Epilogue

4.3K 183 59
                                    

1 an plus tard

_ Un croissant et un jus d'orange s'il vous plait demandais-je à la jeune caissière en face de moi.

Prendre mon petit déjeuner dans cette boulangerie à quelques rues de chez moi est devenu un véritable rituel depuis que je suis rentrée en France. Mon seul petit moment de répit dans la journée, sans avoir mes proches sur le dos ou sans sentir les ombres de mon passé tenter de me tirer vers les ténèbres. Parce qu'il faut l'avouer, mon retour en France n'a pas été de tout repos et quand j'y pense, j'ai l'impression que cela date d'hier. Les flashs qui me viennent à l'esprit me font frissonner et je tente de les repousser d'un revers de la main.

Je récupère ma commande et adresse un dernier sourire à la caissière avant de rejoindre une petite table isolée au fond de la salle. D'où je suis, j'ai une vue parfaite sur toute la pièce et cela me rassure en un sens, personne ne peut surgir dans mon dos et tenter de m'assassiner. A cette pensée, mon retour en France se fraient un chemin jusqu'à moi.

Cela fait trente minutes que je suis éblouie par une lumière bleue et rouge qui tournoie derrière la fenêtre du commissariat et l'agitation à l'intérieur ne m'aide pas à me calmer. Depuis que j'ai mis le pied sur le sol français, j'ai l'impression d'être un automate que l'on a mis sur pause. Rien ne me parvient réellement aux oreilles et mon regard est fixé dans le vide, j'ai l'impression d'être hors du temps. Mon attention fini par être captée par des pleurs à l'autre bout de la pièce et les battements de mon cœur se suspendent lorsque je pose mes yeux sur mon père. Il n'a pas changé physiquement pourtant j'ai l'impression que ce n'est pas le même homme face à moi, il a les joues creuses, des cernes noires et ses cheveux sont devenus poivre sel. Serait-ce à cause de moi ? Du stress de ma disparition ? J'imagine que oui. Ma mère aussi est là, elle est accrochée à son bras comme une moule à son rocher et je pense que si elle le lâchait, elle finirait par s'écrouler au sol. Aucun de nous n'ose faire le premier pas en avant, nous nous détaillons du regard, étudions le moindre petit détail qui aurait changé depuis la dernière fois que nous nous sommes vus et je me demande s'ils peuvent lire en moi, voir la personne que je suis devenue aujourd'hui. C'est finalement mon père qui réduit le peu de distance qui nous séparait et me serre aussi fort que possible dans ses bras. J'ai du mal à respirer mais je ne dis rien, les larmes qui coulent dans mon cou en disent long sur son état mental et je ne veux pas gâcher ce moment.

_ C'est vraiment toi souffle-t-il en se détachant de moi pour m'observer de plus près. Je te pensais perdue à jamais ajoute-t-il, la gorge nouée.

Moi aussi je ne pensais pas réussir à rentrer un jour pourtant me voilà aujourd'hui et je ne saurais même pas dire si j'éprouve une once de bonheur à cette nouvelle. Comment le pourrais-je puisque cela veut dire ne jamais revoir l'homme que j'aime ? Mon s'esprit s'est à nouveau égaré et je n'écoute pas ce que me racontent mes parents, la tête ailleurs. Ils doivent s'en apercevoir puisque leurs regards semblent inquiets mais c'est plus fort que moi. Ce n'est qu'une fois devant chez moi que je m'aperçois que nous avons quitté le commissariat. Je ne sais pas à quoi sont dus ces trous noirs mais ce ne sont pas les premiers, je serais incapable de me souvenir de ce qu'il s'est passé entre ma descente de l'avion et mon arrivée au commissariat. Je me souviens vaguement avoir été accueilli par un homme, il m'a dictée ce que je devais réciter mot pour mot aux policiers mais après cela, black out.

La gorge nouée, j'entre à l'intérieur de la maison, MA maison et pourtant je ne m'y sens pas comme chez moi. Tout me parait diamétralement à l'opposé de mon quotidien, de la vie que je me suis créée. Telle une inconnue, je laisse mes parents me guider à travers les pièces et m'accompagner jusqu'à ma chambre. Rien n'a changé là aussi, ils ont tout laissé tel quel lorsque je suis partie, c'en est presque perturbant. Comme si les derniers mois que j'ai vécus n'avaient jamais existé, une simple parenthèse hors du temps et ça m'en donne des nausées. Mais je prends sur moi puisqu'après tout je n'ai pas d'autres choix que d'avancer.

MEXICOOù les histoires vivent. Découvrez maintenant