MEXICO

30. Brasier

La soirée fut un succès aussi bien d'un point de vue de l'organisation, de l'ambiance mais aussi d'un point de vue des affaires. Des retours que m'a fournis Samuel, Rodriguez a pu effectuer des deals fructueux qui vont être un véritable tremplin pour son business. D'une part je suis heureuse pour lui mais d'une autre, je suis inquiète de ce que cela signifie pour le futur. Est-ce que cela signifie d'avantage de morts ? D'atrocités ? Ou au contraire est-ce une porte de sortie pour tenter d'utiliser l'argent avant le sang, pour éviter de futurs bains de sang dans les rues ? Malheureusement je ne peux pas prédire l'avenir et tout peut se jouer à un rien, il suffit d'un homme pour tout faire basculer. Mais Rodriguez parait confiant et je garde mes questionnements pour moi. Nous n'avons pas non plus abordé ce qu'il s'était passé dans son bureau, il est hors de question de donner de l'importance à ce baiser, c'était un simple débordement sous l'effet de l'alcool. Et vu comment il m'a évité comme la peste ces derniers jours, je n'ai aucun doute que ça ne signifiait rien pour lui aussi. C'est mieux ainsi, la vie est déjà suffisamment compliquée pour se rajouter des problèmes de cul. Néanmoins, la connexion que j'ai ressentie entre nous sur le moment était si puissante que j'aurais pu m'y abandonner totalement. Ce sentiment me hante encore la nuit dans mes rêves mais je dois y faire abstraction. Heureusement, il est bien trop occupée en ce moment avec ses affaires pour avoir le temps de venir m'emmerder, nous ne nous croisons donc que très rarement dans la maison. C'est donc Emilio qui illumine mes journées avec sa joie de vivre et sa grande curiosité. Nous n'avons pas le droit de quitter la propriété mais cela n'arrête pas le petit pour redoubler d'imagination pour sa prochaine expérience à faire et cela au grand malheur des employés qui sont souvent obligés de ramassés les pots cassés ensuite. Mais alors qu'Emilio tente de reproduire un volcan au milieu du salon, nous sommes interrompus par un grand gaillard qui souffle comme un bœuf.

_ Je dois absolument parler au chef ! S'exclame-t-il en entrant dans la pièce.

_ Rodriguez est sorti, je suis désolée mais je ne sais pas quand est-ce qu'il reviendra. Est-ce que je peux lui faire passer un message ? Demandais-je plus par politesse qu'autre chose.

_ Deux entrepots de la région de Sonora sont partis en fumée ce matin, Pablo menace d'en bruler d'avantage.

Mon sang se glace sur place et je n'entends plus ce qu'il se passe autour de moi. Cet enfoiré a encore frappé et je sais très bien que nous allons devoir riposter. Les cris et le bruit des balles qui fusent me reviennent en mémoire. Je me revois a genoux dans ce mélange de boue et sang à tenter de me battre pour ma vie. L'odeur de mort est partout autour de moi, il y a aussi de la fumée, ils ont du mettre le feu à la baraque et si je ne bouge pas d'ici, moi aussi je vais me faire engloutir par les flammes. Mais je me sens comme paralysée. Je regarde à mes pieds, Samuel agonise, son sang recouvre mes mains et je ne sais même pas si je lui prodigue les premiers soins comme il faut. Peut-être que je le condamne à la mort plus rapidement en appuyant au mauvais endroit. J'ai envie de céder à la panique, de partir en courant me réfugier et ne plus jamais remettre un pied ici mais mon corps tremble comme une feuille. Je...

_ Eli... me murmure doucement Emilio en posant sa main sur la vienne.

Mon regard se tourne vers lui et je suis immédiatement ramenée à la réalité. J'ai la respiration saccadée et mon corps tremble alors que je sens des gouttes de sueurs couler le long de ma tante.

_ Tu vas bien ? Me demande-t-il, inquiet.

Je me ressaisis autant que je peux, je ne peux pas m'effondrer ainsi devant lui alors je lui offre mon plus beau sourire avant de serrer sa petite main.

_ Bien sur champion, tout va bien le rassurais-je, j'étais simplement perdue dans mes pensées. Merci, je vais prévenir Rodriguez sur le champ ajoutais-je en me tournant vers l'homme.