Black Bikers, Tome 2 : La brebis égarée

Chapitre 26

Point de vue Niles

Je regarde rapidement par la fenêtre pour poser mon regard sur Cassie et Lia en pleine conversation. J'ai demandé à Jayden de ramener Browkie pour qu'il puisse réconforter sa maitresse, alors je sens l'apaisement rentrer dans ma poitrine lorsque je la vois sourire en répondant à Lia tout en caressant la tête du malinois qui ne semble pas vouloir s'éloigner d'elle.

Je finis par me reculer pour rejoindre Keir et Alex autour de la table à manger. Lorsque je me laisse tomber dans une chaise, ils relèvent la tête de l'ordinateur pour me regarder.

Je suis irritable depuis le réveil, j'en suis conscient, mais je ne peux rien y changer. Il n'y a que la présence de Cassie qui peut m'apaiser, mais dès lors qu'elle est loin de moi, je ne peux pas calmer ma colère.

— Vous avez trouvé quelque chose ? marmonné-je.

Alex ne me parle plus, alors il jette un simple regard vers Keir. Je pense que c'est lui qui lui a demandé de ne plus me parler directement. Depuis sa réaction cette nuit, lorsqu'il a crié sur Cassie, je suis encore trop tendu, d'autant plus alors que je suis son supérieur hiérarchique et qu'il a osé outrepasser cette ligne.

Keir a bien conscience de ma difficulté à reprendre le contrôle de mes émotions et cherche à apaiser les tensions en éloignant la moindre situation qui pourrait les réveiller. Il réussit plus ou moins.

— On continue de voir des membres du club de l'arbre dans la ville, marmonne Keir.

— Je m'en fous de ça.

Je tape mes doigts contre la table et plonge mon regard dans celui de Keir qui plisse les lèvres.

— Niles...

Sa mise en garde ne m'atteint pas. Je secoue la tête et me penche en avant jusqu'à plonger mon regard dans le sien.

— Si ça avait été Lia, qu'est-ce que tu aurais fait ?

Il serre les dents et détourne la tête, tout en croisant ses bras sur son torse.

— Je comprends ta réaction, Niles, je te le jure, et si ça avait été Lia... Bordel, le monde serait en feu. Mais tu aurais été là pour me retenir, comme je le fais en ce moment.

— Et tu m'aurais cassé la gueule pour t'en empêcher. Tu veux qu'on aille dans le jardin pour régler ce problème ?

— Arrête tes conneries, grogne-t-il.

Il pousse un long soupir en glissant ses mains sur son crâne et se redresse de façon à reposer son regard dans le mien.

— Je comprends ce que tu ressens, vraiment, je te le jure, mais ce n'est pas seulement... C'est...

— Le fait que ce soit son père et l'oncle de Lia, je m'en fous, sifflé-je en montrant Alex d'un coup de menton agacé.

— Ce n'est pas seulement ça. Tout d'abord, concernant le shérif, son simple titre empêche qu'on puisse l'attaquer directement et tu le sais. Si on fait quelque chose, ce n'est pas seulement toi, c'est tout le club... Si ce n'était que nous, je serais avec toi pour le buter. Désolé, Alex, marmonne-t-il malgré tout. Mais je serais là, ajoute-t-il en revenant vers moi. Je mettrais le feu à la ville si ça pouvait la soulager... Mais ce n'est plus nous, depuis qu'on a décidé de mettre le cuir. Tu le sais.

— Alors je le rends.

Comme pour appuyer mes propos, je me lève et commence à le retirer, alors que Keir se lève et pose ses mains sur mes épaules.

— Niles, bordel, arrête...

Il me repousse dans la chaise et tout mon corps s'y effondre dans un bruit sourd.

— Tu ne peux pas tout...

— Tu étais là, Keir. Tu étais là quand elle a avoué ce qu'elle a vécu... Tu as entendu ce que j'ai entendu... Tu...

Je secoue la tête pour retenir l'éclat de colère qui vibre dans ma voix et ne pas perdre complètement le contrôle, mais c'est trop dur. Je sens mon cœur battre si fort que j'en perds la tête et dois reprendre mon souffle pour ne pas sortir mon arme et tirer sur tous les hommes qui oseront poser leur sale regard sur Cassie.

— Je ne peux pas reprendre ma vie, alors que la sienne a été brisé. Je ne veux pas oublier et passer à autre chose.

— Je ne te demande pas d'oublier, murmure-t-il finalement.

Lentement, il pose sa main sur mon épaule et mon regard s'oriente naturellement vers le sien.

J'ai toujours vécu avec Keir et le retrouver quotidiennement ces derniers mois, depuis son arrivée à Whitesboro, m'a fait réaliser à quel point j'en avais besoin et à quel point il m'avait manqué. En arrivant à Dallas, j'ai dû reconstruire une nouvelle vie, mais pouvoir la partager avec lui, alors qu'il a toujours été mon frère, me soulage.

— On ne pourra jamais oublier. Jamais. Mais... Ce n'est pas notre décision. Ne refais pas la même erreur, Niles. Ne cherche pas à la soulager sans lui demander ce qu'elle veut... Rappelle-toi à quel point tu culpabilisais d'avoir demandé le vote, rappelle-toi à quel point elle était blessée. Ne refais pas la même erreur. Si tu cherches à tuer le shérif ou ses parents adoptifs, ou toutes ces personnes qui l'ont blessé, tu ne feras qu'attirer l'attention sur elle et lui empêcher de se battre seule.

Ses mots se répètent dans mon esprit, encore et encore, et parviennent enfin à m'atteindre. Je dois cligner des cils pour tout assimiler, alors que je plonge dans son regard et réalise à quel point il a raison.

— Si demain elle prend la décision de se battre contre eux, nous serons tous à ses côtés. Shérif ou non. Si elle se sent prête, je serais à vos côtés dans la bataille, avec ou sans le cuir. Mais c'est à elle de faire son choix.

La vérité m'abat et je dois me contrôler pour ne pas m'effondrer devant eux. J'ai encore une fois laissé ma colère dépasser ma réflexion, m'empêchant de voir tout ce que je pouvais provoquer.

C'est toujours plus simple de tout brûler et détruire, mais Cassie n'est pas encore prête à le faire. Elle cherche encore à se reconstruire elle-même. Si je viens à intervenir là-dedans, je ne ferais qu'agir comme les autres en cherchant à contrôler une part de sa vie dont je n'ai aucun droit.

Lentement, je hoche la tête en fixant le sol, alors que la main de Keir presse mon épaule et me maintient sur Terre. Lorsque je parviens à revenir à moi, je relève la tête vers lui et hoche la tête.

— Tu as raison, murmuré-je. Je sais à quel point tu as raison, mais...

Je pose ma main sur ma poitrine, où la rage continue de brûler et il hoche la tête. Son regard est compréhensif, j'y vois la même fureur briller, avec un fond de tristesse qui me brise l'âme en deux.

— Je sais, mon frère. Je sais.

Il se redresse et passe sa main dans mes cheveux pour me décoiffer, comme lorsque nous avions dix ans et qu'il savait avoir raison.

— Je tiendrais l'allumette quand ça sera le moment.

Et je le crois.

Keir a toujours été là pour me soutenir, quoi qu'il arrive.

Lorsque j'esquisse un sourire, la tension semble s'apaiser et je passe une main dans mes cheveux pour les recoiffer tout en lui jetant un regard en coin. Mais je ne dis plus rien.

Au contraire, je me lève pour revenir devant la fenêtre et poser mon regard sur Cassie.

Elle parle avec Lia, mais m'aperçoit et me fait un grand signe avec un beau sourire.

Mon cœur fond dans ma poitrine. En voyant sa joie de me voir, cette brillance dans le regard, je me jure que je ferais tout pour la protéger... Même de moi-même.

Quoi qu'il arrive.