22. A l'attaque

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Mon corps tremble comme une feuille, j'essaye de me convaincre que ce sont les vibrations de la voiture sur les routes bancales qui sont à l'origine de mon tremblement mais je me voile la face. Mon corps est de plus en plus agité au fur et à mesure qu'on s'approche du repère de Pablo et la panique se fait de plus en plus grande. J'ai l'impression d'être dans un jeu vidéo où il faut s'entretuer pour gagner, la seule différence étant qu'il n'y a pas de seconde chance, on a qu'une seule vie. Les hommes à côté de moi on l'air parfaitement sereins, à croire que leur vie a toujours été destinée à ce genre de missions ou alors peut-être ont-ils un côté kamikaze, je ne sais pas. J'essaye de prendre de grande inspirations et de garder la tête froide, je n'ai pas le droit de me louper, je ne peux pas mourir maintenant alors il ne faut pas que je me laisse submerger par mes émotions. Je dois laisser la gentille petite Elina ici et enfin devenir celle que tout le monde veut que je sois, une combattante, une femme forte qui ne se laissera pas faire sans donner son maximum.

La voiture s'arrête dans une ruelle sombre à une distance suffisamment éloignée de notre cible, tout le monde sort pour rejoindre son poste, le moment fatidique est arrivé. Dans tout ce bordel, ce qui me rassure un peu est d'être dans la même équipe que celle de Samuel. Même si chacun se battra pour sauver sa peau avant tout, je sais tout de même que je peux compter sur lui et c'est quelque chose qui m'aide à avancer sans trembler. Le plan est simple, Samuel, moi et le maigrichon qui nous accompagne, devons rejoindre l'arrière du QG de Pablo pour l'infiltrer. Une autre équipe pendant ce temps là fera diversion par devant pour nous dégager l'accès. Nous avançons sans un bruit dans la pénombre et quand des coups de feu se mettent à fendre la nuit, nous savons pertinemment qu'une course contre la montre est lancée et nous accélérons alors le pas. Nous atteignons la maison par le côté, des cris stridents résonnent autour de nous, je ne saurais dire s'il s'agit de mes alliés ou de mes ennemis, mais j'y fais abstraction et me concentre pour trouver un moyen de rentrer à l'intérieur. Samuel fracasse une vitre à l'arrière de la maison et nous nous glissons à l'intérieur. Je sors mon arme et la tend droit devant moi, prête à riposter si la moindre personne tentait de nous attaquer. Nous traversons quelques couloirs, enjambons plusieurs cadavres baignant dans des mares de sang quand au détour d'un couloir, deux hommes nous rentrent dedans. Les choses vont très vite, Samuel maitrise le premier homme mais ce n'est pas suffisant, plusieurs coups de feu partent. Je retiens ma respiration quelques secondes le temps que mon cerveau comprenne ce qui vient de se passer. Les corps inertes deux hommes de Pablos sont tombés mais ce n'est pas tout. Le petit maigrichon qui nous accompagnait est aussi sans vie à nos pieds. Je le regarde un instant, stupéfaite, et je me rends compte qu'à quelques centimètre près ça aurait pu être moi. Je commence à me sentir prise de hauts le coeur mais parviens à me maitriser et reprendre mes esprits. Bien que tout ceci soit un cauchemar, je ne suis plus aussi paniquée qu'au début, la mort ne me révulse plus autant. C'est triste à dire comme constat mais elle fait partie de mon quotidien maintenant et je m'y suis habituée en quelque sorte.

Samuel me tire par le bras pour reprendre notre route, nous ne pouvons pas rester là indéfiniment c'est trop dangereux et reprenons notre route à la recherche de Pablo et son bureau. Mon arme tendue devant moi, j'avance d'un pas rapide, le corps sur le qui vive, à l'affut du moindre danger. Nous traversons les dédales de couloirs sans un bruit pourtant j'ai l'impression que nos coeurs qui battent la chamade à l'unisson sont aussi bruyants qu'une fanfare. Le stress me serre les tripes mais je ne me laisse pas paralyser par la peur et me concentre sur le chemin à faire. Mais alors que nous atteignons le salon pour rejoindre la sortie, un homme muni d'un couteau fonce sur moi au détour d'un couloir. Je l'esquive de justesse en me jetant sur le coté puis en profite pour le faire tomber d'un croche patte. Je me relève avant lui et sans lui laisser le temps de récupérer le couteau qu'il a laissé tomber sur le sol, sans une seule hésitation, je tire deux balles en plein dans le coeur. La détonation résonne dans la maison vide, le parquet se teinte rapidement de pourpre mais je n'ai pas le temps pour m'apitoyer sur son sort, c'était lui ou moi. Arrivés derrière la porte du bureau, je l'entrebâille légèrement pour estimer le nombre d'ennemis à l'intérieur. Il n'ya personne et nous entrons pour fouiller. L'ordre est clair : trouver Pablo ou la moindre info utile contre lui. Alors nous ramassons un maximum de papiers, de noms, de numéro et nous emportons tout dans nos sac à dos avant de sortir de là rapidement. Le chemin en sens inverse se fait sans grabuge, j'en suis contente mais dehors c'est un carnage, les balles fusent dans tous les sens. En regardant plus en détails, nos hommes ont l'air de maitriser la situation, ils forment une ligne de défense un peu plus loin qui n'a pas été encore percée et c'est peut-être ce qui nous permettra de passer indemne derrière eux pour rejoindre la voiture. Je me tourne vers mon groupe et prend une grande inspiration.

_ Bon c'est maintenant ou jamais, on n'a pas d'autres choix que de passer par là. Il va falloir courir aussi vite que possible sans se retourner.

_ T'es malade ! On va se faire canarder comme des lapins si on traverse cette cour me hurle Samuel en me regardant ahuri.

_ Je sais bien qu'on a toutes les chances de finir troués comme du gruyères ! Mais c'est le même bordel partout autour de cette maison, la seule différence ici avec les autres sorties, c'est que la voiture n'est qu'à quelques mètres et que si Dieu est avec nous on a une chance d'y arriver indemnes.

Je vois bien la peur dans son regard, la même peur que j'avais la première fois que j'ai assisté à un tel massacre, la première fois que j'ai dû mettre ma vie en jeu. Il tente de réfléchir à une autre solution mais finir par se résoudre à me suivre. Son corps se crispe et je lui attrape les mains pour tenter de le rassurer. J'aborde un sourire qui doit plus ressembler à une grimace mais ça semble suffire puisqu'il me sourit en retour, prend une grande inspiration puis me fait un hochement de tête, signe qu'il est prêt à y aller. Je souffle une dernière fois puis d'un geste rapide, j'ouvre la porte en grand et me met à courir aussi vite que possible. Le bruit des détonations est assourdissant, j'en perds la notion du temps comme de lieu mais ne quitte pas la voiture des yeux en face de moi. J'ai l'impression que plus je cours, plus elle s'éloigne comme un mirage en plein désert et alors que je me dis qu'elle est à portée de main, un cri dans mon dos me fait me stopper net. Lorsque je me retourne, Samuel est au sol, une main ensanglantée sur l'abdomen. Je le rejoins en courant mais nous ne sommes absolument pas bien situés pour rester là bien sagement.

_ Samuel, samuel, tu peux te lever ? Lui criais-je en m'agenouillant près de lui.

Il ne me répond pas, trop concentré sur sa douleur, les dents serrées. Les balles continuent de voler dans tous les sens, on pourrait presque les sentir nous effleurer la peau et je me mets à insulter la terre entière de me retrouver dans un tel merdier.

_ Allez Samu, il est hors de question que je te laisse mourir ici, il faut que tu te lèves !

Je tente de le soulever d'un bras tout en tirant de l'autre pour nous protéger mais il est trop lourd pour moi. Une autre balle m'effleure le bras et je me couche au sol pour essayer de les éviter. Mais alors que je me retourne, mon arme prête à tirer sur tout ce qui bouge, je me retrouve face à Rodriguez quelques mètre plus loin. Il est là debout, les mains en sang mais le détail qui me percute le plus est le fait qu'il est désarmé. Mon flingue est pointé droit sur lui et j'ai l'impression que le temps est mis sur pause. C'est le moment rêvé pour enfin mettre fin à tous mes soucis, pour enfin me débarrasser de la source de mes problèmes. Personne n'en saurait jamais rien, on accuserait Pablo, on le ferait passer pour un martyr sur ce champ de bataille et personne ne me reprocherait rien. Mais le plus surprenant surtout, c'est que Rodriguez ne bronche pas d'un millimètre. Il est là, me regarde fixement droit dans les yeux, sachant pertinemment qu'il suffit que mon doigt presse légèrement la détente pour que tout soit fini. J'attends qu'il se décale mais il ne se passe rien, il reste là immobile dans ma ligne de mire. Et alors que je plonge mon regard dans le sien, ce que j'y vois me fait frémir. Il y a dans son regard comme une sorte d'espoir, comme s'il attendait ce moment, cette délivrance depuis si longtemps. A cet instant, le masque tombe et on aperçoit toutes ses peines à travers ses yeux, on aperçoit sous cette image de dur, une personne écorchée à vif qui attend qu'on lui offre enfin la paix. il esquisse un léger mouvement, je resserre mon arme, pensant qu'il va dégainer la sienne ou me sauter dessus mais il n'en fait rien. Simplement il écarte légèrement les bras, les paumes vers l'avant comme s'il me hurlait de tirer, de le tuer, il est prêt à mourir, plus choquant que ça, il le veut au fond de lui. Je me sens submergée par toutes ces émotions, par toute la sincérité que me transmet Rodriguez et je suis alors incapable de tirer. J'abaisse mon arme, il parait déçu, presque triste mais il remet son masque en une fraction de seconde et me rejoins en deux pas pour m'aider à transporter Samuel.

Le monde autour de moi reprend vie, nous atteignons la voiture sans un mot et déposons Samuel dedans. 

MEXICOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant