Chapitre 25 : Athan

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        Je me doutais fort bien que je ne recevrais pas un accueil chaleureux. Après la façon dont je l'ai abandonné et les années sans aucunes nouvelles, c'est compréhensif. Normal même. Toutefois, j'espérais tout au fond de moi qu'elle éprouvait encore un petit quelque chose pour moi. J'aurai voulu qu'une infime partie d'elle se souvienne de nos moments. Malheureusement, je l'ai brisée. Et elle s'est enfermée dans un cocon qui m'est désormais impénétrable. Elle a malgré tout accepté de m'aider dans mon enquête sur le décès de mon père et pour cela je lui en suis reconnaissant et redevable.

            Un mois qu'il a disparu et je n'ai pas pris le temps de faire mon deuil. Quand une Sentinelle est venue taper à ma porte ce matin-là, mon monde s'est écroulé. J'ai sombré dans un abîme sans fin. Mon père était tout pour moi, mon ami, mon confident, mon gardien, mon pilier, mon protecteur. Il a passé ses dernières années à m'épauler sans faille dans mon combat contre ma défaillance. Il m'a soutenu encore et toujours. Et il venait enfin d'avancer sur la piste de ma mère. Il l'effleurait du bout des doigts. Puis en un instant, plus rien. Le vide. Dans notre nouveau chez nous, je me retrouvais seul. Nous n'aurions plus jamais de soirées à nous, nous ne jouerions plus aux cartes, ne cuisinerons plus ensemble. Il n'y avait plus que ma colère, ma douleur et mon fardeau.

Nous venions d'arriver chez Chris, où presque rien n'avait changé. Il y a juste une chose qui m'a sauté aux yeux, le calme ambiant. Elle vivait seule.

﹘ Allia et ton père ne sont pas là ?

﹘ Allia a été intégrée à la Garde il y a des années. Étonnant que tu ne t'en souviennes pas puisque je t'en avais informé. Remarque tu ne t'en souciais pas plus que moi donc ça ne devrait pas m'étonner.

Aïe, ça fait mal !

﹘ Mon père, lui, est parti vivre à la capitale il y a quelques mois. Il m'aide dans mon enquête sur le Cénacle et c'est plus simple d'être directement sur place pour glaner des informations.

﹘ Il ne se met pas en danger en agissant de l'intérieur comme cela ?

Chris me lance un regard lourd de sens. Bien sûr qu'il prend des risques, elle en est parfaitement consciente, mais refuse d'y penser.

﹘ Je m'occupe de Neige et nous pourrons nous mettre au travail. Tu peux aller m'attendre dans le bureau en attendant.

J'acquiesce et monte à l'étage.

La dernière fois que j'ai arpenté ce couloir a été l'une des pires journées de ma vie et à la fois la meilleure. C'est contradictoire il est vrai. Cependant, sans cet évènement dramatique, la vie de Chris aurait été bien différente et peut-être que je n'aurais jamais eu connaissance de ses sentiments. Du moins ceux qu'elle a pu avoir.

J'arrive au niveau du bureau, qui de l'extérieur s'est bien transformé par rapport à mon souvenir, mais je n'entre pas. Inconsciemment, je suis attiré par la pièce qui se trouve juste au bout du couloir. Je ne devrais pas me montrer curieux, mais c'est presque plus fort que moi. Comme si mon instinct me dictait mes mouvements et me guidait là-bas. Alors j'avance et me retrouve vite dans une pièce à l'image même de mon amie.

La pièce est immaculée, rangée, ordonnée. Exactement comme je m'en souviens. Cette fois-ci, le lit est fait, mais rien n'a changé. Je suis transporté quatre ans en arrière, au moment où j'ai pris la pire décision de ma vie, au moment où j'ai perdu Chris.

Je fouille la pièce des yeux. Je maintiens que je ne devrais pas mais n'avez-vous jamais fait quelque chose de prohibé ? Je m'attarde sur les photos au mur d'une vie qui semble parfaite. Quelques notes déchirées et épinglées, des phrases qu'elle ne voulait pas oublier. Un vase avec des fleurs qui commencent à faner. Un plaid recouvert de poils blanc, la place de ce cher Neige. Son bureau, désormais presque vide, supporte encore le poids de certains livres d'étude. Et posé là, sous une petite pierre, une note. Elle porte mon écriture. Je me rappellerai toujours ces mots. Quatre mots sur un papier blanc contre quatre années de silence.

﹘ Qui t'a permis d'entrer là ?!

Je suis pris en flagrant délit. Debout, dans sa chambre et un papier dans les mains qui symbolise ma honte.

﹘ Chris ! Je...

Les mots me manquent. Elle m'arrache le mot des mains et me repousse violemment. Pas besoin de paroles, je comprends qu'il faut que je sorte.

Je me dirige vers le bureau, là où j'aurais dû être pendant que Chris fulmine dans mon dos. Décidément, je fais tout de travers. Je m'assois sur un fauteuil, les mains sur les genoux, comme un enfant apeuré qui attend sa punition. Chris rentre dans le bureau à son tour. Furieuse.

﹘ Excuse-moi, je n'aurais pas dû.
﹘ Non en effet, dit-elle sèchement. Bon, mettons-nous au travail.

Elle n'ajoute rien. Mais je sais qu'elle souffre, je le ressens comme si sa peine était la mienne.

Je lui donne tous les documents que j'ai pu récupérer sur l'accident et sur les recherches de mon père. Avec ses outils, Chris a accès à bien plus d'informations que moi et pourra surement m'apporter la preuve que ce n'était pas un accident. Alors qu'elle est plongée dans le dossier, j'ose lui poser la question qui me brûle les lèvres :

﹘ Pourquoi l'a tu gardé ?

Silence. Elle relève la tête mais ne répond pas. Pourtant, elle sait parfaitement de quoi je parle. Après quelques secondes qui me semblent interminables, elle répond simplement :

﹘ Il me rappelle que je ne dois pas accorder ma confiance à n'importe qui.

Obliquatur (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant