Sharpened senses

19

Musique calme, pour chapitre calme.
(Le calme avant la tempête comme on dit)

Aléan

15 ans, Santa Cruz

Lorsqu'il n'y avait plus rien à espérer d'un lever de soleil, et plus rien à attendre de l'apparition d'un croissant de lune, je m'asseyais dans le sable chaud, et laissais mes doigts effleurer l'eau de la mer telle la brise. Il m'arrivait aussi, même tout le temps, de prendre ma planche, et surfer pendant de nombreuses heures consécutives sans jamais laisser le temps à mon cerveau de réfléchir.

Mais plus je grandissais, et moins je parvenais à trouver le temps d'exercer des activités qui m'étaient autrefois vitales. Du moins, surtout depuis notre rentrée au lycée.

-Salut les gars ! S'exclama Caleb en déposant son casse-dalle sur la table.

-Salut tocard.

Je lorgnais ses tranches de salades qui enrobaient des tomates, de la viande et des sauces que je n'aurais pu nommer, avec un air de dégoût.

-C'est quoi ton problème avec mon sandwich ?

-Ah, parce que c'est sensé être un sandwich ?

Sa création était emballée d'un film plastique, mais n'avait aucune gueule.

-C'est qu'il manque le pain quoi.

-Justement, tout est stratégique mec ! Affirma-t-il. Le pain prend trop de place dans mon estomac, là au moins je peux manger à ma faim.

-Fais-toi une salade, ça en reviendra au même.

Il soupira, l'air de dire que je ne comprendrai jamais ses élans de génie, avant de reprendre la parole.

-Je crois qu'une ribambelle de fangirls ne vont pas tarder à attaquer à nouveau.

Je jetai un coup d'œil dans la direction annoncée par Caleb, et remarquai trois lycéennes d'une autre classe regarder vers nous avec des airs charmeurs et assurés. Quand je dis vers nous, je veux dire vers Filyn. Même s'il était paisiblement endormi, la joue sur ses bras croisés, posés contre le bois de la table car il avait passé la soirée précédente à créer un nouveau morceau, ça ne les empêchait pas de le dévorer des yeux.

De façade, il avait l'air fatigué, mais intérieurement, il était épuisé. Exténué par la dispute qui a éclaté entre ses parents vers une heure du matin, et qui m'a contraint à supporter ce casque horrible qu'il voulait que je garde sur les oreilles pour ne rien entendre de ce qui se disait.

-Pitié, faites qu'elles aillent voir ailleurs, me plaignis-je désespérément. J'en peux plus.

-C'est genre... les douzièmes de la journée ?

-Au moins.

Je dois admettre qu'au collège, Filyn n'avait rien qui donnait aux autres l'envie de le connaître, hormis deux ou trois personnes assez saines d'esprit qui voyaient déjà en lui quelque chose d'unique. Mais depuis qu'on était au lycée, il enchaînait les compliments. Il n'était plus l'élève « bizarre et renfermé » qui refusait d'adresser la paroles aux autres. Il était « le blond du fond de la classe » aussi « discret » d'après les garçons, que « intriguant » d'après les filles.

Ça lui passait à des kilomètres au dessus de la tête, et pourtant je voyais bien que parfois ça le faisait sourire de constater les efforts que fournissaient certaines filles pour attirer son attention dans les couloirs. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il commençait à s'habituer au fait de ne pas passer inaperçu en entrant dans une salle, de recevoir des invitations perpétuelles à des soirées, ou encore, des messages d'inconnus.