MEXICO

36. La fin du chemin

Les jours suivants ont été particuliers je dois dire. J'ai très peu vu Antonio la journée, l'effervescence faisait rage et il passait plus de temps dehors qu'à la maison. Néanmoins il a pris l'étrange habitude de me rejoindre chaque soir dans ma chambre. Les premières fois en prétextant qu'il voulait me parler de la situation actuelle, me faire un résumé de la journée puis au final nous avons fini par discuter de tout et rien et nous endormir ainsi chaque soir. Ce n'est pas un homme du genre à laisser paraitre facilement ses émotions pourtant il se laisse aller dans ces moments d'intimité que nous partageons et je suis ravie d'en apprendre d'avantage sur lui. Sa vie n'a pas été toute rose, je l'ai toujours su, mais l'entendre me raconter ses anecdotes qui lui semblent banales alors qu'elles me brisent le cœur me donnent envie de l'emmener si loin d'ici, loin de tout le monde. Mais il n'est pas le seul à qui j'aimerais épargner toute cette peine, Emilio aussi a su faire chavirer mon cœur et je ne peux pas m'imaginer le voir grandir comme a du le faire son père. En passant mes journées avec lui je m'y suis attachée plus que je n'aurais du... En même temps qui ne tomberait pas sous le charme de cet enfant au grand cœur qui malgré toutes les atrocités qui lui est arrivé, continu de sourire et rigoler. Et ce n'est pas Samuel qui va me contredire, il est tout aussi attaché à cet enfant que moi si ce n'est plus. Les deux sont inséparables et je pense qu'ils comblent mutuellement un vide. Et par moment lorsque je les regarde jouer dehors ou qu'Antonio est blotti contre moi le soir, je me dis que je pourrais réellement m'adapter à cette vie, accepter cette routine qui aujourd'hui me redonne le sourire. Pourtant à chaque fois que j'ai essayé d'aborder subtilement le sujet avec lui, il s'est tout de suite renfrogné et a changé de sujet. A-t-il peur de l'engagement que cela signifierait ? Après tout vu comment les choses se sont finies avec Tania, je peux comprendre qu'il ait peur mais je ne suis pas elle, les choses ne se reproduiront pas. Ou peut-être voit-il une faiblesse dans le fait d'avoir des proches. Il a fermé son cœur à tout le monde depuis si longtemps qu'il ne voit plus l'amour comme un cadeau. Mais alors où allons nous ? A l'heure d'aujourd'hui je ne saurais le dire.

Ce matin je descends dans la cuisine, le regard fatigué, Antonio a du partir au milieu de la nuit pour régler une urgence et je n'avais pas réussi à me rendormir, inquiète par le regard stressé qu'il avait avant de partir. Samuel et Emilio sont assis autour de l'ilot central, entrain de manger la salade de fruit que j'avais préparée hier et je me joins à eux.

_ Eli, eli regarde ! J'ai perdu une dent s'exclame Emilio en me montrant le trou que cela a laissé.

_ Wow, est-ce que tu savais qu'en France lorsqu'un enfant perd une dent, une petite souris passe dans la nuit et lui dépose une pièce en échange de sa dent ?

Il parait émerveillé par ce que je viens de lui apprendre et court déjà dans tous les sens pour trouver une boite dans laquelle déposer sa dent qui serait suffisamment pratique pour qu'une souris l'emporte. Je le regarde en souriant et me jure mentalement de penser à lui déposer une pièce sur son oreiller ce soir. Au même moment Antonio rentre dans la cuisine, il parait fatigué mais sourit à Emilio qui lui montre son trou et lui raconte l'anecdote que je viens de lui apprendre. Il me lance un regard que je ne saurais déchiffrer, un mélange de douceur et de tristesse et je me demande ce qui a bien pu se passer cette nuit.

_ Samuel accompagne Emilio dans sa chambre, vous y passerez la journée aujourd'hui et une équipe de renfort viendra surveiller la maison déclare-t-il en s'approchant de nous.

Samuel acquiesce sans demander à en savoir plus et entraine le petit à l'étage. Nous ne sommes plus que tous les deux dans la pièce mais une certaine tension est palpable et j'ai comme l'impression qu'il fuit mon regard.

_ Que s'est-il passé cette nuit ? Demandais-je de but en blanc.

_ On a retrouvé une de nos sentinelles grièvement blessée, il a fallu renforcer la sécurité.