Sharpened senses

28

Filyn

24 ans, Santa Cruz

Mes lèvres se crispent à la seconde où j'entends une voix arrogante, que je suis incapable de reconnaître, résonner dans mon dos. Je savais à quoi m'attendre avant de venir, pourtant je ne parviens pas à calmer mon rythme cardiaque quand je réalise que je vais devoir affronter d'anciennes connaissances qui ont été témoins de ce soir-là.

—Filyn, c'est toi ? Insiste-t-elle.

Même si je voulais l'ignorer, elle m'en ôte la possibilité en déposant sa main sur mon épaule. La pression qu'elle exerce dessus me contraint à lui faire face, et je reconnais immédiatement Laure, dont les traits ont mûri depuis la dernière fois que je l'ai vue.

—C'est...

Les doigts d'Aléan m'échappent, et lorsque je me retourne, je le vois me sourire avec épuisement.

—C'est si soudain, conclut Laure.

—Il est revenu récemment, lui répond Aléan.

Ses lèvres s'entrouvrent, sous le choque, en même temps que de nombreuses autres personnes qui murmurent partout autour de nous.

—Siham va être ravie.

—Où est-elle ?

—Elle se prépare, avec ses parents.

Laure ne se prive pas de me scruter de haut en bas, avant de toussoter une question qui dépasse la limite du privé.

—Pourquoi t'as fui ?

Je manque de m'étouffer avec ma salive lorsqu'elle se rend compte de l'ampleur de ses mots, et s'excuse immédiatement. Je ne sais pas si le fait qu'on me reproche d'avoir fui m'énerve plus parce que personne ne connaît la réelle raison, ou parce que c'est la vérité.

En tout cas, je n'ai pas le temps de m'attarder sur la question, car la foule se dirige vers les rangées de chaises alignées devant l'estrade.

—Ça va commencer, avoue-t-elle sans oser me regarder dans les yeux.

Je prends place entre Caleb et Aléan, à une distance assez importante de la scène, mais pas trop éloignée non plus.

La cérémonie débute sur des notes douces de piano, appuyées par l'ouverture des portes à travers lesquelles se présentent Siham et son père. L'attention est figée sur eux, et les regards sont admiratifs face à la beauté de la mariée.

Je jette un coup d'œil dans la direction de Caleb, dont les poings sont serrés, et la mâchoire meurtrie tant il la compresse. Son regard est aussi désespéré, qu'envoûté par le spectacle qui se produit sous ses yeux.

En même temps, même moi je ne peux nier la beauté froide qui réside dans la prestance de Siham. Elle est de ceux qui imposent une atmosphère magnétique. Ses yeux bridés détonnent sur son visage, et ensorcèlent tout individu qui l'observe de loin.

Mais en l'honneur de tout l'amour qu'il porte à cette fille, Caleb s'oblige à lui sourire lorsque leurs regards se croisent, quant à elle, elle semble vaciller légèrement.

Siham prend son temps pour traverser la salle, si bien que la musique arrive à son terme, alors qu'elle se trouve encore à la première marche.

Je tente de rester concentré uniquement sur ce qui se produit en face de moi, mais un mauvais pressentiment me pousse à analyser l'intérieur de la salle de font en comble.

Les invités semblent sereins, tous identiques, les portes sont fermées sauf celle d'entrée, aussi bien que les fenêtres, et toute sorte d'ouverture qui s'y apparente. Pourtant je ne parviens pas à me détendre, un élément me met en alerte.