MEXICO

38. Oh Roméo pourquoi es-tu Roméo

La tension est à son comble et lorsque mon regard croise celui d'Antonio, le désespoir que j'y croise me tord le ventre. Il sait tout autant que moi que nous n'avons aucune chance à deux contre dix.

_ Lâche ton arme Rodriguez, la partie est finie crache Santiago, rempli de fierté.

Je vois bien qu'il hésite, il doit être entrain d'évaluer toutes nos possibilités mais il n'y a pas de bonne solution actuellement. Il ne me lâche pas du regard et c'est la première fois que je peux lire une réelle peur bleue dans ses yeux. Il a toujours su garder le contrôle des pétrins dans lesquels on se fourrait, il a toujours trouvé des solutions mais aujourd'hui face à la terreur qui l'anime, je comprends facilement qu'il n'y aura aucune échappatoire pour nous aujourd'hui.

_ Ne m'oblige pas à me répéter ajoute Santiago en appuyant un peu plus fort son arme contre ma tempe.

Lâcher son arme c'est abandonner le faible pourcentage de chance qu'il nous reste pour nous enfuir mais face à l'épée de Damoclès qui trône au dessus de ma tête, Antonio serre les dents avec haine et envoie valser son arme aux pieds de Santiago. Alors une simple larme coule le long de ma joue, nous venons de signer notre arrêt de mort. Il récupère l'arme et me projette dans les bras d'Antonio qui tente de me cacher dans son dos pour me protéger de son corps mais les armes sont trop nombreuses autour de nous pour qu'il puisse toutes les avoir en ligne de mire.

_ Comme c'est mignon, les deux tourtereaux seront unis dans la vie comme dans la mort.

Santiago jubile de notre désespoir et si je devais le croiser dans une autre vie, je jure de me venger et lui faire la peau.

_ Je suis vraiment désolée Eli... me murmure Antonio en se retournant vers moi, le cœur brisé. Pour tout.

Les larmes roulent silencieusement sur mes joues mais je tente tant bien que mal de garder mon calme et ne pas céder à la panique. Après tout ce qu'on a vécu, on a déjà eu de la chance d'en arriver là aujourd'hui mais la chance n'est pas éternelle et fallait bien qu'on y passe un jour ou l'autre, nous connaissions l'issue finale depuis le début.

_ Je sais bien... ne t'en fais pas lui répondis-je en lui souriant faiblement pour le rassurer.

_ Heurk vous me filez la gerbe tous les deux avec vos niaiseries beugle Santiago en s'approchant de nous, voilà donc à quoi en est réduit le grand Rodriguez, mis à terre pour une chienne, quelle honte...

_ Je ne m'en fais pas Santiago, ton heure viendra, les traitres dans ton genre ne font pas long feu dans notre monde.

_ On se retrouvera en enfer alors déclare-t-il en pointant son arme sur nous, le regard déterminé et le sourire aux lèvres.

Le premier réflexe d'Antonio est de me protéger de son corps en me serrant dans ses bras et je m'accroche à son tee shirt de toutes mes forces. Instinctivement je ferme les yeux tandis que j'attends patiemment le coup de grâce. Le temps me parait comme ralenti et face à ma mort imminente, je tente de me remémorer les bons moments, les moments importants. Etonnamment il s'agit de souvenirs simples, de petits plaisirs du quotidien mais je me rends comptes que la beauté peut se trouver dans la simplicité. Même si ma vie fut courte, j'ai au moins la chance de pouvoir dire que j'ai connu le bonheur, que j'ai connu l'amour, l'amour de ma famille mais aussi celui qui vous fait perdre la tête, celui qui fait louper un battement à votre cœur, celui que les artistes en tout genre tentent de retranscrire depuis des siècles, le seul, le vrai.

Et face à tout cela une question s'impose à mon esprit, si j'avais la chance de tout recommencer, est ce que je changerai quelque chose ? Quand je pense à la mort, j'ai un pincement au cœur et des regrets qui pointent le bout de leur nez mais je ne regrette pas d'avoir croisé le chemin de cet homme aux multiples facettes, cet homme remplis de contradictions mais au cœur aussi bon que son passé est sombre. Je pensais que nous avions réussi à nous sauver, dans tous les sens du terme.