1er avril 1997

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Les jumeaux Weasley faisaient retentir divers artifices à l'occasion de leur anniversaire lorsque je suis entrée dans la bibliothèque. En ce jeudi, durant la pause du repas du midi, je me suis isolée comme depuis plusieurs jours. J'avais repris l'habitude de ne jamais sortir du dortoir sans mon carnet et dès que s'offrait à moi un peu de temps, je posais sur le papier mes sentiments. Je n'avais plus envie de m'empêcher de manger pour rendre compte de ma douleur. J'avais constamment froid, je perdais mes cheveux, et mes tenues étaient devenues bien trop grandes, puis ça n'aidait pas à aller mieux, ça ne rendait plus suffisamment compte de la douleur. Je n'avais plus envie de m'entailler la cuisse parce que ça aussi, ça ne fonctionnait plus. L'angoisse, elle, était toujours présente, et il était difficile de l'ignorer. Je ne pouvais plus compter sur la présence de mes amies pour la dissiper ne serait-ce qu'un peu, et Blaise était plus distant, concernant Draco il se comportait comme si je n'avais jamais existé. Nos au revoir semblaient avoir fonctionné. J'ai ouvert mon sac et en ai sorti une plume, de l'encre et le carnet.


Il y a quelques mois encore, c'était un livre d'amour qui occupait l'espace vide de mon sac, un livre dont Draco s'était moqué, puis un livre qu'il avait lui-même lu. Maintenant, celui-ci reposait dans la bibliothèque de la Salle Commune. Ça ne me servait plus de lire je préférais écrire. J'avais lu cette histoire d'amour et maintenant j'écrivais la mienne. J'avais cru en l'amour que je lisais et cru en l'amour que j'avais vécu, mais ça n'avait pas suffit, ça ne suffit pas de croire. Ce n'est pas la même chose de lire ou d'écrire, l'histoire que je lisais était bien différente de celle que j'écris. La plupart du temps les livres servent à instruire mais lire des histoires d'amour ça n'apprend pas. Ça ne prépare pas. Il n'y a rien de semblable aux sentiments ressentis lorsqu'on est heureuse auprès de celui qu'on aime, rien de semblable aux sentiments ressentis lorsqu'on est dévasté éloigné de celui qu'on aime.


Astoria l'aimait-elle autant ? Avait-elle ressenti cette douleur lorsqu'il s'était éloigné d'elle ? Une douleur qui te transperce les entrailles au point de te faire douter de l'état physique de tes organes. Parfois je crois m'habituer, puis je me rends compte que c'est uniquement ce dont j'essaye de me persuader. Je n'arrive plus à savoir ce qui est vrai dans mes sentiments, je n'arrive plus à savoir si je pense mes sentiments ou si je les vis réellement. Je n'arrive pas à savoir si j'ai déjà connu une telle douleur. J'ai passé ma vie à souffrir auprès des personnes qui auraient dû être les plus chers à mes yeux. Mais avec le temps je crois que pire encore que n'avoir jamais ressenti d'amour, c'est d'en avoir un jour reçu de la part de quelqu'un pour que celui-ci te soit retiré.


Anthéa avait raison et c'est sans doute pour ça que je la détestais tant, je la détestais parce qu'elle rendait compte de la réalité.


Je connaissais la finalité et maintenant que l'avenir m'avait été exposé je ne pouvais pas agir dans l'ignorance. Astoria et Draco seraient mariés et ils avaient le droit au bonheur. Qu'importe s' ils ne ressentaient pas le même amour que nous avions un jour connu. Peut-être qu'il suffisait, peut-être qu'un réel bonheur se trouve dans un amour doux, léger, et paisible.


Blaise méritait lui aussi d'être heureux et ce n'est certainement pas à mes côtés qu'il allait trouver le bonheur. Je ne savais pas aimer, pour Draco c'était naturel, douloureux certes mais c'était comme une évidence. Longtemps j'avais cru qu'il m'avait appris à aimer, mais ce n'est pas le cas. Il m'avait appris à l'aimer. Blaise méritait mieux, un amour doux, léger et paisible.


Je ne pouvais pas en vouloir à Anthéa d'être une partisante de Voldemort j'avais tant connu de peine pour Draco de l'être. Le fait qu'il soit un Mangemort ne m'avait pas empêché de l'aimer. Le fait qu'elle le soit ne devait pas m'empêcher d'être son amie. Je voulais la retrouver, elle au même titre que Gabrielle et Audrey. L'avenir était inconnu avec mes amies et était peut-être aussi désastreux que celui qui s'offrait à Draco et moi. Mais en l'absence de connaissance de ce dernier, je pouvais toujours espérer profiter d'elles durant le temps qui nous était offert. Nous méritions de vivre comme des jeunes filles de notre âge, vivre comme nous l'avions qu'occasionnellement fait durant l'année par le biais de quelques soirées.


Astoria, elle, méritait des excuses. Je m'étais efforcée de me battre pour Draco, mettant son bonheur en péril. Je ne lui avais jamais accordé d'importance et jusqu'alors je n'avais pas pris la peine de penser qu'elle pouvait elle aussi souffrir de la situation. Elle s'est trouvée entre deux âmes déchirées incapable de s'aimer et de séparer en payant elle-même les conséquences. J'avais traité Astoria comme une fille qui m'empêchait de vivre l'amour dont je rêvais. En réalité elle était forte, forte et belle, et avec le recul c'était une évidence qu'elle porterait un jour le nom Malfoy. Elle avait cessé au fil des mois de lutter pour aimer Draco, elle avait accepté la situation, accepté les tromperies et aller et venues qu'il faisait entre elle et moi. Mais il n'y avait rien d'acceptable là- dedans. Tous deux nous l'avions sali et blessé, étant trop occupé à regarder nos souffrances pour percevoir celle qu'on causait à ceux qui nous aimaient. Qu'importe si elle l'aimait pas de la même façon que moi, ce n'est pas bon d'aimer autant une personne.


Cher carnet je t'en prie, ne t'inquiète pas, ce n'est pas un au revoir, simplement un nouveau départ.

InlassablementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant