5. Le doute

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Le lendemain je me suis réveillée avec une attèle à la cheville, j'imagine que quelqu'un est passé dans la matinée et je prie pour que ce ne soit pas un des hommes aux mains baladeuses. Tout un tas de questions me trottent dans la tête, je rumine encore et encore les derniers évènements à tel point que j'ai l'impression de tourner comme un lion en cage dans cette chambre. Je vois les heures défiler sur l'horloge murale en face de moi et plus le temps passe, plus j'hésite à sortir de cette pièce. Si je m'enfuis que ce passera-t-il ? Vu la gueule de ma cheville, ça m'étonnerait que j'arrive à aller bien loin, d'autant plus que je ne sais pas où je suis sur une carte. Alors j'attends, encore et encore, que quelqu'un daigne me faire signe. J'ai donc eu le temps de connaitre chaque détail de cette chambre qui s'avère plutôt banale et aussi de réfléchir à ma situation. Rodriguez va-t-il être clément comme la dernière fois et me ramener chez moi ? Va-t-il plutôt me dire qu'il m'avait prévenu et qu'il ne peut rien pour moi ? Ou vais-je voir son côté sombre et impitoyable que tout le monde craint ? Je frissonne rien qu'à l'idée des atrocités qu'il pourrait me faire subir s'il en avait envie. Je ne suis pas en sécurité dans cette maison et le moindre faux pas pourrait me couter la vie. Après tout, Rodriguez a l'air de pouvoir faire ce qui lui plait comme bon lui semble sans redouter quoi que ce soit. Si ce n'est peut-être ce fameux Pablo ? C'est le nom qu'a prononcé le blond si j'ai bonne mémoire. Il m'aura fallu attendre encore deux heures avant d'avoir un semblant de réponse à mes interrogations. Un homme entre dans la chambre, il m'observe de la tête aux pieds, légèrement ahuri comme s'il avait vu un fantôme.

_ Tu es là... souffle-t-il de façon à peine audible. Bonjour comment te sens-tu ? Se reprend-il en se raclant la gorge et affichant un léger sourire.

_ Euh... Mieux j'imagine dis-je ne voyant pas quelle est la réponse correcte à sa question dans une telle situation.

Je suis mal à l'aise, son enthousiasme me perturbe et malgré son sourire bienveillant, je ne peux me fier à personne dans ce monde si opposé au mien.

_ Tant mieux, au fait je m'appelle Santiago mais tu peux m'appeler Santi.

_ Moi c'est Elina.

Je le dévisage un instant, il a l'air gentil, une carrure un peu moins imposante que celle des autres et l'absence de tatouages est frappantes quand tous ici en possèdent. Sans grande surprise, il a une chevelure brune et des yeux marron comme tout le monde ici quasiment. Vraiment, dans d'autres circonstances il me serait apparu comme un homme sympathique et des plus charmants mais je doute que ce soit des adjectifs qui aillent à un meurtrier. Je sens bien qu'il essaye de rendre la chose moins pénible pour moi comme pour lui avec ses présentations mais ça ne rend pas l'ambiance moins tendue.

_ Je suis désolé d'avance pour la douleur mais je dois t'emmener dans le bureau de Rodriguez, il veut te voir.

J'hoche la tête, n'ayant pas vraiment le choix, et me lève du mieux que je peux malgré la douleur. J'essaye d'y faire abstraction, après tout elle est quand même beaucoup moins forte que quand je courais, et tout en m'accrochant au bras que me tend Santiago nous quittons la chambre. Nous traversons un long couloir avant de rejoindre une grande pièce dans laquelle trône un bureau en bois près d'une fenêtre avec deux fauteuils de chaque côté. En face contre le mur opposé se trouve un canapé en cuir noir et une petite table basse en verre. Derrière le bureau il y a une grande bibliothèque incrustée dans le mur et pour finir un grand tapis persan tapisse le sol au centre de la pièce. Santiago me fait m'installer sur le fauteuil en face du bureau tandis que lui part s'installer dans le canapé. Au moins cela me rassure en un sens, je ne serais pas seule face à Rodriguez peut-être que cela contiendra sa rage. Et en parlant du loup, alors que je bats la mesure sur l'accoudoir de mon fauteuil, stressée, il passe la porte d'un pas lent mais assuré. Quand je remarque dans sa main droite l'arme qu'il tient, je me raidis directement et la peur me fait manquer d'air. Le sang bat à tout rompre contre mes tempes et j'ai les mains moites mais j'essaye de ne pas montrer mon mal aise, ça lui ferait trop plaisir. Il prend place dans le grand fauteuil face à moi de l'autre côté du bureau et me scrute du regard, sans rien dire, comme s'il essayait de lire en moi. Je ne fuis pas son regard, déterminée à ne pas me montrer faible malgré ma situation plus que précaire. Il finit par détourner son regard de moi et nous restons là en silence dans une ambiance tendue. Finalement sans faire attention à moi, il monte et démonte son arme dans un bruit métallique régulier ce qui ne fait qu'augmenter mon angoisse. S'il me plaçait une balle entre les deux yeux là maintenant, est-ce qu'on retrouverait mon cadavre un jour ? Sans doute pas. Plus je l'observe faire et plus je me dis que la facilité avec laquelle il accompli ce geste prouve qu'il fait ça depuis longtemps et qu'il pourrait le faire les yeux fermés. Alors que je commence à ne plus pouvoir respirer correctement, étouffée par le seul bruit de son arme dans la pièce qui pèse au dessus de ma tête comme l'épée de Damoclès. Il finit par poser son arme contre le bois de son bureau et prend enfin la parole.

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