MEXICO

28. Chez nous

Le vol jusqu'au Mexique se déroule en silence, chacun est dans sa bulle, comme si cela pouvait rendre moins douloureux les évènements de ce matin. Là au dessus des nuages, j'ai l'impression d'être dans un mauvais rêve, que les derniers jours en Colombie n'ont jamais eu lieu. Mais le petit bonhomme endormi à mes côtés qui sert fortement ma main depuis qu'on a quitté la villa, est un rappel constant à la réalité. Le vol est bien trop court à mon goût pour une fois et je n'ai presque pas envie de sortir. Il va à nouveau falloir faire face à la réalité, à ce quotidien cruel. Rodriguez est le premier à descendre de l'avion d'un pas rapide, sans même nous adresser un regard. Emilio me jette un coup d'œil, peu rassurer lui aussi à l'idée de quitter cette bulle protectrice et je prends mon courage à deux mains pour afficher un sourire réconfortant.

_ Allez Champion, un bol d'air frais ça va nous faire du bien, on étouffe dans cette boite en métal lui dis-je en me levant et en lui tendant.

Il me suit sans dire un mot et nous quittons à notre tour l'avion. Sans surprise, un gros 4x4 noir nous attend sur la piste et lorsque je m'installe à l'intérieur, je suis choquée de voir Samuel derrière le volant.

_ Samuel ? M'écriais-je, heureuse de le voir si vivant.

_ Bah alors beauté, tu pensais pouvoir te débarrasser de moi aussi facilement ? Me dit-il avec un sourire charmeur.

Il grimace légèrement mais tente de le cacher, sa blessure doit lui faire encore mal mais devant Rodriguez il ne peut pas se permettre de montrer de faiblesse. Je décide de faire comme si je n'avais rien vu et observe le paysage tandis que la voiture roule. La fatigue commence à pointer le bout de son nez après toute cette adrénaline dépensée et le choc émotionnel mais je me force à garder les yeux ouverts. Et quand Samuel emprunte un chemin que je ne reconnais absolument pas, mon cerveau se met en alerte et mon corps se réveille d'un coup.

_ Où allons-nous ? Demandais-je l'air de rien.

_ A la maison répond Rodriguez sans donner plus d'indications.

Bien sur, prend moi pour une conne ai-je envie de lui crier mais je me retiens, mes conneries aujourd'hui n'ont plus des répercussions seulement sur moi mais aussi sur Emilio. Si j'ai réussi à convaincre Rodriguez de l'emmener avec nous, cela ne veut pas dire que j'ai réussi à le convaincre de s'en occuper et il pourrait s'en débarrasser aussi rapidement qu'il n'en faut pour dire oups. J'observe attentivement ces routes que je ne connais pas, comme si une nouvelle tentative d'évasion était envisageable, quelle bonne blague je n'arrive déjà pas à me gérer moi-même alors ce n'est pas avec un enfant que je vais y arriver. Et quand on arrive face à une immense demeure au style ancien, je suis bouche bée. La maison est sur deux étages, les murs blancs accentuent cet effet de grandeur et il y a à l'entrée un immense porche bordé de colonnes. La voiture se gare devant et deux hommes se hâtent de nous accueillir.

_ Monsieur, le périmètre a été totalement sécurisé, des hommes sont postés à chaque porte et sur le terrain annonce l'un des gorilles à Rodriguez. Souhaitez-vous que d'autres mesures soient prises ?

_ Pour l'instant ça suffira, merci.

Les deux hommes repartent au pas de course sur le porche tandis qu'on récupère le peu de bagages que nous avons dans le coffre. Emilio cours comme un fou autour de moi, émerveillé par ce nouveau « chez nous » et j'en ai presque le tournis de le voir s'exciter ainsi. Nous rentrons à l'intérieur et je suis sans voix. Nous sommes loin de la maison un peu miteuse qui sert de QG à ce putain de gang et dans laquelle je vis depuis un moment. L'architecture peut paraitre un peu ancienne à l'extérieur mais à l'intérieur, la maison est décorée avec gout et de façon moderne. La grande entrée donne à sa droite sur une salle à manger qui pourrait accueillir un banquet tandis qu'à sa gauche, on trouve un grand salon chaleureux. Un escalier nous fait face, menant à l'étage et je suis abasourdie par la moquette qui donne l'impression d'être sur un tapis rouge.