Chapitre 44 : Athan

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Je me retrouve alors dans le salon de mon appartement du centre. Un lieu que mon père avait acheté peu avant ma naissance mais dont il n'avait jamais profité. Il disait que cela aurait été trop dangereux, de vivre si près de la ville, si près du gouvernement, après ce qui était arrivé à ma mère.

Cet appartement ne paye pas de mine, mais cela a été mon chez moi pendant longtemps. J'y ai vécu des heures difficiles, mais aussi de grandes joies avec mon père.

Je m'avance dans la pièce, vers l'homme dont j'aimerais un jour être l'égal. Impossible pourtant. Mon père est mort. Tué par la Garde alors qu'il protégeait ma mère. Il ne peut pas être là. Pourtant, c'est bien lui que je vois assis à la table, comme d'habitude. J'ai un pincement au cœur, je ne pensais pas le revoir. D'ailleurs, je n'aurais jamais dû pouvoir le revoir. Mon esprit tourne à toute vitesse. C'est un piège Athan, ils veulent te déstabiliser.

J'essaie de m'en convaincre tout en regardant l'homme qui m'a élevé, qui m'a soutenu toutes ces années et sans qui je ne serai pas devenu un homme bon. Je m'approche encore, murmure un "papa" tel un enfant, tend la main vers lui... Et je me retrouve à nouveau dans ma cellule. Seul.

Les larmes me brûlent aussitôt les yeux et coulent sur mes joues. Ma main toujours tendue tremble.

﹘ Ça fait mal hein, dit calmement une voix grave derrière moi.

Je me retourne en sursautant. La Sentinelle est toujours là, le même sourire malsain pendue à ses lèvres. Je le vois, je le ressens, il se délecte de mon malheur. Je reste muet, trop secoué pour qu'un seul mot ne franchisse mes lèvres.

﹘ Tu es blessé. Revoir ton père mais ne pas pouvoir le toucher. Ne pas pouvoir lui parler. Incapable de lui dire que tu as échoué, que tu as été battu. Impuissant devant ton plus grand échec.

﹘ Stop ! j'aboie tout en plaquant mes mains sur mes oreilles pour ne plus entendre.

Tu ne peux te cacher de nous Athan.

La voix pénètre dans ma tête m'interdisant toute fuite. Plus forte encore, j'ai l'impression que cette voix pourrait être capable de me détruire de l'intérieur.

Tu es impuissant Athan. Tu l'as toujours été. Faible, inoffensif, inapte. Même pas capable de te sauver toi-même, tu as laissé mourir tes parents.

﹘ Non !

Tu t'es complu dans ton malheur, tu as laissé ta faiblesse affecter tes proches. Et cela leur a tout coûté. Ils auraient honte de toi.

﹘ Stop ! S'il vous plaît ! je supplie, ma supplique se transformant en cri de désespoir.

Nous arrêterons quand tu auras choisi, quand tu nous auras choisi. Abandonne ta vie, abandonne tes amis. Personne ne veut de toi. Qui voudrait d'un garçon comme toi, ignare et fragile. Qui voudrait prendre le risque de mourir pour toi. Beaucoup de gens le sont déjà à cause de toi. Combien de victimes feras-tu encore autour de toi ? Combien de douleur avant que tu ne fasses le bon choix ? Chris doit-elle payer pour tes erreurs ?

J'entre dans une colère noire.

﹘ Ne touchez pas à Chris, elle est innocente !

Nous ne faisons rien. Nous ne ferons rien. C'est toi qui causeras sa perte. Comme celle des autres. D'ailleurs, pourquoi te battre encore pour ceux qui ne veulent pas de toi ?

﹘ Chris tient à moi, parviens-je à articuler douloureusement.

Tu crois ça ?

La pièce se volatilise à nouveau dans un nuage de fumée. Quelques instants plus tard, je me retrouve dans la maison de Chris.

Encore une fois, je suis là sans vraiment l'être. L'impression d'être un fantôme. C'est ce que j'ai ressenti tout à l'heure. Exactement le même sentiment. Cette fois, le lieu est différent. Quand suis-je ? Quel souvenir ce monstre veut-il me montrer pour me faire souffrir ?

Obliquatur (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant