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Aléan

15 ans, Santa Cruz

-Je te demande pardon ?! M'effarai-je dans la foulée.

-C'est bien de lui dont tu parles tout le temps frangine ? Le blondinet qui a perdu sa langue à la naissance.

Donc le supposé frère qui n'était pas censé rentrer de la soirée était en fait revenu plus tôt que prévu, afin d'insulter Filyn sous mes yeux. La rage ardente qui me consume en continu depuis toujours venait de réapparaître sans que je ne puisse la refouler.

-Répète ça ? Vas-y, répète ça putain ?!

Je fis voler le bras de Filyn pour m'avancer juste sous le nez de cet enfoiré, avant de lui attraper le col malgré notre flagrante différence de taille.

-Qu'est-ce que tu veux microbe ?

Sans chercher à comprendre, mon poing partit droit dans sa joue d'une puissance enflée par la haine. Il tint son visage endolori d'une main, avant de me rendre le même coup de l'autre. D'un sourire malsain, je pris plaisir à enfin trouver une situation dans laquelle je pouvais déverser la haine qui m'enivrait sans craindre les conséquences. Je me lançai alors sur lui pour le faire basculer dos contre sol, entraîné par l'adrénaline qui m'encourageait à le frapper sans scrupule, et à recevoir sans ressentir la douleur.

Les cris d'effroi qui se succédaient autour de moi ne m'atteignaient pas. Seule l'idée de retrouver Filyn en pleine crise de panique me laissait un brin de lucidité dans cette période de frénésie. Pourtant ce n'était pas suffisant pour m'arrêter. J'essuyais le sang sur mes lèvres du revers de la main, sans parvenir à cesser de sourire malsainement.

Ce n'est que lorsque les mains du roux entourèrent fortement mon cou au point de me couper la respiration, que je pris conscience de la situation. C'était inconscient de ma part de chercher la merde avec une personne qui faisait le double de mon poids et trois têtes de plus que moi. Pourtant ce genre de détails je ne les remarquais jamais lorsque l'adrénaline dirigeait mes actes. Et maintenant j'en payais les conséquences, car j'asphyxiais sans pouvoir rien y faire.

Cependant, une main ornée de bagues argentées que je connaissais parfaitement agrippa l'épaule du rouquin et le fit facilement reculer d'un simple geste brusque. Le temps que l'oxygène trouve à nouveau son chemin d'origine jusqu'à mes poumons, j'étais déjà dans les bras de Filyn au sommet des escaliers. Il me portait comme un enfant, tandis que je m'efforçais de reprendre mon souffle en croisant mes jambes dans son dos. La sensation d'avoir son corps chaud contre le mien m'aidait à me calmer, et pourtant je restais affreusement irrité par les remarques de l'autre connard.
Je détestais qu'on dénigre Filyn.
Je détestais tellement ça...

Il s'avança dans le couloir pour échapper aux autres, et moi je me raccrochais à lui de toutes parts. Mes bras enroulaient sa nuque, ma main s'engouffrait dans ses cheveux pour ramener son visage contre moi, et mes lèvres frôlaient la peau de son cou parfumée d'une odeur grisante.
C'était une étreinte vitale.
Une étreinte désespérée.
Il était mon calme, celui qui me canalisait sans effort... l'œil de mon cyclone.
Et je ressentais le besoin de le protéger plus que n'importe qui.

Il referma la porte de la même salle de bain dans laquelle nous étions un peu plus tôt, avant de se laisser tomber, pour appuyer son dos contre la baignoire. Je restai un sacré moment assis sur ses cuisses, le visage réfugié dans le petit espace clos entre son épaule et sa mâchoire, qui me conférait tout le réconfort du monde. Mais en réalité, je repoussais le moment où il allait m'observer d'un air écœuré pour la violence dont je venais de faire preuve.

-Aléan...

Je secouai la tête délicatement, de gauche à droite, découvrant des douleurs aux lèvres et à l'œil, que je n'avais pas encore ressenties.

Sharpened sensesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant