatement apaisé par l'odeur légèrement musqué de son parfum qui me chatouille les narines. Son souffle chaud frôle ma nuque comme un courant d'air et mon cœur s'accélère à l'écoute de ce timbre de baryton qui me berce depuis mon enfance.

— Dieu merci te voilà enfin, je suis tellement heureux, me glisse-t-il à l'oreille.

— Hum, je...

— Tu as fait bon voyage ? reprend-t-il en cessant son étreinte.

Je sens mes yeux qui s'écarquillent et mon incompréhension doit se lire sur mon visage car il attrape mon sac et m'invite à entrer en balayant l'entrée d'un geste théâtrale. Je finis par le suivre jusqu'à cette pièce dont je connais chaque centimètre carré par cœur.

— J'ai tout préparé depuis ton coup de téléphone, ton ancienne chambre n'a pas changé depuis ton départ. Je te laisse t'installer tranquillement, les gars reviennent pour vingt et une heure donc tu pourras manger avec tout le monde. Ils sont tous hyper contents de ton retour !

Tom ferme la porte derrière lui et je finis par me déplacer comme un automate vers le bout du lit. Les draps fleuris sont les mêmes qu'à mon départ mais ils sont propres et même repassés. Le reste de la chambre est plus encombré.

Je regarde autour de moi, toutes mes affaires sont là : une photo peu flatteuse de ma meilleure amie Charlotte et moi prise à une soirée légèrement alcoolisée, un bouquet de fleurs séchées, un fauteuil capitonné vert sapin marqué par des brulures de cigarettes, des tonnes de livres entassés en petites colonnes et un cadre avec une photo de famille.

Mon cœur se serre quand je croise leurs regards mais je ne peux la quitter des yeux.

Mes parents sont souriants, Tom à ses mains autour de ma mère et la dépasse déjà de vingt bons centimètres. Elle est d'une beauté fascinante: ses cheveux aux couleurs du soleil lui tombe sur ses fines épaules habillées d'un petit débardeur rouge fleuri aux bretelles spaghettis. Malgré sa petite taille, ses jambes semblent élancées dans son pantalon blanc et perchées sur des espadrilles à talons compensées. Le plus éblouissants est son sourire, il est franc et sincère. L'amour qu'elle nous porte me frappe de plein fouet même 15 ans après et à travers une photo de papier glacé. Elle se tient fièrement accoler à son mari, s'accrochant tendrement à son bras. Mon père lui aussi est grand sourire et me porte sur ses larges épaules, j'ai à peine neufs ans et déjà quelques kilos en trop mais cela ne semble pas le gêner. De toute façon mon père était tout le temps de bonne humeur, pas un jour ne défilait sans qu'il n'en savoure chaque seconde pleinement. Physiquement, Papa est aussi grand que mon frère mais sa carrure est plus trapue, je souris en pensant que j'ai hérité de ses gênes plutôt que ceux de ma mère.

La loi de la jungleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant