Chapitre 52 : Chris

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             Après des années de lutte incessante pour la liberté, de prises de risques pour fouiller dans les affaires d'Etat, de journées à étudier pour réussir un Test débile, nous sommes à moins de vingt-quatre heures de la fin. J'ignore complètement comment cela va se terminer pour Athan et moi, mais au vu des actions du Cénacle et suite à leur plan complexe pour nous avoir tous les deux au même endroit, je crains le pire.

Je replace dans ma tête les informations que j'ai sur la situation. Je dois essayer d'anticiper, trouver un moyen de nous sortir de là. Il est hors de question que l'un de nous, ou nous deux, ne mourrions ici sans avoir vécu réellement notre vie. Je refuse de ne pas avoir pu jouir de notre relation avec Athan. Je n'ai jamais pris le temps de profiter de notre amitié, je n'ai pas pris conscience assez tôt de mes sentiments. Je regrette aujourd'hui d'avoir perdu tant de temps.

Concentre-toi Chris ! Tu es intelligente, trouve une solution ! Il y a toujours un moyen.

En effet, mademoiselle.

﹘ Quoi !? Qui a parlé ?

Je suis seule dans ma cellule, mais je suis pourtant persuadée d'avoir entendu quelqu'un me parler. Une voix douce que je ne connais pas. Un télépathe !

Vous êtes en effet extrêmement intelligente mademoiselle, et aussi très curieuse.

﹘ Ce n'est pas vraiment un compliment, c'est ce qui m'a conduit ici.

Pas exactement. Ce qui vous a conduit ici est un enchaînement d'évènements et de décisions. Ne vous en voulez pas, vous n'êtes pas responsable du résultat final. L'effet papillon est quelque chose sur lequel nous n'avons pas vraiment d'impact.

Qui êtes-vous ?

Question pertinente. Je m'appelle Emilia, et je sais que vous me connaissez.

﹘ Bien sûr. Je connais tous les membres du Cénacle. Que voulez-vous ?

Vous êtes au courant d'un certain nombre de choses. En premier lieu, de nos dons au sein du Cénacle, celui d'Irène évidemment, celui de Caleb et maintenant du mien. Nos deux autres collègues n'ont pas développé les mêmes capacités que nous. Mais là n'est pas la question. Vous savez également qu'Irène a corrompu le Conseil restreint et la Garde grâce à cela. Caleb a été le premier à se libérer de son emprise, et il nous a aidés à faire de même. Je suis la seule à m'être ralliée à Caleb et non à Irène. La Garde, elle, restera de son côté tant que nous ne leur auront pas ouvert les yeux.

﹘ Bien et en quoi cela me concerne-t-il ?

Il faut que vous connaissiez vos alliés Chris.

Mes alliés, et je suis censée vous faire confiance. Vous savez comment cela s'est terminé la dernière fois ?!

Oui, et je suis profondément navrée pour votre sœur. J'ai déjà pris contact avec Athan. Avec son don, il lui est plus simple de connaître les véritables intentions des gens, même par télépathie. Il me fait confiance, à moi et depuis plus longtemps à Caleb. Il savait que vous seriez dubitative. Alors nous avons réfléchis et nous pouvons vous proposer quelque chose.

﹘ Je vous écoute.

Caleb peut vous faire pénétrer dans les rêves d'Athan. Ce serait vous, presque en chair et en os, et vous pourriez vous parler. Sans filtre, sans personne pour vous observer ou vous influencer.

﹘ C 'est envisageable. C'est quoi le piège ?

Je confirme que vous êtes trop intelligente pour votre bien. Vous serez au cœur du plan d'Irène contre Athan, vous serez donc directement en danger. C'est pour cela que vous devez nous faire confiance. Il n'y a pas de piège, mais il y a un grand risque. Nous ne pourrons pas assurer votre sécurité, ni celle d'Athan au cours de votre "procès". C'est donc aussi un moyen pour vous deux de discuter, de vous voir, avant la suite des évènements.

C'est tout. Et vous croyez quoi ? Que j'ai fait tout ce que j'ai fait jusqu'à présent pour quoi ? J'ai toujours été en danger, j'ai toujours pris des risques. Mais j'ai une conviction, et je ne vais pas m'arrêter là. (Je prends une profonde inspiration) Bien. Je suis avec vous. Nous devons retrouver des libertés et si pour cela je dois me joindre à mes ennemis, je le ferai.

Nous ne sommes pas vos ennemis, Chris.

﹘ Vous êtes le Cénacle, du moins en partie. La population est opprimée, éliminée depuis qu'Irène a été nommée, c'est vrai. Toutefois, rien n'allait vraiment avant cela et vous le savez parfaitement, inutile de le nier. Vous jouez les aveugles depuis des dizaines d'années alors que le système s'effondre sur lui-même. Vous êtes les ennemis de tous ceux qui veulent vivre.

Pas de réponse. Pas de répartie cinglante ou de réplique compatissante. Ils doivent prendre conscience qu'Irène n'est qu'un problème visible. Le grain de sable dans le rouage qui dérègle tout. Mais avant cela, il y avait un sac de sable au-dessus dudit rouage, prêt à craquer et à tout détruire.

﹘ Revenons-en au fait. Quel est votre plan ?

Emilia et Caleb sont désespérés. Voilà ce qui ressort de leur plan. Techniquement, nous serons quatre individus contre une armée. Soit, trois d'entre nous ont des pouvoirs parapsychiques, mais un seul peut être utilisé comme don d'attaque et celui-ci sera menotté et tous les yeux de l'assemblée seront tournés vers lui.

Par ailleurs, près de vingt gardes armés seront présents, dont sept Obliquatur qui peuvent anticiper nos moindres faits et gestes. Nous passons donc de chances de nous en sortir de quoi ? Dix pourcents... à une mission impossible. À cela, on rajoute un nombre incalculable d'inconnues. Irène et ses réactions. Ma soeur, cette tête brûlée. Athan et sa concentration. Mon père et sa réactivité. Et d'autres.

Je m'endors avec la boule au ventre. Je sais que demain, tout pourrait mal tourner. Notre vie ne tient qu'à un fil, nous sommes tels des marionnettes dirigées par Irène. Malgré tout, demain est un autre jour. Ce soir, si je ressens comme des blocs de bétons au creux de l'estomac, c'est que j'ai peur. Mais pas de demain. J'ai peur de mon rendez-vous des prochaines minutes. Peur que ce ne soit pas assez, peur de ne pouvoir le lâcher, peur de sa pitié également.

Je sombre petit à petit avec cette angoisse présente, telle un nouvel organe. C'est en réouvrant les yeux, dans une clairière magnifique, sous un soleil radieux, face à mon poète, que mes doutes se calment. 

Obliquatur (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant