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Aléan

16 ans, Santa Cruz

Je n'avais encore jamais porté tant d'attention à mon anniversaire que ça. Parce que ça me rappelait la solitude que j'exerçais au quotidien, lorsque je vivais sous la tutelle de mon père. Je n'aimais pas me rappeler que je n'étais maintenant, plus qu'un petit orphelin, pour qui aucun parent ne se lèverait tôt le matin afin de  préparer un gâteau, ou acheter un petit cadeau.

D'ailleurs, personne ne s'en souvenait. Le 21 juillet, c'était un jour si banal dans ce mois d'été, qu'il glissait le long des mémoires sans effleurer le moindre rappel important. Mais aujourd'hui, j'étais d'humeur nostalgique, et lorsque je me suis réveillé -avec trop d'attentes, il faut croire- je fus déçu de ne voir aucun changement dans le comportement des personnes qui m'étaient  dorénavant les plus chères.

Avoir 16 ans, ce n'était pas tous les jours. Et j'argumentais mon sentiment soudain de solitude, par le fait que même le jour de mon anniversaire, personne n'était assez attaché à moi pour y prêter attention. Mes doigts caressaient le sable tendrement, en imaginant que ma mère aurait fait la même chose pour me réconforter, si elle avait été encore en vie. Et tandis que Caleb se concentrait dans sa tâche, qui consistait à  appliquer de la crème solaire sur les épaules de Siham, j'essayais de garder un visage impassible, qui ne trahirait pas mes réelles émotions.

-Je te fais pas mal ? S'inquiéta-t-il en adoucissant davantage ses mouvement sur le corps élancé de Siham.

D'un faible sourire, aussi doux et délicat qu'une arabesque, elle secoua minutieusement la tête en guise de réponse. J'aimais bien la façon dont Caleb ne s'intéressait pas aux filles en temps normal, il n'en avait même rien à foutre contrairement aux garçons de notre classe qui s'y intéressaient un peu plus chaque jour, mais il était éperdument attentionné avec Siham.
Depuis des années, et ça durait.

Allongé sur le dos, avec une vieille serviette de plage comme seule rempart entre mon corps et le sable, je fermai les yeux pour me laisser dorer le corps sous les rayons ardents du soleil.

-Aléan, s'exclama Caleb à mon égard, il en est où Filyn ?

-Aucune idée.

Il était parti chercher un verre d'eau dans le bar découvert récemment par Caleb. Le Sola. Il s'affirmait capable d'obtenir quelque chose sans nécessairement utiliser la parole, mais simplement à l'aide de gestes et le peu de connaissances qu'il avait sur la langue des signes. Puisque Caleb insistait sur le fait qu'il n'en avait pas besoin, et qu'on pouvait le faire à sa place, il s'est vexé, et s'est mis en tête de nous prouver le contraire.

Mes paupières s'alourdissaient, bercées par l'écho des vagues qui s'échouaient en contrebas, et lorsque je me sentis partir, un obstacle m'obstrua l'accès au soleil. J'ouvris les yeux, gêné par l'ombre soudaine qui planait sur mon corps.

Puis la fatigue disparut subitement.
Le corps de Filyn se dressait face à moi, large, et rembrunit d'une fine couche de bronzage qui le sublimait. Ses mèches rebelles, aussi blondes que le blé, s'éclaircissaient comme chaque été, et frôlaient ses épaules dû à leur longueur. Rien de nouveau, je pensais, hormis la masse musculaire qu'il avait gagnée en moins d'un an.

-Alors ? Demanda Caleb. Tu t'en es sorti ?

Pour seule réponse, Filyn leva la main au niveau du visage de Caleb, pour lui verser l'eau fraîche que contenait son verre sur le crâne.

-Avec succès, je suppose... râla-t-il en épongeant son front.

J'arrivais difficilement à ne pas fixer sa nouvelle apparence, lorsqu'il décida de s'accroupir face à moi. Je me redressai, afin d'être plus réceptif.

Sharpened sensesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant