15

15.9K 947 892
                                    

Filyn

24 ans, Santa Cruz

Si l'on considère que ce qui fait de nous une bonne personne, ce sont nos actions... alors qu'en est-il de l'autre partie de l'iceberg ?
Ce que l'on n'a pas fait.

On retiendra toujours ce qu'une personne fait mal, mais jamais ce qu'elle fait correctement, et encore moins ce qu'elle s'abstient de faire.

Je ne m'étais jamais senti capable d'envisager la violence un jour, mon entourage me considérait comme « l'âme pure », et pourtant, c'est en faisant moi-même l'expérience de l'étendue de la corruption humaine, que j'ai compris combien il était facile d'y plonger pour une personne.

Alors certes, j'ai fauté, mais est-ce un motif pour ne plus me considérer comme une bonne personne ? L'humain n'est-il pas destiné à faillir en cours de route pour apprendre de ses erreurs ?

-Pardon, reprend-il en faisant une moue adorable. J'le pensais pas, t'as rien à voir avec mon père.

Même si l'idée de lui en vouloir pour ses paroles avait l'arrogance d'apparaître, il me suffirait de le regarder se frotter les paupières afin de refouler ses larmes, pour soupirer et abdiquer.

-Je sais bien.

Je patiente quelques secondes dans le silence, attendant avec espoir qu'il fasse un pas vers moi, mais il incline son visage afin que je ne puisse plus voir ses traits fatigués lorsqu'il tente d'ouvrir les yeux.

-C'est bon, je vais t'aider. Force pas tu vas te faire mal pour rien.

Je profite de ses difficultés pour poser ma main sur son épaule et le guider dans sa chambre totalement éteinte.

-N'allume pas la lumière ! Réagit-il instantanément.

-Trop tard.

Lorsque la luminosité imprègne la pièce, mon attention se porte instinctivement sur les cadres accrochés aux murs qui ne lésinent pas sur mon existence, puis sur la longue planche de surf accolée à son bureau.

-J'te reconnais bien là.

Cependant, je reste complètement paralysé sur la revue adulte qui traîne au sol à côté de son lit.

-T'as encore quatorze ans ou quoi ?

-Filyn ! S'exclame-t-il tout en masquant son visage totalement rougeâtre de ses mains.

Je me racle la gorge, face à son état déconcerté, et ses tentatives vaines d'envoyer valser le magazine sous son lit à l'aide de son pied.

-Je ne savais pas que c'était ton truc.

-Ça ne l'est pas ! Ça appartient à Caleb, se justifie-t-il.

Une étrange sensation désagréable se mouve dans ma poitrine à l'idée que ça appartienne réellement à Caleb. Je connais suffisamment Aléan pour savoir que sa réaction masque sa gêne immense, et qu'il utilise sûrement notre ami pour se disculper, mais je reste sceptique à l'idée qu'il entretienne une relation plus qu'amicale avec Caleb.

-Et donc, il vient chez toi pour se donner du plaisir, c'est ça ?

-Non c'est ça, enfin oui c'est pas ça.

Il râle de malaise, sans cesser de morfondre un peu plus chaque seconde son visage sous son tee-shirt. Tandis qu'il s'enfonce dans une réponse qui ne tient pas la route, je souffle, essayant ainsi de faire retomber la pression.

-Laisse tomber.

Sans même lui laisser le temps d'approfondir ses explications non fondées, je le laisse se débrouiller dans sa chambre en m'affalant disgracieusement sur son canapé. Je décide de combler le silence en allumant la télévision, et pour occuper mon esprit au passage.

Sharpened sensesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant