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Aléan

13 ans, Santa Cruz

-3, 2, 1, partez ! S'égosilla Caleb dans un élan d'euphorie.

Le début de l'été, les grandes vagues tubulaires, le plein air alourdi par la chaleur environnante, et plus de cours... le début du succès.

Les vacances d'été, c'était la période durant laquelle j'avais l'impression d'être au-dessus de tout, je surplombais l'univers pour lui rire au nez.

Mes pieds claquaient contre le sable de plus en plus rapidement pour tenter de rattraper Caleb, lui-même devancé par Filyn, stupidement convaincus par les filles de nous affronter à la course.

Nous n'avions nul besoin de négocier pendant des lustres pour accepter l'hypothèse de nous défier mutuellement, alors il suffisait d'une provocation sournoise pour que chacun d'entre nous souhaite prouver sa supériorité.

-Filyn ! Ragea Caleb, lamentablement dépassé par le gamin qui pesait la moitié de son poids.

Observer Filyn mettre en marche son corps surprenant, capable de courir plus rapidement que deux gars de son âge, plus grands, et plus robustes m'emplissait d'une satisfaction étrange.

Lorsque ce moment durant lequel l'adrénaline se niche dans mon estomac arriva, je ne réfléchissais déjà plus, et les rayons de soleil qui m'éblouissaient il y a quelques secondes auraient pu me brûler la rétine...que je ne l'aurais pas senti.

J'étais désormais à quelques mètres de Filyn, et j'avais beau admirer de tout mon être sa capacité à faire le double de mes enjambées en une fraction de secondes... je ne perdais jamais, c'est tout.

-Faut courir plus vite l'artiste, m'exclamai-je en attrapant lâchement son talon.

Il chuta immédiatement sur ses genoux, et releva sur moi deux pupilles grisâtres meurtrières et pleines d'excitation.

Rapidement, les vieilles tensions qui dataient de quelques années m'envahirent à nouveau, et mes doigts toujours enroulés autour de sa cheville me rappelèrent combien il incarnait la perfection.

À notre âge, on se foutait de courir pieds nus sur les graviers, de s'écorcher les talons sur le bitume, ou de se fêler la plante des pied, alors pourquoi sa peau à lui était-elle aussi lisse que du coton ? Pourquoi mon index glissait-il le long de son articulation tant la douceur en était enivrante ? 

Incapable de bouger, Filyn en profita pour se redresser au niveau de mon oreille afin d'y chuchoter "tricheur" d'un sourire narquois.

Son ton calme et assuré me fît frémir instantanément, et me paralysa sur place, tandis qu'il se relevait, prêt à courir en direction des filles à quelques mètres de nous.

-Hors de question, assurai-je, à présent amusé par la situation. Je ne perds jamais !

Il reprit rapidement sa respiration avant de me rejoindre dans mes derniers efforts, l'air plus enjoué par la situation que je ne l'étais. 

-C'est Aléan !

Mon pied enjamba en premier la ligne, furtivement tracée par un bâton dans le sable chaud, mais Siham pouvait me répéter que j'avais gagné cette fichue course... l'expression souriante, satisfaite de Filyn, et ses yeux profonds qui me scrutaient sans scrupule me laissaient penser qu'il m'avait déloyalement permis de gagner.

-Sympa, vous m'avez oublié ! Couina soudainement Caleb.

-T'es aussi lent que ma grand-mère, rétorquai-je sans lâcher Filyn des yeux. Et elle est sûrement morte.

Sharpened sensesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant