Chapitre 26 : Chris

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         Ce dossier est épineux. Plus que ce à quoi je m'attendais. Parce que les informations sont minces, trop minces pour qu'en effet ce soit un simple accident. Pas de témoins, pas de traces de freinage, pas d'éléments justifiant une sortie de route. C'est comme si Ed avait foncé dans un arbre par choix. Mais ce n'est pas cohérent avec le Ed que j'ai connu et avec ce qu'Athan m'a raconté. Il n'aurait pas abandonné son fils, pour rien au monde. Il y a donc bien anguille sous roche.

La base de données de la Garde, à laquelle je ne devrais pas avoir accès, vous vous doutez bien, devrait me donner plus d'éléments. Car ce sont eux qui sont intervenus sur les lieux. Et oui, la Garde a encore évolué en quelques années pour devenir en plus d'une garde armée, une entité policière. Le monde part à vau-l'eau, c'est moi qui vous le dis !

           Au moins deux heures que je parcours les rapports de mission civile, et je n'ai absolument rien trouvé. C'est tout bonnement impossible. C'est comme si l'accident n'avait pas eu lieu d'après la base de données. J'envoie un mail codé à mon père pour lui demander de l'aide et heureusement pour nous, il me renvoie un numéro de mission qui nous fait avancer.

Le rapport est détaillé, mais étrangement, il s'agit d'un rapport d'élimination d'un groupe d'Amentis, ayant eu lieu il y a un mois. Je parcours la liste de noms, et tombe sur l'information que je ne souhaitais pas connaître. que j'espérais ne pas voir. À mon air contrit, Athan comprend que j'ai trouvé quelque chose et que ce n'est pas une bonne nouvelle.

﹘ Quoi ? demande-t-il inquiet.

﹘Tu es sûr de vouloir savoir ?

﹘ Je veux connaître la vérité Chris. J'en ai besoin. Dis-moi !

Je ne peux pas lui dire, c'est au-dessus de mes forces. Alors, je lui montre mon ordinateur, et avant qu'il ne lise, je m'éclipse.

Après cinq longues minutes, durant lesquelles je suis restée derrière la porte, cette dernière s'ouvre violemment. Athan se retrouve face à moi, aucun de nous ne dit mot. Soudain, il s'enfuit vers les escaliers. Je le poursuis jusqu'en bas, je ne peux pas le laisser dans cette situation. Malgré ce qu'il a pu me faire, je ne suis pas comme lui, et je n'abandonne pas les gens qui en ont besoin.

﹘ Athan ! Attends ! Parle-moi !

Nous sommes dans l'entrée quand il se fige à mes mots.

﹘ Qu'est-ce qu'il y a à dire Chris ?! Le Cénacle vient de détruire ma vie. Je n'ai jamais fait partie de ce monde et j'en prends pleinement conscience à présent. Je refuse de continuer à jouer à leur jeu ! Je refuse de perdre plus de temps à me conformer ! Ma mère l'a fait, et elle a échoué. Mon père l'a fait, et pour finir, il a été tué. Même si je me bats, aujourd'hui, à mon tour j'échouerai. Je ne veux pas leur donner cette satisfaction. Ils m'ont tout pris. Ils ne me prendront pas.

﹘ Athan, je t'en prie calme-toi. Ne fais pas quelque chose que tu regretteras.

﹘ Toute ma vie, toutes ces années, et en particulier ces quatre dernières, je me suis battu, comme ils l'ont fait. Je ne vais pas en gâcher davantage.

Je ne comprends plus rien. Je croyais qu'il parlait de la mort de ses parents, de cette injustice, mais il y a autre chose. Pour quelle raison se battrait-il ? Quel est le lien avec ses dernières années ?

Athan souffre, c'est évident, mais pas juste à cause de ce que l'on vient de découvrir. J'ai l'impression qu'en plus de son passé et son présent, c'est son avenir qui vient de disparaître. Il faut que je comprenne. Il faut que je l'aide comme à l'époque, il a pu m'aider avec Allia. Je lui dois au moins ça.

Il est fou furieux devant moi. Impossible de le reconnaître. Je ne sais pas si j'arriverai à le calmer, mais je dois impérativement y arriver avant qu'il ne fasse une bêtise. Je m'approche de lui, et lui touche le bras. J'essaie avec ce contact, de lui montrer ma présence. Il s'apaise légèrement quand je le touche, mais reste encore sur la défensive. C'est trop. Trop d'émotions, trop d'informations.

﹘ Athan, lui dis-je doucement, laisse-moi t'aider.

Les mots sont simplement sortis sans que je les contrôle. J'imaginais que c'est ce dont il avait besoin. Et il semblerait que j'avais raison. Car, à cet instant, il s'abandonne et s'effondre au sol. Pas une larme, pas de sanglots. Malgré cela, il est abattu. Vidé de toute volonté à ce moment précis. Je connais cette sensation. Je l'ai ressentie plus d'une fois. Toutefois, je ne peux qu'essayer d'imaginer ce qu'il vit. J'ai perdu ma mère quand j'étais enfant, mais là il vient de perdre deux parents, dans l'injustice la plus complète.

Aujourd'hui, je lui offre une épaule pour pleurer. Demain, il devra m'expliquer. Après-demain, je déciderai s'il en vaut la peine.

Obliquatur (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant