Le temps est plutôt avantageux pour avoir de telles pensées. Je prends le soin de préciser la météo parce que j'aime l'excuse que mes pensées soient tristes et redondantes lorsque le temps s'y prête, lorsqu'il pleut ou encore lorsque le ciel est couvert de nuages, ou bien lorsqu'il fait froid. Mais aujourd'hui le soleil est élevé dans le ciel, et il fait relativement chaud pour une journée de novembre, qu'importe, ces pensées sont constamment présentes depuis le début de l'année scolaire et je ne crois guère que cela s'arrangera au printemps. Le château est presque vide et pour cause les élèves occupent les extérieurs en ce mercredi après-midi. La bibliothèque est encore plus calme qu'à son habitude, la plupart des tables sont vides, mes camarades ayant délaissé l'idée d'avancer dans leurs devoirs pour profiter du soleil. Comment les blâmer ? Ces moments se font si rares. Je me suis avancé vers la place que j'aimais tant occuper avant d'ouvrir mon sac en cuir pour y extraire mon fidèle carnet ainsi que mon encre et une plume. Depuis le jour où j'ai su écrire, du moins au plus loin que je me souvienne, j'ai écrit, emplissant des dizaines de carnet. Celui-ci me suivait depuis de longs mois et avait perdu ses couleurs vives autrefois présentes, les pages étaient jaunissantes, et il était un peu corné par endroits. Mais je l'aimais ainsi et il me restait de quoi écrire, je dois dire que ces dernières semaines avec Malfoy plus que présent dans ma vie, j'avais été moins assidu dans mon écriture. Comme si pour la première fois je pouvais exprimer mes pensées à quelqu'un de réel, pas aussi profondément que sur le papier, mais tout de même suffisamment pour ne plus avoir la solitude qui me tiraille dans le corps tout entier. J'ai ouvert mon carnet à la recherche d'une page vierge, j'ai pu y voir passer quelques précédents textes. Jamais dans un seul et même carnet je n'avais pu rendre compte d'autant de changements. Ces derniers mois avaient été si intenses, plus rien n'était pareil depuis le soir au Ministère de la Magie dans la Salle des Prophéties. J'ai frotté légèrement ma page blanche pour la mettre à plat et j'ai trempé ma plume dans mon encre. Le soleil chauffait ma peau à travers les carreaux, mes longs cheveux descendaient le long de mon dos et certains basculaient sur le devant de mon carnet.
Mon cher Poudlard, à quoi ressemblera l'avenir ?
Toi qui as vu défiler tant de générations, toi qui as été à l'origine de tout, amitiés comme relations amoureuses, tu as vu des générations se prolonger, tout comme tu as découvert de nouvelles familles.
Tu as connu multiples problèmes de sociétés, auxquels nous faisons toujours face, les Moldus dont nous sommes menacés et les sorciers qui se battent les uns les autres dans le simple but de la soif de pouvoir, reproduisant les mêmes erreurs, inlassablement.
La fin est proche je peux le sentir, mes camarades aussi le sentent, même protégée de ton enceinte, même coupée de l'extérieur je peux savoir que cela approche, Voldemort gagnera et certains perdrons, dans le cas contraire Voldemort perdra la vie emportant avec lui ses partisans, des familles.
Que deviendrons-nous ? Comment ont survécu nos anciens ? Mon cher Poudlard, tu nous as appris à pratiquer la magie, mais tu ne m'as pas appris à appréhender le monde extérieur, et aujourd'hui j'ai peur.
Que deviendrons-nous ? Est-ce que mes amis resteront les mêmes ? Est-ce que la magie aura toujours autant d'importance ? À quoi ressemblerait ma relation avec Draco à l'avenir ? Je ne suis pas prête à lire la mort de ceux que j'ai côtoyé dans les journaux, qu'importe quel côté l'emporte, la victoire de certains entraînera toujours la perte d'autres.
Qu'importe les rancœurs d'école, les guerres entre maisons, nous nous attachons à cela parce que c'est le seul sujet digne d'adolescents vivant dans un monde de plus en plus chaotique. Je ne suis pas prête à grandir si c'est dans de telles conditions, Poudlard mon cher, comment ont-ils fait avant moi ? Y a-t-il de meilleures façons de vivre la perte et la douleur ? Y a-t-il des solutions dans un monde de problèmes ?
J'ai grandi dans un milieu où on ne m'a pas dit d'être heureuse mais d'être la meilleure, Serpentard était la suite logique des premières années de ma vie.
Tu arrives dans un nouvel établissement, où l'on n'apprend pas même à connaître ton nom avant de te coller une étiquette à la peau, et celle-ci te suivra.
Alors tu continues bêtement de te construire, en compétition avec les autres, peut-être que cette idée ne résulte que de moi. Mais tu en restes néanmoins froide, appréciant rire des autres, en réalité ce n'est pas tant ça que tu aimes, ce que tu préfères ce sont les conséquences de ces actes. Tu aimes te sentir crainte, ayant l'impression d'être respectée, ce n'est pas le cas évidemment, puis arrive un jour où tu n'es plus seulement crainte, les gens ont juste cessé de t'accorder de l'importance. Il ne te reste alors que toi, tes remords et ta propre connaissance de celle que tu es réellement.
Mais tu devras rester parfaite, sourire mais pas trop, être belle mais pas superficielle, parler mais ne pas être incommodante, avoir du caractère mais ne pas être vulgaire. Je ne suis pas seule, je ne suis pas une exception qui confirme la règle, je peux vous voir vous autre dans la Salle Commune, je peux vous voir contrôler chacun de vos mouvements afin de rendre la parfaite image qu'on vous a inculqué, là où les autres y verront des gestes spontanés nous autres verrons la parfaite implication que vous avez, à être acteur de votre propre vie.
Puis lui, ses yeux bleus, ses cheveux blonds, mon propre reflet aux traits les plus opposés soit-il. Qui d'autre est assez fou pour aimer autant quelqu'un d'aussi torturé ? Je suppose que je le connais mieux qu'il ne se connaîtra jamais, il en va de même pour lui, nous sommes liés, indéniablement, qu'importe nos choix, la finalité en restera la même, qui d'autres que nous pour nous aimer ?
- Mademoiselle ? Une voix au loin s'élevait dans la pièce, mais peut-être rêvais-je. Mademoiselle ? La voix devenait plus insistante.
J'ai levé les yeux de mon carnet et j'ai vu la bibliothécaire, j'ai rapidement détourné mon regard pour observer par la fenêtre. Les élèves n'occupaient plus l'espace extérieur, et il faisait désormais nuit.
- Vous n'avez pas dû voir le temps passer mais je vais fermer la bibliothèque.
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Inlassablement
FanfictionHadès s'apprête à entrer en sixième année à l'école de sorcellerie Poudlard et depuis que la salle des Prophéties a été vandalisée, il y a de cela quelques mois, une ambiance étrange règne sur le monde des sorciers. Très tôt dans l'année scolaire, s...