Sharpened senses

17

Aléan

14 ans, Voyage scolaire

Je trouvais aberrant combien, même en m'ayant abandonné il y a maintenant presque quatre ans, mon père apparaissait encore partout.

Je le voyais dans l'homme qui faisait la sieste dans son fauteuil à bascule, je le voyais aussi dans l'homme qui buvait sa bière avec le cuisinier. Mais le pire, c'est que je le voyais même dans cet homme, qui tenait la main de ce petit garçon, alors qu'il ne l'a jamais fait avec moi putain.

Je pensais tellement à lui, qu'il m'a suffit que notre professeur me touche l'épaule en disant « je suis fier de l'évolution de tes résultats » pour que les larmes me montent aux yeux.
Était-ce normal de consacrer autant d'importance à une personne qui oubliait mon prénom un jour sur trois ?

-Bien dormi ?

Caleb s'assît à côté de moi à table en me posant sa question, cependant, je pouvais lui répondre que non, je n'avais pas vraiment bien dormi. Mais je ne pouvais pas lui dire pourquoi. Comment aurait-il réagit s'il avait su que j'étais ressorti de la chambre après le retour de Filyn, parce que la vue de son corps m'était insupportable.

Il était entré si drastiquement, et avait fait glisser son pantalon le long de ses cuisses galbées comme toutes les autres fois depuis qu'on a dix ans. Mais cette fois-ci, il m'était insupportable de le regarder parce que mon estomac se nouait, et que mon torse se réchauffait sans trop savoir pourquoi.

-Bof.

-C'est parce que ton matelas est au sol, alors que nous on dort sur des lits, me nargua-t-il.

-Ta gueule.

Je profitai de son amusement pour lui piquer un morceau de bacon et l'engloutir en moins de vingt seconde. Un chahut pas possible débuta lorsqu'il s'en rendit compte.

-Recrache !

Il agrippa mon col, en me secouant comme si j'allais vraiment recracher la viande que je venais d'ingérer.

-T'es con ou quoi ? C'est dans mon estomac.

S'il y avait bien une chose qu'il fallait éviter de prendre à Caleb, c'était sa nourriture, tout le monde le savait. A bien y réfléchir, il y avait deux choses : la bouffe, et Siham. Donc oui, j'avoue que je l'avais fait exprès juste pour le provoquer.

Les portes du self s'ouvrirent subitement à travers tout le brouhaha, et laissèrent apparaître la silhouette méconnaissable de Filyn. Il était vêtu d'un large pull, dont la capuche engouffrait la totalité de ses mèches blondes, et cachait les écouteurs qui lui permettaient de ne pas se préoccuper des sons aux alentours.

Personne ne se souciait d'une présence supplémentaire dans la salle, sauf moi. Parce que j'étais le seul à remarquer que ses mains, d'ordinaire si imposantes, étaient enfouies au fond des poches de son sweat. J'avais discerné que ses joues étaient teintées d'une couleur inhabituelle, qui tirait sur le rouge. Mais par dessus tout, plus il s'approchait de notre table, et plus ses yeux à présent dégagés de ses cheveux, me faisaient perdre mon sang-froid.

-Bien dormi ? L'interrogea Caleb.

Filyn soupira en s'asseyant face à moi, sans me regarder une seule fois.

-T'as décide d'être encore plus con que d'habitude aujourd'hui ? Interrogeai-je Caleb en lui faisant comprendre que Filyn n'allait pas lui répondre.

Les autres parlaient, les discussion matinales s'enchaînaient, tout le monde était euphorique de se retrouver en voyage, mais Filyn ne m'avait pas regardé une seule putain de fois !