MEXICO

31. Promenons nous dans les bois

Le soleil est au zenith et la chaleur se fait de plus en plus étouffante tandis que nous continuons notre route. Mes vêtements poisseux ne m'aident pas à me sentir mieux et c'est tellement désagréable que je préfèrerais presque faire la suite du chemin en sous vêtements. Mais je garde mes plaintes pour moi et avance sans un mot. Rodriguez devant moi est concentré, je peux le voir à ses muscles tendus comme un arc. A-t-il au moins une idée précise d'où nous nous trouvons ? Sur combien de mètres avons-nous dérivés avec la rivière ? Mais je pense que la question la plus importante à se poser est : sommes-nous suivis ? Si les hommes qui nous ont attaqués font partis des toutous de Pablo, ils sont forcément à notre recherche. Nous finissons par apercevoir l'orée des bois et je suis bien contente de pouvoir sortir de cette jungle infernale où j'avais la sensation permanente que des millions de bestioles me grimpaient dessus. Une voie ferrée nous fait face mais après cela ce ne sont que des champs à perte de vue.

_ On va être obligés de longer le bois, m'annonce Rodriguez, on serait bien trop à découverts au milieu de ces champs. Si on suit la voie ferrée par la gauche, ça va nous rapprocher de notre objectif, le territoire américain ne sera plus très loin, ça réduira considérablement la distance à traverser à découverts.

J'hoche simplement la tête, de toute manière je ne suis pas la mieux placer pour avoir mon mot à dire actuellement. Nous reprenons la route, la démarche plus rapide cette fois ci, plus vite nous avançons moins on a de chance de se faire attraper. Mais il m'est difficile de suivre le rythme que m'impose Rodriguez, la soif se faisant de plus en plus forte. Il fini par le remarquer mais au lieu de m'engueuler comme je pensais qu'il le ferait, il ralenti subtilement et vient se placer à mon niveau. Il ne dit rien mais ce simple geste veut dire déjà beaucoup et je me contente de lui sourire comme remerciement.

Notre relation si je peux appeler ça ainsi c'est amélioré depuis nos débuts. Rodriguez est un homme mystérieux, qui peut passer d'un extrême à un autre mais il a su me montrer aussi un côté doux, humain, attentionné quand il fait un effort. Et j'ai été surprise de voir que j'aimais sa compagnie dans ces moments là. Je ne sais pas quel effet il a sur moi, mais je me sens plus... moi, en sa présence. Certes il me fait déboulonner, j'ai souvent envie de le tuer mais je me rends compte aujourd'hui que j'en serais incapable. Et cela me rend faible et me met en danger. Si demain on me donnait une arme contre la tempe de Rodriguez, je ne pourrais pas tirer, même si ma liberté en demandait. J'ai appris à le connaitre, et en un sens à l'apprécier malgré ses défauts. Je n'irai pas jusqu'à dire que nous sommes amis ou je ne sais quoi mais j'ai suffisamment d'affinité pour lui pour ne plus chercher sa mort. Bien sur que je garde en tête l'idée de rentrer chez moi, mes actions ont seulement cela comme but, mais je ne le ferais pas au prix de la vie de ceux qui aujourd'hui partagent mon quotidien depuis des semaines.

Néanmoins plus le temps passe, plus mon espoir de revoir mes proches un jour s'évapore... Mon seul échappatoire serait de réussir à abattre Pablo aujourd'hui, mais vu la tournure des évènements, j'ai bien peur que ça ne finisse pas comme on le voudrait. Mais je suis tirée de ma rêverie par un bruit de plus en plus fort qui se rapproche de nous. Je lève le regard et un train apparait au loin, allant en sens inverse. Rodriguez me fait signe de me mettre plus à l'ombre des arbres et de continuer d'avancer comme si de rien n'était. Le train ressemble à un vieux train de marchandise mais Rodriguez me parait un peu trop inquiet pour juste 3 sacs de céréales. La locomotive nous dépasse dans un bruit assourdissant à cause de sa vitesse à tel point que j'ai du mal à entendre Rodriguez lorsqu'il me hurle de courir. Je ne cherche pas à savoir pourquoi et le suis sans demander mon reste. J'entends des cris derrière nous et en jetant un œil par-dessus mon épaule, j'aperçois deux hommes sauter du train en marche. Ils sont armés jusqu'aux dents et Rodriguez profite du temps qu'ils mettent à se relever pour m'entrainer un peu plus dans la forêt. J'ai un mal fou à garder le rythme, le chemin est escarpé, les branches me fouettent le visage mais je ne peux pas m'arrêter sans signer mon arrêt de mort. Des coups de feux retentissent et mon sang se glace, à n'importe qu'elle seconde je pourrais être touchée et m'écrouler sur le sol. Je ne me rends même pas compte qu'involontairement j'ai ralenti le pas, stressée par les balles qui fendent l'air.