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La lune était masquée par de gros nuages. J'humai l'air chargé de pluie. Alessio me sourit. Je me délectai de son sourire. C'était le premier qu'il m'offrait ce jour-là, ce soir-là... le dernier avant combien de temps ?

─ Dépose-moi chez mon père, dis-je à Alessio, inexpressive.

Son sourire se figea.

─ Quoi ? Mais tu as dit...

─ Je n'ai rien dit. Dépose-moi chez mon père, s'il te plaît. Il est tard.

Alessio me considéra longuement. J'attendis patiemment. Sans un mot, il me tendit mon casque. Je l'attachai en silence, moi aussi.

On rentra dans un silence de mort, c'est le cas de le dire. Alessio se gara à sa place habituelle, j'ouvris avec mes clefs.

Papa n'était pas là. Rien d'étonnant la nuit du réveillon, il était parti faire la fête quelque part. La maison était telle que je l'avais quittée une semaine plus tôt, un peu en désordre, chaleureuse et accueillante.

J'aurais tellement voulu rentrer chez moi ! Chez moi, pas chez mon père.

Je me dirigeai vers la chambre. Alessio me suivit jusqu'à l'étage. Je ne dis rien, mais une fois devant la porte, je lui fis face, les bras croisés. Il me dévisagea. Je pris une inspiration, soutenant son regard.

─ Va t'en, Alessio.

Il me supplia de ses yeux bleus, l'air éploré.

─ Non, Dani. Je reste avec toi. Si tu veux rester ici... très bien, moi aussi. On l'a déjà fait...

─ Tu t'en vas. Je n'ai pas envie de toi près de moi, pas après ce que tu as fait.

─ S'il te plaît, Dani. Je t'aime. Tu es tout pour moi. Dani, je t'en prie, ne me renvoie pas. Pas ce soir.

Il était si triste. Il s'en voulait. J'allais craquer. Non. Non, je n'allais pas craquer. Je devais penser au bébé. Au bébé, et à moi, et à Alessio qui devait comprendre ce que j'attendais de lui. J'avais mis du temps à être prête pour nous deux, mais je l'étais, et je ne plaisantais pas.

─ Si tu le prends comme ça, c'est moi qui rentre à l'appartement. Tu n'as qu'à rester ici... Papa sera ravi.

─ Mais putain, arrête ! protesta Alessio, et il me saisit fermement par le menton, plongeant son regard dans le mien. Je le sais bien que tu m'aimes. Tu m'aimes, alors...

Je me dégageai et lui jetai un regard noir.

─ Je t'aime, alors quoi ? Tu crois que je t'aime plus que moi-même ? Tu crois que tout est permis ? Il est hors de question qu'on fasse comme si de rien n'était après tout ça. Je ne passerai pas l'éponge juste parce que ta petite amie a essayé de se tuer. C'est son problème, pas le mien. Tu m'as menti pour la voir. Tu l'as laissée t'embrasser.

─ Déjà, ce n'est pas ma petite amie, s'agaça Alessio. Ensuite, bien sûr que non, j'ai jamais été d'accord pour ça... je m'en fous de ses baisers !

─ Peut-être mais pas moi ! Elle t'a tellement lavé le cerveau que tu ne te rends même pas compte d'à quel point c'est grave ! Tu rentres à l'appartement et ça te remettra les idées en place, je l'espère.

Alessio baissa les yeux.

─ Chloé souffre. Je ne voulais pas la blesser encore plus, c'est tout.

─ Alors, tu as pris le risque de me blesser, moi, de me faire souffrir, moi. Tu comprends ?

Alessio posa son front contre le mien.

─ Mon amour. Je regrette, évidemment. Laisse-moi dormir avec toi cette nuit. S'il te plaît. J'ai besoin de toi.

Les feux ardents de son regard me consumaient. Alessio tendit la main et doucement, très doucement, dessina les contours de ma bouche avec son pouce.

J'eus le souffle coupé par l'explosion de désir en moi, par l'envie brutale et intense d'enrouler mes jambes autour de sa taille.

Alessio savait tout comme moi ce qui arriverait à coup sûr s'il restait. On parlerait, un peu. On ferait l'amour, beaucoup, comme à notre habitude ; ma colère s'émousserait et je ne pouvais pas lui pardonner comme ça. Pas après tout ça.

Pas en portant son enfant.

Je baissai les yeux sur mes escarpins.

─ Dani ?

─ Je préfère être seule, répondis-je.

─ Dis-moi ça en face.

Je plantai mon regard dans le sien.

─ Franchement, an a tous les deux besoin de réfléchir à ce qui s'est passé, et sûrement pas dans le même lit.

Alessio détourna le regard.

─ Donc, tu me laisses tomber ?

─ Non, Alessio, je ne te laisse pas tomber.

─ Si, tu me laisses tomber. Tu penses à moi, aussi ? J'ai fait tout ça pour toi, putain. Pour toi. Je fais TOUT pour toi.

Il y avait un éclat de colère dans sa voix. Il m'en voulait.

─ Et pour ta gouverne, Daniela Clément, personne n'est parfait. Ca ne veut pas dire que je ne suis pas à la hauteur. Je peux m'améliorer.

« Peut-être, songeai-je, mais je n'ai pas seulement besoin que tu sois mon mari...

J'ai également besoin que tu sois le père de notre enfant ».

─ Joyeux anniversaire, Alessio, dis-je tout doucement.

Sur quoi j'entrai dans la chambre et refermai doucement la porte derrière moi. Je m'y adossai en me mordant la lèvre très fort, jusqu'à sentir le goût métallique du sang dans ma bouche.

Après un moment, j'entendis les pas d'Alessio descendre les escaliers, puis la porte d'entrée claquer, en bas.

La moto rugit dans la nuit, s'éloignant de la maison, s'éloignant de moi.

Je me laissai glisser contre la porte et, doucement, posai la main sur mon ventre.

Ca, pour être finie... elle était finie, la Lune de Miel.



« La Lune de Miel »

Achevé de rédiger par Kaziski le 3 février 2023

A suivre dans « La note de cœur » (L'heure bleue tome V)

La Lune de Miel (HB tome 4)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant