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Aléan

12 ans, Santa Cruz

Ça faisait plus de deux ans que je côtoyais les Vasquez, cette famille chaleureuse et niaise qui m'étouffait de reproches abstraites au moindre écart de ma part. Mais malgré tous leurs côtés insupportables, ils étaient compréhensifs et peu intrusifs, toujours sur mon dos pour m'obliger à rester concentré sur les cours, et appliqué dans ma passion pour le surf.

Ils étaient si catégoriquement parfaits que je me posais parfois de mauvaises questions, quant à leurs réelles intentions ou motivations.
Mais parmi les parents, les cours, les professeurs, Caleb, Siham ou encore Laure, il y avait Filyn. Le réel danger.

-Vous allez être en retard, hurla Édouard depuis le rez-de-chaussée.

-Dis à mon père qu'on arrive.

Mon regard se porta sur Filyn qui galérait à enfiler convenablement sa combinaison de surf, son corps longiligne et maladroit, incompétent dans le domaine de l'agilité et l'efficacité commençait à me taper sur les nerfs.

-Pourquoi tu mets un lycra sous ta combi...ça sert à rien, soupirai-je. Viens-là.

Il avança en se mettant dos à moi pour que je remonte d'un coup la fermeture éclaire par dessus son haut blanc, après avoir dégagé sa nuque de ses mèches blondes.

Sa peau lisse ne comportait aucun défaut, simplement un grain de beauté, et il suffit que mon index coulisse le long de son cou afin de déplacer ses cheveux fins, pour que de légers frissons y apparaissent subitement.

D'un mouvement de talon, il se remit face à moi, à présent bien plus proche qu'il n'en avait l'habitude. Et sans dire un mot, il se mit à me fixer en fronçant quelques peu ses sourcils fins.

Ses cils battirent lentement en frôlant ses joues, dans un long soupire, que j'eus envie qu'il réitère afin de recevoir cet amas d'air chaud et mentholé contre le visage à nouveau.

-Merci, claqua-t-il furtivement tout en me fuyant soudainement du regard pour rejoindre son père sans se retourner.

-Y'a pas de quoi...

Dans le genre investis, ses parents m'avaient carrément payé une semaine de stage (même si je n'en avais pas forcément besoin) pour m'aider à m'améliorer dans ce sport. Malheureusement, ils en avaient profité pour initier Filyn également.

Donc nous nous retrouvions ici, durant les premières semaines de vacances d'été, avec un groupe de blaireaux qui ne savaient même pas tenir debout sur une planche.

Doté d'un égo surdimensionné, je refusais de les rejoindre, alors je restai un certain moment face à la vitre du spot de surf dans lequel mon visage se reflétait.

Des cheveux bruns négligés qui me retombaient maladroitement sur les yeux. Une peau blêmie par le trajet, et des yeux cernés qui soutenaient des iris vertes. J'avais la même tronche que le jour où Filyn m'a trouvé au sous-sol, affamé et aussi perturbé qu'un camé.
Rien de plus banal, je pensais.
J'avais douze ans.
Je m'appelais Aléan.
Aléan Cohen.
Aléan Cohen.
Aléan Cohen.

-Ils ne sont pas nuls tu sais, me confessa le moniteur en m'invitant à le suivre au bord de la plage. Tu es simplement bon pour ton âge.

Sharpened sensesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant