Prologue

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Vide.

Le pistolet est vide quand j'appuie, ne laissant qu'un bruit froid.

Mon cœur tambourine dans ma poitrine quand toutes les informations parviennent à mon cerveau.

J'ai failli mourir.

Mon corps réagit et je sens mon souffle s'emballer alors que mon corps tremble. Je peine à garder le pistolet dans ma main, et doit me contrôler pour reprendre le contrôle.

Ça aurait pu être si simple, si ce n'était pas vide : je ne serais plus là, mon sang recouvrerait les murs autour de moi et j'aurais enfin quitté ce monde. Enfin.

Je ne veux pas me résoudre à cette vie. Je repose l'arme et commence à fouiller autour de moi, jusqu'à mettre la main sur ce que je cherche... La seule chose dont j'ai besoin pour me sentir enfin soulagée. Et quand je les trouve, ces petites balles, je les glisse dans l'arme.

L'espace d'un instant, je fixe le mur face à moi sans réagir.

Oui, je vais mourir aujourd'hui. Je dois mourir. La douleur dans ma poitrine et dans tout le reste de mon corps est devenue si pesante au fil des années que je n'arrive plus à la supporter, j'ai besoin que ça cesse.

Alors, lentement, je serre l'arme dans ma main et l'apporte contre ma tempe. Je fixe le mur et prends une longue inspiration.

C'est comme ça que ça doit se terminer. C'est triste. Dans la chambre d'un homme dont j'ai cru être aimé, pour qui j'ai cru compter. Qui m'a utilisé. Un homme comme tous ceux qui sont entrés dans ma vie.

Un rire cynique m'échappe contre ma propre volonté, alors que je repense à ma vie. Cette chose si fade et si vide.

Malgré mes tentatives, je n'arrive pas à me souvenir du moindre souvenir joyeux. Depuis que l'arme froide caresse ma tempe, je n'ai que des bribes de mon enfance qui me parviennent.

Ses mains, ses lèvres, son corps... Les coups, la violence, la souffrance, l'horreur. Même le moindre souvenir joyeux se perd dans l'ombre et je ne vois que cette réalité triste et profonde immerger.

Je me raccroche à l'arme sans pouvoir m'arrêter de penser à tout ce que j'ai pu vivre jusqu'ici, à toutes les horreurs que j'ai vues, à toutes les choses que j'ai encaissées.

Et, à nouveau, je me sens prête à tirer. Je vais tirer. Je dois tirer.

Mais la porte s'ouvre et je croise son regard. Quand il me découvre, là, à côté de son lit, dans lequel il m'a tant de fois touché, où il m'a utilisé, où il m'a menti et blessé, il panique. Je vois ses yeux s'écarquiller en voyant l'arme dans ma main, pointé sur ma tempe. Il se met soudainement à secouer la tête.

— Kassandra, mon amour, qu'est-ce que tu fais ?

Je n'arrive pas à réagir. Je ne ressens plus rien alors qu'il s'avance d'un pas. Pourtant, les seules pensées qui me viennent sont toutes teintés de peur et d'angoisse.

Il ne peut pas m'appeler comme ça, il ne le doit pas. Quand je l'entends m'appeler ainsi, je sens la nausée me monter à la gorge et j'ai envie de vomir, de hurler, de crier, de mourir.

Je ne devrais pas vivre ça, chaque jour, sans répit. Ce n'est pas normal et je le sais, c'est pour ça que je dois agir, je dois faire quelque chose pour que ça s'arrête.

Quand il tombe à genoux et se rapproche de moi en rampant, il pleure. Moi, je n'y arrive pas. Je n'y arrive plus depuis des mois maintenant. Je ne sais plus ce que ça fait de ressentir une émotion aussi forte, qui nécessite autant de courage.

Il finit par arriver vers moi, posant ses mains sur mes cuisses, sur mon ventre, m'attrapant par les hanches. Il pleure encore. Il me supplie. Il me parle. Avec cette bouche qu'il utilise pour m'embrasser, pour me forcer, pour me mentir. C'est ainsi qu'il a toujours fait. Mais je n'en peux plus.

— Écoute-moi, Kassandra, on va trouver une solution. S'il te plaît, s'il te plaît, écoute-moi. Ne me quitte pas à nouveau. Ne m'abandonne pas encore une fois. Pense à moi, mon amour, pense à moi. Je ne suis plus rien sans toi. Si tu pars à nouveau, je ne vais pas y arriver. Je ne suis rien sans toi.

Ses larmes deviennent de plus en plus bruyantes, il renifle et se raccroche à moi. Il est lourd et je n'arrive plus à le supporter, alors qu'il commence à déposer des baisers sur mon ventre. À nouveau, je sens la nausée me monter et je secoue la tête en serrant plus fermement l'arme dans ma main.

Non. Je ne veux plus. Je n'en peux plus. Je n'y arrive plus.

Alors qu'il continue de me supplier, je retire l'arme de ma tempe. Il suit le mouvement de son regard, les yeux à l'affût. Je vois le soulagement l'envahir parce qu'il pense qu'il est en train de me sauver. Il pense qu'il a réussi.

Au contraire.

Il est en train de tuer quelque chose en moi, un bout de mon âme que je ne pourrais plus jamais récupérer. Et quand il voit l'arme se diriger vers lui, qu'il comprend ce que je suis en train de faire, il écarquille les yeux et je vois tout le soulagement qu'il éprouve disparaître et se faire remplacer par une peur froide et grisante.

Quant à moi, je ne ressens rien. Ni inquiétude, ni remord, ni peur, ni culpabilité.

Et quand le canon se pose sur son front, entre ses deux yeux, je le fixe. Son regard est ancré dans le mien alors que je m'apprête à faire la chose la plus dure de ma vie. Je ne le quitte pas du regard et je prends une petite inspiration.

Puis.

Je tire.

Black Bikers, Tome 2 : La brebis égaréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant