Chapitre 33 : Athan

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                  Le fait que Chris me soutienne à nouveau de manière quasiment inconditionnelle, m'a donné une motivation nouvelle. Pendant des mois, je n'ai rien lâché même si parfois, l'idée m'a effleuré. À chaque fois, elle m'a remis sur le droit chemin, remis les idées en place. Elle est une ancre pour moi, mon phare dans la tempête. Sa dernière remontrance en date, remonte à environ trois semaines, c'était ma dernière baisse de niveau. Jusqu'à ce matin. Car à mon réveil, des pierres me sont tombées dans l'estomac.

C'est le grand jour. Mon avenir dépend de cette journée. Quelques heures pour voir sa vie basculer. Pour moi, ce sera la troisième fois.

           Je me prépare comme je peux. Mes gestes sont lents, incertains. Je regarde par la fenêtre de la chambre (j'ai récupéré celle du père de Chris il y a bientôt un an). Le temps est splendide. J'ouvre la fenêtre pour profiter du monde qui se trouve au-delà de ces murs. Lorsque j'entends les oiseaux gazouiller, que je sens la douce chaleur du soleil réchauffer ma peau, que la brise matinale court sur mes bras, enfin je peux reprendre un peu de contenance. Car ça, c'est ce que je suis, au fond. C'est ce simple bonheur qui m'aide à m'accrocher à la réalité en ce jour où tout me pousse vers la névrose.

Les yeux fermés et l'esprit parti bien loin d'ici, je n'ai pas entendu Chris entrer dans la chambre et s'approcher de moi. Ce n'est que lorsqu'elle pose sa main sur mon épaule que je comprends qu'elle est là, juste dans mon dos. Je sursaute, me crispe et lui attrape la main en me retournant.

﹘ Chris ! Excuse-moi, j'étais...

﹘ Perdu dans tes pensées, me coupe-t-elle.

Elle me connaît bien désormais même si elle se le cache encore parfois. Elle tente encore et toujours de garder ses distances, mais elle se contredit dans ses actes et dans ce que son corps exprime.

﹘ Tu as peur ?

﹘ À ton avis ?

﹘ Tu en reviens à répondre à mes questions par d'autres questions, plaisante-t-elle.

﹘ Je suis à deux doigts de la crise de nerfs. Seules mes jambes en coton m'empêchent de partir à toute vitesse.

﹘ Tu es certain qu'il n'y a que ça ?

Je suis si transparent avec elle que c'en devient énervant. Je soupire.

﹘ Heureusement que tu es là.

Je la prends dans mes bras et contrairement à il y a un an, elle ne me repousse pas. J'ai besoin de ça aujourd'hui, elle le sait et me rend mon accolade. Au bout de quelques secondes, elle nous sort de notre bulle.

﹘ Aller le poète ! Arrêtons de nous morfondre comme ça ! s'exclame-t-elle en me donnant un petit coup de poing dans l'épaule. Célébrons plutôt le dernier jour du reste de notre vie.

﹘ Ensemble ?!

﹘ Ensemble, partenaires !

Après un bon café et une discussion banale avec Chris, histoire de nous faire penser à autre chose, voilà l'heure de partir. Nous ne sommes pas testés dans le même centre, elle et moi. Nous devons donc nous séparer. Me revoilà un an et demi auparavant.

          Nous nous faisons face, sur le pas de sa porte, et je ne me sens pas à ma place. J'ai cette même boule au ventre. L'impression que malgré tout ce que je tente, je n'arriverai jamais à contrôler ma vie. La peur sourde qui me paralyse les muscles que je ne vais jamais appartenir à cette vie. La crainte d'emporter Chris dans la tempête avec moi.

﹘ Je ne me risquerais pas à dire que je comprends exactement ce que tu ressens Athan, je pense que personne ne le peut. Par contre, j'ai le pouvoir de te rassurer comme je l'ai fait ces derniers mois.

﹘ Comment ? ma voix tremble.

﹘ Je vais te raconter quelque chose. Dans ma famille, le soleil a toujours été un élément important, une tradition.

Je suis perplexe.

﹘ Dès que le soleil brille, comme aujourd'hui, c'est un signe pour moi. Le symbole que quelque chose de bien, de vraiment bien va se passer.

﹘ Sans vouloir te manquer de respect Chris, c'est complètement idiot.

﹘ Peut-être. L'important, c'est que j'y crois. Corps et âme, je sais. Tu vas réussir. Nous allons réussir. Et rappelle-toi, dès demain, toi et moi, on détruit le Cénacle !

Elle m'arrache un sourire. Elle est convaincue et elle a confiance. Je dois prendre sa force et la faire mienne, car elle compte sur moi. Je n'ai pas l'intention de la décevoir. Au moment où je monte dans la voiture, elle me crie depuis le seuil.

﹘ Eh le poète, c'est une journée comme celle-ci que je t'ai rencontré.

Son clin d'œil veut tout dire. Elle y croit et pour elle, malgré tout ce qui s'est passé, malgré la manière impardonnable dont j'ai agi, notre rencontre a été bénéfique. Voilà de quoi me mettre du baume au cœur. Voilà un excellent moyen pour mettre le feu aux poudres. Aujourd'hui, je suis comme le phoenix. Je vais renaître de mes cendres et conquérir mon avenir !

Obliquatur (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant