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Filyn

15 ans, Santa Cruz

Deux trois choses changent d'années en années, mais particulièrement la perception que l'on a d'une personne. Et plus je grandissais, moins je retrouvais les grandes lignes qui définissent chacun de mes proches.

Dans ma seizième année de vie, j'avais du mal à apprécier mon père, par exemple. L'homme sur qui je prenais exemple et que j'admirais, devenait peu à peu une source d'écœurement.

Il n'était jamais présent, et lorsqu'il l'était, ce n'était pas pour nous, mais pour se morfondre dans ses problèmes avec une bouteille d'alcool fort à la main. Puis cela menait à de longs discours bruts. Ce n'étaient pas seulement ses paroles crues qui me faisaient mal au cœur, mais aussi celles qu'il adressait à Aléan.

Autant dire que mon père ne voulait plus de lui sous ce toit, et qu'il faisait tout pour lui faire comprendre qu'à n'importe quel instant, il pouvait le foutre dehors sans remords.

Jamais je ne me serais imaginé hurler sur quelqu'un avec volonté de nuire, si ce n'était pas pour Aléan.

Il faut croire que certaines personnes ont la capacité d'influer sur notre comportement sans même s'en rendre compte. Alors, pour le rassurer, je lui disais que j'avais toujours ma mère, elle qui représentait notre dernier espoir parental à tous les deux. Qu'elle suffisait. On s'en convainquait, même si l'un autant que l'autre, on savait combien on aurait aimé avoir un père présent.

Enfin, si mes parents étaient la seule chose qui m'exaspérait, je ne serais pas retourné me défouler sur ma planche de surf après ma discussion avec Aléan. La vérité, c'est que c'était ce minimoy aux cheveux bruns qui me mettait le plus sur les nerfs pour diverses raisons, que j'avais moi-même du mal à cerner.

Aléan avait beau être la personne que je connaissais le plus, il y avait des détails qui me taraudaient l'esprit et auxquels je n'avais ni réponses, ni explications.

Le souffle coupé sous la vague qui venait de m'avaler par manque d'attention, je fis de lents mouvements avec mes bras afin de remonter à la surface. L'eau était étrangement agitée et pourtant je me sentais bien, j'avais vue sur l'étendue de sable bourrée de monde, ma main retenait ma planche pour ne pas qu'elle se fasse emporter par le courant, mais je me sentais bien.

Après de longues secondes de réflexion, j'estimais qu'il était temps que je rejoigne les autres à la maison. Ils étaient rentrés pour se laver, et devaient se raconter les dernières nouvelles, au chaud sur le lit d'Aléan, sans se soucier du fait que ce soit son anniversaire. J'étais probablement le seul à m'en souvenir. Mais je fus interrompu par Laure avant même d'avoir fait trois pas hors de l'eau.

—Filyn !

J'hochai poliment la tête. Cette fille m'inspirait autant confiance que mon père, c'est à dire très peu, mais pour autant, je ne pense pas qu'elle était intimement méchante.

— J'attendais que tu termines pour rentrer avec toi, m'avoua-t-elle en m'observant me baisser pour détacher le leash autour de ma cheville.

Ses yeux brillaient face au soleil, alors elle plissait ses paupières en essayant de ne pas s'aveugler, tandis que je continuais d'acquiescer pour chacune de ses paroles. Elle me parlait de toutes sortes de choses en me suivant sur le chemin retour, comme si elle voulait accaparer mon attention sans me laisser une seconde de répit pour intégrer ses paroles.

—Tout ça pour dire que je te trouve adorable.

Mes yeux se reportèrent immédiatement sur elle.

—Je veux dire que tu prends soin des gens que t'aimes, tu fais attention à eux. Surtout à Aléan. C'est quelque chose que j'admire chez toi. Je trouve ça mignon.

Sharpened sensesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant