MEXICO

6. Double je

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis enfermée dans cette pièce mais je suis sure que je suis entrain de devenir folle. J'ai perdu la notion du temps depuis un bon moment, être dans le noir total me fait perdre la tête et la faim commence à me faire avoir des hallucinations. Je ne peux que penser pendant des heures et des heures mais cela me ronge l'esprit plus qu'autre chose alors j'essaye de dormir un maximum. Mais la majeure partie du temps, le sommeil refuse de m'emporter alors je me mets à me balancer d'avant en arrière et m'ordonne inlassablement de ne penser ni à la faim, la soif ou la mort. Le premier jour je crois, un homme m'a apporté une bouteille d'eau et du pain. Au début je me suis jetée dessus comme une forcenée, pensant que j'aurais une ration chaque jour mais ne le voyant jamais revenir, j'ai vite compris que c'était mes prévisions pour mon temps indéterminé de captivité. J'ai donc essayé de les économiser un maximum, n'y touchant que si je risquais de tomber dans les pommes. Le problème est qu'il faut une force mentale en béton pour tenir et résister à la soif est le plus dur selon moi. Ma bouche sèche et pâteuse ne réclame que d'être soulagée, me rendant à moitié folle et c'est généralement dans ces cas d'extrême tentation que je me ronge les ongles jusqu'au sang et que les hallucinations arrivent. Je ne sais pas encore combien de temps je vais tenir comme ça mais je n'y survivrais pas bien longtemps...

Je m'assoupie par ci par là, hésitant entre rêve et réalité à tel point que je ne saurais dire pendant combien de temps je rêvasse, et je n'ai qu'une envie : sortir d'ici. J'aimerais me lever pour aller tambouriner à la porte, montrer que je suis toujours en vie mais je n'ai plus aucune énergie, mes jambes me portent à peine et je préfère conserver cette énergie pour survivre que m'épuiser bêtement. Alors je me balance pour ne pas rester immobile, pour ne pas laisser mes pensées morbides m'envahir. La soif me tiraille intensément mais je résiste encore un instant, ma réserve va bientôt se finir et que deviendrais-je quand je n'aurais plus d'eau ?

_ Tu mourras de soif, surement dans d'atroce souffrance réplique une voix moqueuse à côté de moi.

Je ne prends même plus le temps de me tourner vers elle, habituée à sa présence maintenant. Elle a la fâcheuse habitude de me faire chier quand il ne le faut pas.

_ Non je ne mourrais pas comme ça, pas ici. Ils vont venir me chercher lui murmurais-je, plus pour me convaincre moi-même qu'elle.

_ Bien sur... Résumons pour voir : premièrement on parle d'un mafieux, d'un meurtrier et pas n'importe lequel en plus alors pourquoi t'épargnerait-il ? D'autant plus qu'il te soupçonne d'être du côté ennemi. Deuxièmement tu penses que s'il ne voulait pas te tuer, il te laisserait pourrir ici sans eau ni nourriture ? Non il t'apporterait une ration quotidienne. Alors rentre toi bien ça dans le crâne que le but est que tu crèves ici. Reste à savoir si ce sera de soif, de faim, de folie ou peut-être les trois réplique-t-elle en se marrant.

_ Ferme la putain ! Tu me fais vraiment chier lui criais-je en me balançant plus rapidement en espérant qu'elle s'en aille.

_ Tu sais que j'ai raison tu ne veux juste pas voir la vérité en face.

Au fond elle a raison et c'est bien ça qui me fout la haine. Je sais bien que je vais crever ici mais si je l'acceptais, mon corps cesserait de se battre et même si le pourcentage de chance de survie est minime, je ne peux pas le laisser passer.

_ Je te dis que je ne crèverais pas ici ! Ils vont venir répétais-je inlassablement.

_ Tu penses qu'ils rendront ton corps à ta famille ou vont te jeter dans un lac ?

_ Je t'ai dis de la fermer ! M'écriais-je en me tournant face à elle.

Mon reflet me fait face, un sourire sadique sur les lèvres et si elle ne faisait pas aussi peur, j'aurais envie de la baffer. Est-ce la représentation des ténèbres intérieures qui m'habitent ou de mes réelles pensées que je ne veux pas avouer ? Actuellement je ne pourrais pas le dire mais je crois bien que la vérité m'importe peu.