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Je préviens, ce chapitre contient beaucoup d'infos d'un coup, restez focus 😮‍💨.







Aléan

14 ans, Santa Cruz

Dans les périodes d'intempéries les plus fortes, je passais mon temps à suivre Filyn un peu partout, puisque Lucie m'interdisait d'approcher ma planche de surf d'au moins cinq mètres. Elle craignait que je ne me blesse sous la puissance des vagues amplifiées par le temps, et j'étais immature au point de ne voir que le bon côté des rafales de pluie.
« Mouillé pour mouillé... » je pensais. Du moment que le plan d'eau n'était pas haché par le vent, je ne voyais pas où était le problème.

Alors je me retrouvais allongé sur le dos, dans la chambre lumineuse de Filyn. Une main sur l'estomac qui suivait le mouvement de mes inspirations, et l'autre sous la nuque.

-Filyn.

-Mmh ?

Je fixais le plafond de manière si accrue qu'il me restait des souvenirs de l'emplacement des toiles d'araignées lorsque je me décidais à fermer les yeux.

-On va surfer ? Demandai-je encore à moitié endormi sur son lit.

-T'es incorrigible.

Il m'observa longuement depuis sa chaise de bureau, sans retirer son foutu stylo entre ses dents, qui attisaient affreusement mon regard.

-Allez, s'il te plaît, insistai-je en me redressant sur mes coudes.

-Tu veux que ma mère nous tue ?

C'était si facile de rapprocher lentement mes sourcils, et courber mes lèvres pour le faire abdiquer.

-D'accord, quand j'aurai fini de bosser, affirma-t-il en soufflant avec désespoir.

Je souris victorieusement tout en l'observant replonger son nez dans ses cahiers.

-Sois pas impatient, déjà que je t'autorise à me déranger dans mes révisions...

-N'importe quoi, je ne te dérange pas, me vexai-je. Je te déconcentre, c'est pas pareil.

De profil il avait cet air sérieux qui me faisait légèrement sourire, parce que Filyn n'était en rien sérieux. Il pouvait passer des heures à faire ses révisions, ou écouter des morceaux en boucle, mais il était forcément obligé de faire une connerie à côté.

-En plus, tu ne bosses pas. Tu procrastines blaireau.

Il me répondit simplement d'un doigt d'honneur, sans arrêter de tapoter son index droit contre le bois du bureau, sûrement en train de composer un nouveau morceau de guitare qui aurait fait trembler une foule de spectateurs rien qu'à la première note.

-Joue-le, requerrai-je. Joue-moi ce que t'as en tête.

Je savais que ça le ferait réagir, et même si je ne lui aurais jamais dit, j'adorais le contempler se concentrer sur ses cordes pour créer la note parfaite, en mordillant sa lèvre inférieure entre ses dents blanches.

-Très bien.

Il s'empara rapidement de sa guitare, et s'installa en bout de lit au niveau de mes pieds. Mais avant de faire quoique ce soit, son regard désapprobateur s'attarda sur mon expression faciale.

-Qu'est-ce qu'il y a ?

Il voyait en moi certaines choses dont je n'avais même pas conscience de l'existence.

-Rien.

-Parle, demanda-t-il vivement.

Depuis les déclarations d'Edouard, j'avais énormément de mal à me confier à nouveau. Seulement, Filyn ne me laissait pas le choix. Il ne voulait pas que je me morfonde seul après avoir appris la vérité, alors même s'il en souffrait autant que moi, il faisait passer mon bien-être avant tout.

Sharpened sensesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant