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On rentra à la maison une heure plus tard. Dani trouva un tablier dans un placard et le ceignit autour de sa taille. Elle ralluma la stéréo. Pendant qu'elle cuisinait, je me changeai pour un T-shirt et un jogging. Mon MacBook dépassait de mon sac de voyage. Après une hésitation, je le pris.

Une délicieuse odeur d'ail et d'herbes flottait dans toute la maison.

─ Hmm, ce que ça sent bon, dis-je en entrant dans la cuisine.

Je m'approchai de Dani et l'embrassai sur la joue.

─ Hmm, TU sens bon, dit-elle, et elle me fit un clin d'œil.

J'adorais qu'elle se montre si désinvolte et taquine.

─ Allumeuse, lui dis-je affectueusement. Tu nous prépares quoi ?

─ Un poulet au parmesan. Et des fettuccine. Et une petite salade de romaine sauce au bleu.

─ Ca a l'air délicieux, dis.

Je trouvais le fait que Dani se débrouille en cuisine très attirant. C'était bien agréable.

─ Je peux t'aider ? demandai-je.

J'effleurai ses cheveux de mon nez : abricot. Enivrant. Je l'embrassai dans le cou.

─ Oui. Tu veux bien mettre un peu d'huile d'olive sur ces morceaux de pain ? Je vais les passer au grill et faire du pao de alho.

─ D'accord. C'est dans mes cordes.

─ C'est vrai que tu es aussi doué en cuisine que Paol... elle est incapable de se faire un œuf dur !

Je fis les gros yeux à Dani tandis qu'elle se marrait.

─ Si t'es méchante, je te laisse te débrouiller toute seule, Maité ! En plus, c'est pas vrai, je me débrouille pas mal.

Dani me tira la langue.

Je tartinai les demi-baguettes, puis je m'assis à la petite table de la cuisine et allumai le MacBook. Dani avait disposé des crudités et des chips sur un plateau. J'attrapai une chips et l'engloutit.

─ Tu veux du coca, Querido ?

─ Hmm... il reste du thé glacé ?

─ Oui, j'en ai refait ce matin.

Dani m'en versa un verre et me le tendit.

─ Merci, dis-je, et j'en bus une grosse lampée.

Il était agréablement frais, peu sucré.

Je la regardai ouvrir le four et en sortir le poulet grésillant. J'avais envie de consulter mes mails, mais je savais ce que j'y trouverais ; des messages agressifs de ma mère me demandant où j'étais passé au juste et me rappelant quelle amère déception je faisais. Subitement, j'étais devenu le mouton noir de la famille.
Maman, naturellement, avait très mal pris l'annonce de ma rupture avec Chloé. D'autant qu'après ça, de son point de vue, j'avais tout simplement disparu dans la nature. Je l'avais appelée une unique fois de Tokyo, pour lui dire que j'allais bien.

Elle, folle furieuse :

─ Je m'en moque ! Je ne vais pas bien, moi ! Rentre à la maison ! Nous devons parler. Les Lurier sont prêts à te pardonner si tu rentres immédiatement, Alessio. On peut encore arranger ça.

Sa voix s'était faite suppliante, ce qui m'avait remué. J'aimais ma mère. C'était ma mère. Je ne voulais pas la décevoir, ou la blesser... en fait, pas plus que Chloé.

Sauf que c'était le cas.

─ Je t'en prie, mon chéri, mon fils. Rentre, mon cœur. Je peux essayer de comprendre. Un mariage, c'est une pression immense, et je pense que je t'en ai demandé trop, sans doute. On ira plus lentement. Les Lurier sont d'accord. Je t'en prie, chéri...

Elle me suppliait.

─ Je ne vais pas rentrer avant un moment, avais-je murmuré. Je suis désolé.

─ Tu vas retrouver cette fille ? avait-elle hurlé. Ne t'avise pas de...

─ Au revoir, Maman.

J'avais raccroché et retiré la puce française de mon iPhone.

Je me retrouvais dans une sacrée panade. Plus de fiancée. Plus de boulot, puisque j'avais démissionné du mien pour accepter un contrat lié aux Lurier. Une mère furax sur le dos, un père dépassé. C'était la débandade. Mais pour autant, je me sentais serein, parce qu'à présent, j'étais libre, libre de penser sans culpabilité à Dani, libre de l'aimer comme je le voulais, sans en souffrir.

Je ne l'avais pas contactée. Pas un SMS ni un appel. Rien. Mais je pensais à elle sans cesse. J'avais ce projet fou. J'en avais parlé à Tomas, bien sûr.

Le soir où j'avais sonné chez lui, il m'avait ouvert la porte en souriant.

─ Aaah, voilà le fugitif recherché par tout le bon Paris, m'avait-il lancé, amical.

J'étais entré sans un sourire, tête basse, pas fier.

─ Je ne vais pas rester longtemps, l'avais-je averti.

─ Allez, tire, fiston, je t'écoute.

─ Je veux me marier avec Dani. Je suis venu te demander ton accord.

Tomas m'avait tapoté l'épaule, l'œil brillant.

─ J'apprécie ton respect. Ca ne me surprend pas de toi. Tu es bien sûr de toi ?

─ Je n'ai jamais été aussi sûr de quelque chose de toute ma vie.

─ Et la petite Lurier ? Ca va faire un sacré grabuge, si tu épouses Dani.

─ Il n'y a personne au dessus de Dani à mes yeux. Je vais assumer.

─ Hm. Ton job ? Tu l'as perdu, du coup ?

─ Oui, j'ai démissionné, forcément, mais ne t'inquiète pas, j'en trouverai un autre. Je n'irai pas lui demander sa main avant. Je te promets de prendre soin d'elle.

─ Pourquoi ma fille ?

─ Tu sais ce qu'elle représente pour moi... Tomas. Je... je peux vivre sans elle, mais... ce serait... une existence en noir et blanc. Tu sais ce que je veux dire.

Tomas avait soupiré. Puis il m'avait souri.

─ La réponse est oui, bien sûr. Je te la donne, ma fille, si elle est d'accord.

─ Tu penses qu'elle dira non ? Encore ?!

J'étais très stressé, anxieux. Je passai nerveusement la main dans mes cheveux. Quand j'étais seul, ça me semblait le projet le plus beau du monde, et à d'autres moments, une idée saugrenue et désespérée.

─ Elle te dira oui, y'a pas de doute. Elle t'aime depuis toujours. Je pense même qu'elle n'attend que ça.

Ca m'avait un peu apaisé.

─ Tu as la bague ?

─ Oui, avouai-je, sortant le boîtier noir de la poche de ma veste en jean.

Il avait éclaté de rire.

─ Ha ! Tu savais bien que je dirais oui.

J'haussai les épaules avec un mince sourire.

─ Fais voir.

Je lui avais donné. Il avait soulevé le couvercle et hoché la tête avec approbation, en admirant la pierre. J'avais su dès que je l'avais vue, que celle-ci était la bonne. Un diamant carré, tout simple et élégant, d'un raffinement discret. Rien de trop tape-à-l'œil, mais une belle pierre quand même.

─ L'intérieur est gravé, on dirait ? Ca dit quoi ?

Eternité, avais-je murmuré.

Il m'avait rendu le boîtier et m'avait embrassé sur les deux joues.

─ Tu pars, là ?

─ Je vais au Japon quelques temps... je dois voir mon ami Tash.

─ Et Rio ?

─ Quand je serai prêt. J'ai la trouille.

Il m'avait tapoté l'épaule.

─ Allez, mon garçon. Je serai ravi que tu deviennes mon fils, comme tu t'en doutes. Bonne chance. Elle m'appellera quand elle aura dit oui, et je viendrai assister au mariage.

─ Merci, Thomas.

─ Goûte, s'il te plaît Querido, dit Dani, me tendant une cuiller de sauce.

Je m'exécutai.

─ Ca manque un peu de sel, sinon c'est très bon.

Je l'attirai dans mes bras.

─ On mange bientôt ? m'enquis-je, frottant le bout de mon nez contre le sien.

Je lui embrassai le coin de la bouche, puis l'autre.

─ Dans vingt minutes, je dirais. Ca va ?

Sa voix était un peu inquiète.

─ Oui, dis-je, enroulant une mèche de ses cheveux autour de mon doigt.

─ T'as l'air un peu... je ne sais pas.

─ J'ai juste besoin de toi pour un petit câlin.

Elle posa sa cuiller dans la casserole et m'étreignit fort. Je lui rendis la pareille, mains pressées autour de sa taille. Mon nez niché dans son décolleté, je soupirai d'aise en inspirant le parfum de sa peau. Elle m'embrassa sur les cheveux, avant de relever mon visage vers elle.

─ Eu amo-te, dit-elle dans un souffle tendre.

─ J'en ai de la chance. Tu resteras avec moi pour toujours ?

─ Ce n'est pas ce que j'ai promis devant Lula ?

Je glissai les mains sur ses fesses et l'attirai plus près.

Son ventre plat me narguait.

─ Tu es tellement sexy, murmurai-je en embrassant son nombril.

Elle pouffa. Elle glissa les doigts dans mes cheveux.

─ Tu piques. Tu compte te raser quand ?

─ Demain, si tu veux.

Je frottai ma joue contre sa peau satinée, et elle rit de plus belle.

A cet instant, un son crépitant s'éleva de la cuisinière. Dani bondit de mes bras :

─ Ma sauce !!

Je ris à mon tour.

─ Elle est foutue ?

─ Non, mais si tu continues à me déconcentrer, ce sera le cas. Je pense que tu ferais mieux de partir.

─ Tu ne vas quand même pas m'en vouloir ?! Pas ma faute si je ne peux pas garder les mains dans mes poches en ta présence...

─ Dégage, dit-elle moins poliment, et elle agita la cuiller pleine de sauce dans ma direction.

─ Snif.

Je pris le paquet de cigarettes et sortis sur la véranda, l'ordi sous le bras.

Un seul coup d'œil à Instagram me donna envie de tout éteindre. J'avais une quantité appréciable de messages de diverses personnes, toutes se demandant où j'étais passé au juste. Je répondis la même chose à chacun : " Je vais bien, je rentre bientôt ". J'étais touché de voir que mes amis se souciaient de mon sort, mais je ne me sentais pas prêt à sortir de la bulle où je me trouvais avec Dani.

Je n'avais pas envie de partager ma joie et encore moins d'ouvrir la porte à la culpabilité qui me rongeait toujours vis à vis de Chloé, de ma mère, ou même des Lurier.

J'avais le droit d'être heureux, non ??

Dani me rejoignit un peu plus tard alors que je terminais de vérifier mes e-mails. Je ne me privai pas de la mater sans vergogne alors qu'elle tournait autour de moi pour mettre la table.

─ Je te préviens, tu vas y passer.

─ C'est une menace ? Ca sonne plutôt comme une bonne chose, se moqua-t-elle.

Ah, ma petite femme insatiable, toujours si demandeuse. Plus que moi, d'ailleurs. Je trouvais ça... mignon.

Dani se colla à moi et attrapa le briquet que j'avais dans la poche de mon short pour allumer les bougies posées sur la table.

Amusé, j'ouvris une bouteille de vin blanc et remplis nos deux verres.

─ Félicitations pour ton mariage et pour ton nouveau job, Dani.

─ Merci, Querido.

─ Dani...

─ Mmh ?

─ Tu es... heureuse ?

Elle me considéra avec une immense tendresse, me prit la main et l'embrassa.

─ Très, très heureuse, meu amor. N'en doute pas. J'ai jamais été aussi heureuse.

Alors tout allait bien, tout valait la peine.

C'est ce que j'avais dit à Tash.

En sortant du métro cette après-midi là, j'avais vu qu'il pleuvait très fort. Le ciel était d'un gris maussade, et les passants avaient presque tous dégainé leur parapluie.

J'avais remonté la capuche de mon blouson sur mes cheveux et manqué faire tomber mon iPhone de ma poche dans la manœuvre, droit sur le trottoir détrempé. Je l'avais rattrapé in extremis.

Oui, j'étais vaguement nerveux. Aller voir Tash revenait à peu de chose près à faire ma propre introspection. A regarder dans mon âme. A me juger moi-même.

J'admirais Tash, qui ne semblait jamais rien avoir à se reprocher. Je voulais lui ressembler.

Je ne voulais pas me préoccuper de son avis mais j'étais là à Tokyo depuis près d'un mois, et il n'en savait rien. Je lui rendais visite à l'improviste. J'avais pris ma décision et je ne voulais pas qu'il essaie de m'en dissuader.

Je voulais juste... je ne sais pas ce que je voulais.

Son approbation ? Sa bénédiction ?

Pas du tout.

Juste... son avis, en fait.

Je n'avais parlé à aucun de mes amis. Ni Paul. Ni Antoine. Encore moins Jules.

Mais Tash...

Au début, enfermé dans cette chambre d'hôtel à manger des nouilles instantanées et boire du café de distributeur, j'avais pensé que je pouvais me passer d'aller le voir. Ca avait duré un moment. Je ne dormais pas beaucoup. Trop de café. Trop de bédos.

Je n'arrêtais pas de dessiner le visage de Dani, qu'il soit 4heures du matin ou 16 heures dans l'après-midi. Dani souriant. Dani le regard triste, comme quand elle avait appris pour Nana. Dani songeuse. Et ma version préférée : Dani riant aux éclats. Dani était partout, dans ma tête, dans mon cœur, sur mes dessins.

Et c'était bien comme ça.

Elle m'avait tant manqué, Dani.

Je pensais à Chloé, aussi, évidemment. Je me sentais toujours coupable de toutes les conneries que j'avais pu faire cet été. De l'avoir blessée. J'espérais sincèrement qu'elle allait bien. Je me doutais que ce n'était pas évident. Je l'avais laissée à la veille du mariage, pratiquement... mais c'était la seule chose à faire.

Je n'y croyais plus, à ce mariage.

Quelle mauvaise idée...

Pas au début, bien sûr. Quoique.

Question à cent mille euros : est-ce que j'avais demandé Chloé en mariage parce que Dani m'avait dit non ?

Je ne savais pas. C'était deux évènements distincts... pourtant, ils me semblaient liés, malgré tout. Un mariage reste un mariage.

─ Chloé, soufflai-je en me prenant la tête entre les mains. Je suis désolé, ma petite fée.

Me pardonnerait-elle un jour ? Je ne pensais pas. On ne pouvait pas tout avoir. Le beurre, l'argent du beurre, etc. J'avais envie de lui écrire. Je savais qu'elle s'inquiétait, même si on s'était dit au revoir, ou plutôt, je lui avais dit au revoir et elle m'avait dit d'aller me faire foutre. Mais je ne touchais pas à mon portable. Ni aux réseaux sociaux, ni rien. Je voulais être seul. Et je l'étais enfin.

Et je déprimais sévère.

La Lune de Miel (HB tome 4)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant