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Filyn

22 ans, Minnetonka

-Il n'avait aucune raison de se trouver sur les lieux du crime, à côté du corps, à moins qu'il ait lui-même attenté à la vie de cette femme.

-Aléan a toujours eu le don pour se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment si vous voyez ce que je veux dire.

-C'est très égocentrique.

-Penser que l'univers se soucie de l'existence d'un pauvre être comme Aléan au point de comploter dans son dos ? C'est assurément égocentrique. C'est totalement Aléan.

12 ans, Santa Cruz

-Tu m'en veux, pas vrai ? susurra mon père.

Je ne l'avais jamais vraiment connu.

J'hochai la tête pour lui confirmer combien je souffrais par sa faute, puis il soupira nerveusement en essuyant son front transpirant avec un vieux torchon.

Maman avait immédiatement appelé les secours après sa courte perte de conscience associée à une amnésie. Le coup violent d'Aléan lui valut un léger trouble neurologique, qui endommagea la base de son système nerveux.
Il avait néanmoins facilement complètement récupéré.

-Ta mère n'a pas dénoncé Aléan, me confirma-t-il. Et je m'en veux suffisamment à moi-même, pour tenir rancune à un enfant qui a simplement voulu prendre ta défense.

Il m'était difficile de le regarder sans m'en vouloir, j'avais anéanti le peu d'estime que mon père me portait encore, et détruit les derniers brins de confiance qu'il m'accordait.

Car désormais, il ne faisait pas que garder le silence, mais il s'évaporait complètement d'une pièce où l'un d'entre nous se trouvait.

-Rejoins-le, souffla-t-il d'une voix peinée.

Je voulais tant m'excuser, mais ma voix ne me le permettait pas, alors j'acquiesçai simplement d'un air triste en le laissant seul avec ses pensées et regrets.

"Un parent qui aime son enfant plus que tout ferait n'importe quoi pour s'assurer du bonheur et de la santé de celui-ci" me disait-il. "Et lorsqu'il est persuadé que c'est la bonne façon de faire, le seul moyen de le sauver...il se fait aveuglément berner". Mais c'était loin d'être la bonne façon de faire, et en me livrant sans scrupule dans la gueule du loup, il a juste abattu toute l'affection que j'étais capable lui offrir.

Papa fixait le vide, le vent lui relevait quelques mèches et lui murmurait à l'oreille qu'il possédait le même monde que les autres lui aussi, ce n'était pas celui-là, le vrai. Mais il restait de marbre, muni de ce regard vide dans lequel on ne lisait plus rien.

Il était si distant, lointain, que parfois je me demandais comment il faisait pour en revenir sans se perdre.

Effrayé de me perdre définitivement avec lui, je finis par rejoindre Aléan, toujours accoudé sur le rebord de sa fenêtre avec cet air blasé qui le poursuivait en toutes situations.

-Je déteste la violence, lui rappelai-je.

-Il n'aurait jamais compris autrement.

Aléan ne voyait que par la souffrance, le sadisme, le mal, l'insoutenable. Il pensait que tous les cas de circonstances possibles se réglaient forcément grâce à la violence à cause de son père, tandis que je ne faisais que développer une haine profonde pour cette action à cause du mien.

Deux enfances à peu près semblables, deux façons différentes de réagir face à celles-ci.

-Viens.

Sharpened sensesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant