Chapitre 39 : Athan

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          Chris a été vraiment courageuse ce soir. Pas le genre de courage qui vous pousse à vous placer devant une arme à feu ou à sauter dans des rapides pour sauver quelqu'un. Non. Mais le courage de se faire confiance et de pardonner. Cette Chris là me manquait. Prisonnière d'années de silence, de solitude et de guerre froide. Enfouie au plus profond d'un cœur meurtri par la vie. Elle s'est dévoilée. Elle m'a laissé entrevoir son âme. J'aime cette force qu'elle possède et je suis triste à chaque fois que je la vois se dissiper.

Ce soir, elle a pris un nouveau tournant dans sa vie et m'a inclus dans son avenir. Que puis-je rêver de mieux ? Ne pas avoir le gouvernement contre moi serait bien. Malgré tout, je pense à tous ceux qui mourront demain. Tous ces gens qui verront ce même mot "recalé" à côté de leur nom et qui ignoreront alors que cela signe leur arrêt de mort. Je suis alors doublement chanceux. Je sais ce que je risque et j'ai eu l'occasion de m'y préparer.

Je suis seul dans le salon. La nuit est déjà bien avancée mais impossible de dormir. Je reste assis là, Neige à côté de moi, la tête posée sur ma jambe. Et je le caresse en méditant. J'essaye de réfléchir à ce que pourrait être mon don.

Je ne me sens en rien spécial. Je n'ai jamais pensé même un seul instant qu'au plus profond de moi pouvait sommeiller un pouvoir parapsychique. Pas de télékinésie en vue, ni même de contrôle mental ou encore la possibilité de lire dans les pensées. Je regarde Neige et me dis à quel point cela aurait été extraordinaire d'avoir la capacité d'hyper-communication. De pouvoir parler aux animaux, de pouvoir mieux comprendre la nature qui m'entoure. Mais non. J'ai à priori un don claqué qui n'a jamais décidé de se manifester.

Je creuse plus loin. Me remémore chaque passage de ma vie et la regarde sous un nouvel angle. Je cherche à détecter la moindre chose étrange, la plus petite chose inexplicable. Je réfléchis longuement. Et je me rappelle d'une chose. La deuxième pire journée de ma vie. Le jour où j'ai vu Allia agresser Chris. D'ailleurs, malgré ce que cette dernière dit, je ne comprends toujours pas vraiment comment elle a pu changer autant. Bref. Ce jour-là, quand j'ai parlé avec Allia, elle m'a semblé étonnamment réceptive, trop pour quelqu'un d'aussi confiante et sûre d'elle. Elle m'a écouté et puis...

﹘Tu ne dors pas ?

Chris me toise depuis le bas des escaliers. J'étais pris dans mes réflexions, je ne l'ai même pas entendue. Et voilà que quelque chose d'autre accapare mon attention. Whaou ! La voir comme ça, ressortir dans la pénombre avec son ensemble blanc. Hoodie plus short, et les cheveux en bataille, voilà une vision que je n'aurais manqué pour rien au monde.

﹘ Alors ?

﹘ Quoi ? Oh pardon, je ne t'ai pas écoutée, excuse-moi.

﹘ Je te demandais ce que tu faisais en bas ? C'est l'orage qui t'empêche de dormir ?

﹘ Je réfléchis, ou je me morfonds, à toi de voir ce qui correspond le mieux à mon état d'esprit.

﹘ Eh bah, ce n'est pas la joie.

﹘ C'est mieux maintenant.

Elle rit en croisant ses bras devant elle.

﹘ Je vois. Nous avons une longue journée demain. Tu ne préfères pas aller te coucher ?

﹘ Si, tu as raison. Je vais monter d'ici quelques instants.

﹘ Rejoins moi quand tu le sens.

Et la voilà qui remonte, sans rien ajouter. Mais voilà bien une formule inattendue. La chambre de son père est confortable, mais rien à voir avec le fait de dormir dans ses bras. Après quelques minutes de dernières réflexions, je repousse Neige pour me lever. Celui-ci grogne.

﹘ T'inquiète pas mon beau. Nous sommes à l'étage. Toi, tu gardes la maison.

Je commence à monter les escaliers quand je crois voir une lumière dehors. C'est rapide et je ne suis même pas sûr de ce que j'ai vu. Par précaution, je décide de jeter un œil. Il n'y a rien. Sans doute une voiture qui est passée. Mais Neige grogne de plus en plus. Je le cherche et le trouve devant la porte de derrière. Quelque chose le dérange, c'est certain. Je ne l'ai jamais vu dans cet état.

Je m'approche pour verrouiller la porte quand un vase se casse à deux centimètres de moi. Quand je regarde dans les débris, je vois une sorte d'araignée électronique. J'ignore ce que c'est mais ce n'est absolument pas normal. Par réflexe, je me mets au sol pour éviter de recevoir ce genre de petite bestiole sur moi. Je tente, accroupi, de rejoindre l'escalier. Je dois prévenir Chris mais crier à travers la maison est loin d'être une bonne idée. Neige s'affole de plus en plus et je lui demande de se taire.

J'avance aussi vite que je le peux. Puis soudain, plus un bruit. J'atteins à ce moment les escaliers mais à peine j'ai posé le pied sur la première marche que quelqu'un m'attrape par derrière. Une main sur ma bouche pour m'empêcher de hurler et l'autre qui me maintient le bras dans le dos. Ça fait un mal de chien.

J'essaye de me libérer mais sa prise est trop forte. Alors qu'il commence à nous diriger vers la porte arrière, mon cerveau réfléchit à toute vitesse, je dois me sortir de là. La première idée qui me vient, je la mets à exécution. Simple et efficace je l'espère, je décide de lui marcher sur le pied de tout mon poids. Heureusement, mon attaquant relâche légèrement sa prise sous le coup de la douleur et de la surprise. J'en profite alors pour foncer dans la cuisine où je pourrais trouver de quoi me défendre. J'attrape un couteau le plus vite possible et fait face à mon adversaire. Sa tenue ne laisse aucune équivoque : une Sentinelle. Mais impossible de savoir qui c'est avec son casque. Bizarre qu'elle soit seule. Peut-être ne s'attendait-elle pas à de la résistance.

Alors que l'orage gronde dehors et que le tonnerre frappe dans le ciel, je m'élance sur la Sentinelle. À mon plus grand regret, l'auto-défense n'a jamais été un point fort et malgré mes tentatives, elle récupère mon arme et parvient de m'entailler profondément l'avant-bras et la cuisse. Je m'effondre sur le sol. La douleur est sans équivoque. Je commence à ramper sur le sol quand j'aperçois des bottes. Bien sûr que l'autre n'était pas seule.

﹘ Il se défend le gosse !

﹘ Oui et j'aurais bien apprécié un peu d'aide.

﹘ Tu ne prenais pas beaucoup de risques la bleue.

﹘ Bon allez, finissons-en.

Un poing se dirige alors vers mon visage. Et juste avant de sombrer dans les ténèbres, je pense à Chris. Pourvu qu'ils la laissent tranquille. 

Obliquatur (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant