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Aléan

16 ans, Santa Cruz

Le tonnerre criait plus fort que tous ces inconnus réunis au bord de la plage. Sa luminosité bleuâtre pourfendait le ciel noir, et l'illuminait de longues lignes zébrées qui s'éteignaient au delà de l'horizon.

Malgré tout, la plage en contrebas de chez nous était aussi bondée de monde que d'habitude.

Même en cette période de Noël, où la température se rafraîchissait, et devenait pratiquement désagréable. Il était appréciable de contempler les illuminations, et les bateaux prendre le large.

L'été s'était terminé rapidement, puis s'était ensuivie la rentrée, les vacances de noël, l'anniversaire de Filyn, les longues journées de froid, l'air marin qui nous congelait la peau.
Tant de moments passés sous la trappe, qui nous faisaient évoluer.

Tant de découvertes, et d'expériences qu'on ne revivra plus.

Un courant d'air frais me faisait frissonner, tandis que j'enfonçais le bout de mon nez sous mon pull, en expirant mon oxygène dans le but de me réchauffer. La musique vibrait contre le sable, et les bouteilles d'alcool traînaient un peu partout sur celui-ci. Mais j'aimais l'anarchie qui régnait.

Je me découvrais doucement un plaisir, à rencontrer des inconnus tard le soir sur la plage, discuter de tout et de rien, parfois pour boire, d'autres fois juste pour échapper à la réalité rien que quelques heures.

Filyn ne semblait pas détester ça non plus, mais je m'assurais toujours à ce qu'il ne se sente pas mal à l'aise au milieu d'une foule avec laquelle il lui était impossible d'interagir.

D'ailleurs, il avait disparu depuis une demi-heure, et j'avais déjà fait trois fois le tour du feu de camp en espérant l'apercevoir. Son parfum embaumait la totalité du pull que je portais, devant sûrement lui appartenir, alors j'inspirais profondément pour gonfler mes poumons de cette sensation chaleureuse qui parvenait à me détendre.

L'odeur grisante du feu de bois, qui dominait l'étendue de la plage, ne faisait qu'accroître. Sur tous les visages on lisait la joie et l'insouciance, mais moi je ne trouvais pas Filyn, et il m'était impossible d'avoir l'air serein.

En m'approchant d'un groupe, je me raclai la gorge pour interpeller leur attention.

—Quelqu'un aurait vu Filyn ?

Seule une personne remarqua ma présence.

—Ton ami blond ? Je viens de le voir, au Sola.

Mon ami.
Mon ami auquel je vouais inconsciemment une fidélité, sans quelconque justification.
Mon ami qui préférait dormir dans ma chambre que dans la sienne.
Mon ami qui parvenait à mettre mon cœur sous silence, lorsqu'il me prenait dans ses bras.

—Merci.

Je m'empressais d'aller au bar de l'autre côté de la plage. Mais l'appréhension de le retrouver avachi sur une fille, en train de l'embrasser, c'était la première chose que j'ai ressenti lorsque cette personne m'a répondu le Sola.

Je ne pouvais pas le nier, c'était littéralement mon sentiment.

Je me précipitai donc dans ce lieu qui empestait l'alcool, avec la forte envie de lui en coller une, pour y être allé sans me prévenir.

Le bar était désert, personne ne se trouvait là hormis un grand blondinet qui jouait avec un briquet. Ses phalanges étaient recouvertes par des mitaines noires, qui laissaient tout juste dépasser ses bagues, et son sweat à capuche aussi noir que le reste, couvrait ses cheveux blonds, à part quelques mèches qui s'échappaient sur ses yeux gris. Une vraie œuvre d'art à lui tout seul, pensai-je.

Sharpened sensesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant