Chapitre 3 : Athan

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          Les guerres du 22ème siècle auront été le point de bascule de l'Humanité. Famine, mort, terreur dirigeaient le monde. Dès le début du 20ème siècle, les difficultés politiques, économiques et écologiques ont porté préjudice à l'établissement d'une société équitable et juste. Elles ont mené l'Humanité à deux doigts de l'extinction. Ce n'est qu'au bord de l'apocalypse, dans les années 2170, que dix gouvernements se sont alliés, non pas dans l'objectif de rentrer en guerre contre leurs ennemis, mais dans l'objectif de repartir à zéro. Établir un nouveau système, impartial, intègre et droit. Un nouveau système basé non plus sur les valeurs monétaires ou sociales, mais fondé sur la connaissance et la sagesse. Des années de lutte acharnée, de négociations avec le reste des gouvernements, de contestations, n'ont pas eu raison du projet du général Callidus et de ses alliés. À l'orée du 23ème siècle, la déclaration d'indépendance de l'Humanité est déclarée et signée par l'ensemble des gouvernements mondiaux. Callidus et ses alliés sont nommés à la tête du premier régime alors mis en place auquel le général aura donné son nom. Depuis lors, les meilleurs penseurs de notre monde sont regroupés au sein du Cénacle. Ils ont pour rôle ultime de conserver la paix et d'amener l'humanité à son plus haut potentiel.

          Voilà près de deux heures que j'étudie l'Histoire du Régime Callidus. Dès les premières lueurs du jour. Et je dois dire que ça me tape sur le système. Je suis sorti en espérant que l'air frais du matin, que le temps radieux, que le doux bruit du vent dans les arbres m'aideraient à me concentrer plutôt que la morne ambiance de ma chambre. Mais rien y fait, je déteste toujours autant l'Histoire. J'ai horreur de me plonger dans le passé, je préfère vivre le présent, le vivre à fond.

Je ne suis même pas intéressé par mon avenir. Mon père a beau me répéter à longueur de temps que mon avenir est important, si le système n'en décidait pas ainsi, ça ne le serait pas. Mais l'ennui, c'est que nous vivions bien sous le régime Callidus (qui a mon sens est plus une rigolade qu'autre chose) et mon avenir est plus important que le reste, plus important que mon présent, plus important que mes choix.

Me voilà à fulminer à nouveau. Que puis-je faire de toute façon ? Renverser le système ? Quel bel idéal ! La seule chose qui est en mon pouvoir, c'est de suivre les codes, apprendre toujours plus, développer mon intellect, ma logique de sorte à ce qu'à mes vingt-deux ans je sois prêt pour le Test. Je vais devoir y passer, comme tout le monde, même si je n'en ai aucune envie. Il n'est même pas utile à tout un chacun. Il ne sert qu'à déceler les meilleurs d'entre nous, ceux qui pourront, pourquoi pas, un jour intégrer le Cénacle et diriger nos vies. Mais moi je n'en ai aucune envie. Je rêve juste de vivre ma vie, sans contraintes. Ou il permet de mettre de côté ceux qui sont jugés trop faibles d'esprit pour appartenir à la société, ceux qui sont alors bannis, éclipsés de la société.

          Je referme le livre qui se trouve devant moi, si l'on peut appeler cela comme ça. Un pavé de 2400 pages sur l'Histoire du monde, peut-on appeler ça un livre ? J'appelle cela de la torture. Assez !

Je m'allonge dans l'herbe fraîche. Le soleil de plomb me réchauffe la peau, mais la chaleur n'est pas insupportable, bien au contraire, c'est agréable. Une légère brise venant du nord frôle mes muscles soulageant la brûlure de l'astre. Cette même brise effleure les arbres du parc dont les feuilles se mettent à chanter une chanson qui leur est propre. Je ferme les yeux. Je veux profiter du moment. Je me concentre sur mes sens. L'ouïe. J'entends alors la rivière en contrebas, l'eau ruisseler entre les pierres. L'odorat. Je sens l'odeur du petrichor provoqué par la rosée qui s'est déposée sur l'herbe avant le lever du jour. Le toucher. Du bout des doigts, j'attrape une fleur dont les pétales glissent. Elle est douce, voluptueuse dans ma main et tellement fragile. J'oublie alors tout. Le monde autour de moi se résume à ce parc, vide, à cette nature fragile et délicate. Je n'ai aucun impératif. Pas de système. Pas de révision. Aucun avenir, aucun passé. Juste moi. Ici. Maintenant.

Obliquatur (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant