Le trajet m'a semblé bien trop court pour avoir le temps de me préparer à ce qui m'attendait et pourtant ma demeure familiale était située loin du château, j'avais passé la nuit dans une diligence conduite par des Sombrals. Ils étaient fascinants, et en réfléchissant au fait qu'ils n'étaient pas visibles par la plupart des sorciers cela me semblait surréaliste. Dès notre seconde rentrée, dès que nous avions pu utiliser ce moyen de déplacement je les avais vu, et j'avais compris que bien trop vite que nous étions peu dans ce cas. J'avais passé la seconde partie du trajet à penser à lui, jusqu'au dernier moment, j'avais l'espoir qu'il me propose de me joindre à lui au Manoir. Mais cela n'a pas été le cas, et en réalité je ne l'avais même pas vu partir du château. Lorsque je me suis retrouvée chez mes parents, dans ma petite chambre, c'est là que j'ai réellement senti la douleur, que je l'ai retrouvé, elle était à son apogée. Je pense que d'une certaine façon, Draco masquait celle-ci jusqu'à présent. La plaie avait toujours été là, elle n'avait cessé de s'accroître les années passants mais pour la première fois cette année, en sa compagnie la douleur avait semblé surmontable. Pour autant ici, dans cette petite pièce, au mobilier noble, avec les habituels draps de soie sur mon lit, mes cahiers et livres jonchant sur mon bureau, la douleur semblait me regagner. Plus tôt dans la journée mes parents m'avaient accueilli faute de choix, faute d'endroit pour ma part. J'étais arrivée les yeux rouges, les paupières gonflées et mes cheveux lâchés étaient peu soignés. Je n'avais eu la force de rendre compte de la parfaite image que mes géniteurs m'avaient enseigné, comme pour souffrir davantage devant le dégoût qu'ils éprouveraient vis-à-vis de leur fille en ouvrant la porte. En fait, ils n'avaient pas ouvert la porte. J'étais entrée et ma mère rangeait au premier étage sa penderie déjà parfaitement organisée, et mon père lui, était enfermé dans son bureau. J'avais rapidement rejoint ma chambre, tout comme Draco me l'avait fait remarquer il y a quelques semaines lorsque je m'étais rendu au Manoir, dans un endroit où je me sentais mal, ce lieu semblait tout de même le plus envisageable. Même ici tout me ramenait à lui. Dans chacun de mes actes j'avais l'impression d'y voir son propre reflet, on se ressemblait tant, et même en regardant la pièce je voyais des similitudes dans nos lieux de vie. J'avais essayé de rendre notre relation envisageable. J'essayais d'être une bonne petite amie, mais je n'étais pas sa petite amie, et selon ses mots je ne semblais pouvoir l'être un jour. Dans une toute autre réalité je n'étais pas la parfaite petite amie, j'avais peur, j'étais terrifiée à l'idée d'aimer, même s' il s'agissait d'aimer quelqu'un d'aussi torturée que moi. J'avais essayé, à l'approche de ses mains, de nos corps, j'avais voulu l'aimer comme quiconque aurait aimé. Mais il avait vu mon collier vide de sa bague et tout avait commencé, ou recommencé, les disputes, c'était nous. La tendresse, l'amour, c'était si facile à désirer, si compliqué à envisager. Je lui en voulais de ne pas chercher à savoir, ne même pas essayer de me comprendre. Loin de lui ces derniers jours, je m'étais rendu compte de cette peine. Il est rare de trouver quelqu'un avec les mêmes douleurs que soi, j'avais trouvé ce quelqu'un cette année. Cela fut plaisant un temps, d'avoir des blessures communes, des pensées identiques, j'avais essayé de l'aider du mieux que je pouvais. Jusqu'à adopter ses propres peines, jusqu'à les accompagner des miennes. Mais il n'en avait jamais fait autant pour moi. Il m'avait laissé l'aider, l'écouter, adopter ses peines, sans se pencher sur mes propres douleurs. Il n'essayait pas de comprendre. Et je lui en voulais terriblement aujourd'hui. Je me sentais humiliée et triste, pour le temps et l'énergie que je lui avais accordé pour avoir ce retour. Comment pouvait-il être aussi ignorant tout en possédant lui-même des douleurs similaires ? Dos à ma porte de chambre, les larmes ruisselant sur mes joues et mes cheveux ébouriffés, c'est à ça que je pensais. Mais il n'était pas plus facile de lui en vouloir que de l'aimer. J'avais fini par m'avancer vers l'unique fenêtre de ma chambre, assez petite et j'y avais passé une grande partie du reste de mon après-midi. Longtemps cela avait été mon habitude, j'avais aimé, et je suppose que c'est toujours le cas, être ici plutôt que sur mon lit. Je pouvais y voir chacune des entailles sur le bois qui entourait ma fenêtre. La règle étant la suivante, j'avais fait une entaille à chaque fois que je doutais de l'importance de ma présence sur terre, la plupart du temps celles-ci voyaient le jour dû à mes parents. Très tôt, j'avais su que j'étais une sorcière, qui plus est, de Sang Pur. Entourée que de sorciers, tous issus de rangs très anciens, c'est ainsi que je m'étais construite. Pour autant, je ne m'étais jamais senti à ma place, durant les premières années de ma vie, j'étais jugée faible, introvertie, j'essayais de faire le bien pour me faire remarquer. Ces actes avaient causé le début de ma perte, du moins c'est ce que j'aimais penser. Avec le recul je pense que j'étais déjà vouée à l'échec qu'importe le chemin emprunté. J'avais fini par apprendre que mes parents, mon père surtout, désirait un garçon. Et ma mère avait mis des années à tomber enceinte, d'une fille. Une fille qui aimait faire le bien. C'est difficile à concevoir lorsqu'on voit le personnage que je suis devenu, lorsqu'on voit la réputation qui me colle à la peau. Mais à chaque fois que j'étais douce, aimable j'en devenais plus détestable pour mes parents, ils avaient honte. Ils étaient partisans de regards, soupirs, de mots aussi, me rappelant tous les uns les autres, que je n'étais pas comme eux, pas assez bien, pas suffisamment digne. C'est alors que je venais m'isoler dans ma petite chambre et que j'y faisais une entaille sur le bois. J'appuyais fort sur ma lame, jusqu'à ce que mes doigts soient blancs en signe que mon sang n'y circulait plus. Puis un jour, lorsqu'il n'y avait plus un seul espace de libre sur mon rebord de fenêtre, lorsque les actes de mes géniteurs avaient engloutis l'entièreté du bois, j'ai décidé d'agir. De devenir quelqu'un d'autre. J'ai accepté de devenir comme mes parents et ce, pour recevoir enfin l'affection et la fierté désirée et pour n'avoir plus jamais à réaliser aucune entaille. Mais ce n'est pas ainsi que cela s'est produit. J'ai dès lors assisté à chacune des réunions Mangemorts. Voldemort n'était plus là depuis le meurtre de Lily et James Potter, mais certains Mangemorts, dont mes parents, continuaient de se rassembler. Ils aimaient parler de leurs idées contre les Moldus, parler de la montée des Sangs Impurs et d'essayer d'y trouver des solutions en l'absence du Seigneur des Ténèbres. Je me rappelle avoir vu Lucius plusieurs fois, Narcissa était présente plus rarement, lorsqu'elle l'était c'était en compagnie d'un jeune homme blond, ce n'est que plus tard que celui-ci occupera la majeur partie de mes pensées. Elle semblait le protéger, il ne s'approchait jamais de la table où j'étais assise, proche de mes parents et des autres Mangemorts mais il se trouvait tout de même dans la pièce. J'avais dix ans et ce n'est que l'année suivante que je suis entrée à Poudlard et que j'ai croisé davantage le blond. Mais il aura fallu attendre cette année pour que nos âmes se lient réellement. Être avec les Mangemorts, essayé de penser comme eux, d'agir comme eux, ne m'a pas aidé, cela n'a pas permis à mes parents d'être fiers. Alors lorsque la souffrance est devenue trop importante, encore plus importante qu'à l'accoutumée. Devant un refus d'amour et d'attention de mes parents et devant une lassitude des réunions Mangemorts qui me faisait sentir davantage différente. J'ai décidé de prendre la même lame, pour faire le même trait, rendre compte de la même douleur, mais sur l'une de mes hanches. De la façon la plus délicate et discrète possible. Le but n'étant aucunement d'attirer l'attention, sur le moment c'était simplement ce qui m'avait semblé le plus judicieux à faire. Je voulais délivrer mes souffrances, rendre visible chacune d'elles. Comme pour l'imager, pour moi, seulement moi, comme si mon esprit ne suffisait pas pour retenir toute cette douleur. Je n'opérais toutefois pas de la même façon, ici, sur mon corps je décidais de repasser la même entaille, inlassablement. Chaque fois que j'avais mal, que je ressentais la douleur, je repassais sur cette entaille. Jusqu'à ma première rentrée à Poudlard elle n'a pas cicatrisé, puis elle s'est rouverte périodiquement, à chaque retour chez moi. Ma première rentrée est arrivée. Après avoir entendu les éternelles paroles de mes géniteurs m'évoquant une à une mes faiblesses et mes échecs, j'ai pris la direction de ce grand château, et j'ai décidé de mélanger les deux personnes que j'étais, celle qui avait tant écouté les Mangemorts jusqu'à s'y perdre et celle qui n'avait jamais voulu les écouter mais n'avais eu le courage d'aller à leur encontre. J'ai pris au pied de la lettre les paroles de mes parents et j'ai décidé d'en faire une force. Je suis devenue froide, implacable, intouchable, je ne m'intéressais à personne, je ne voulais parler à personne, j'aimais être crainte, détestée. C'est le sentiment que je connaissais le mieux, il était devenu agréable, routinier, réconfortant. Je l'ai rencontré et j'ai vite fait le rapprochement avec le jeune garçon blond que j'apercevais parfois lors des réunions, J'ai compris qu'il opérait de la même façon que moi, froid, implacable, intouchable. Mais il a fallu six ans pour que Draco et moi nous intéressions l'un à l'autre. Cette année, nous avons tout simplement fait le choix de continuer de survivre ensemble, faute de pouvoir vivre mieux. Je pense que tous deux nous avons regretté ce choix. Peut-être lui plus tôt que moi. Mais j'ai aimé souffrir avec lui parce que la souffrance devenait presque agréable, parce que la souffrance permettait de nous lier.Il y a plusieurs semaines, lorsque nous nous sommes rapprochés de la façon la plus intime possible, il a vu ma petite cicatrice à la hanche. Tout comme il le faisait avec la violette que j'avais sur mon autre hanche, il l'a tracé plusieurs fois sous ses longs doigts pâles. Mais il n'a pas posé de questions, j'appréciais le fait qu'il ne se montre jamais indiscret mais j'aurais tant aimé pouvoir lui parler. Il n'a cependant jamais demandé par souci de respect ou par désintérêt. Pourtant nous avions vécu, et nous vivions tant d'actes similaires de nos parents. Nous aurions eu tant à nous dire, j'aurais eu tant à lui dire. Lorsque j'ai pris conscience du rythme de mes pensées et des fourmis qui étaient présentes dans mes pieds dû aux nombreuses minutes qui venaient de s'écouler, heures peut-être. Je me suis rendue compte de la douleur, j'avais mal, et ce, dans tous les sens du terme. Je me suis relevé pour me pencher au niveau de ma fenêtre et j'ai tracé de mes doigts chacune des entailles que j'avais faites des années plus tôt. Et dans un mouvement spontané je me suis avancée en direction de mon lit, là où se situait une planche de parquet qui dissimulait quelques-uns de mes objets chers. Comme à Poudlard, j'aimais garder au plus près de moi ce à quoi je tenais. J'ai alors retrouvé la petite lame qui m'avait servi pour la dernière fois durant l'été. La dernière fois que j'avais été présente dans cette maison. Je me suis redressée à nouveau pour m'asseoir cette fois sur mon lit. J'ai relevé ma jupe et ai descendu mon collant dans un mouvement rapide comme pour agir plus vite que mes pensées. J'ai aperçu ma petite cicatrice, elle était bleutée, presque imperceptible, suffisamment cicatrisée. Puis après une respiration saccadée j'ai tracé une petite ligne, droite, fine, là où auparavant j'avais déjà tant effectué ce mouvement. J'ai pris le temps de regarder les gouttes de sang couler, une à une. Cette année Draco était devenu ma façon d'imager ma peine, il était ce petit trait fin, parfait, presque imperceptible. Il était l'image de mes souffrances. J'aurais aimé ne plus avoir à utiliser cette lame, j'aurais aimé que cette année ce soit différent, mais aujourd'hui il n'était pas là, m'empêchant de visualiser mes tourments intérieurs.
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Inlassablement
FanficHadès s'apprête à entrer en sixième année à l'école de sorcellerie Poudlard et depuis que la salle des Prophéties a été vandalisée, il y a de cela quelques mois, une ambiance étrange règne sur le monde des sorciers. Très tôt dans l'année scolaire, s...