A mon retour, la maison est plongée dans un silence morbide et oppressant. Je tente d'appeler mes colocataires, et la voix d'Enzo me parvient alors au loin, en provenance de l'étage.
J'ai sournoisement dérobé une bouteille d'alcool lorsque j'étais dans l'appartement de Blake. Mes doigts sont enroulés autour, et je m'y raccroche comme si elle pouvait me donner du courage, alors que mes pas me portent jusqu'à la chambre de Luke dont la porte est entrebâillée..
Enzo est confortablement installé dans un fauteuil, une cigarette aux lèvres, près du corps endormi de Luke. Des machines sont reliées à lui, ainsi qu'une perfusion.
Un soupir de soulagement s'échappe de mes lèvres en m'approchant du lit.
- Marc a tenu parole, comme tu peux le voir. Marmonne mon ami en recrachant sa fumée.
Je hoche faiblement la tête, et caresse avec douceur la joue du blond. Son teint est pâle, presque translucide, et je ne peux m'empêcher de trembler à la vue des nombreux bandages qui recouvrent son corps meurtri. J'aimerais pouvoir lui transmettre mon énergie, ma force, alors que je suis impuissante face à son état.
- Où étais-tu ? M'interroge Enzo, intrigué.
- Partie prendre l'air. C'est toujours mieux que réaliser mes envies de meurtre.
Un sourire moqueur se dessine sur son visage, et il secoue la tête.
- Est-ce qu'il s'est réveillé ? Demandais-je en croisant son regard.
- Non. Mais le médecin dit que son état est stable. Pour le moment.
Une vague de frissons me parcours et je confesse :
- Je regrette de l'avoir laissé seul. On aurait jamais dû sortir sans lui.
- Comment aurais-tu pu savoir ? Souffle mon ami en me dévisageant, l'air impassible.
- Je ne sais pas. Mais je le saurai pour la prochaine fois.
- Chaque sortie à l'extérieur est un risque. On en est conscients. Mais on ne va pas non plus cesser de vivre à cause de ça.
- Hum... Marmonnais-je. J'ai essayé d'appeler Aaron...
- Ouais ? Fait-il, alors que sa voix détonne un manque d'intérêt total.
Les larmes me montent de nouveau aux yeux, mais je les chasse en un battement de cils. Je ne veux pas de sa pitié, ni qu'il me réconforte.
- Ecoute, je sais que... J'ai été un peu dur tout à l'heure. Mais c'était pour ton bien, je voulais seulement t'ouvrir les yeux. Explique-t-il, la voix entrecoupée mais sincère.
- Ce n'est rien. Réponds-je, le regard dans le vague. Peut-être que tu as raison après tout. S'il ressentait vraiment quelque chose pour moi, je doute qu'il m'aurait laissée me morfondre en le pensant mort.
Il n'ose pas me répondre, mais je peux sentir que mes mots l'atteignent.
- Le plus important à l'heure actuelle, c'est Luke. C'est mon unique priorité. Marmonnais-je, alors que je sais pertinemment que je me mens à moi-même.
Je préfère taire le passage où j'ai fait un saut au bâtiment de l'équipe 6, découvrant que Blake y vivait, caché du monde, ainsi que ma conversation téléphonique avec John.
Mieux vaut que je garde certains éléments pour moi pour le moment.
Enzo soupire, et me tend la main :
- Envoie la bouteille, je pense qu'on a largement mérité une petite pause.
Un léger sourire se dessine sur mes lèvres, et je m'exécute.
Son regard plongé dans le mien, il porte la bouteille à ses lèvres, et je me surprends à l'observer silencieusement.
Il a dans les yeux une étincelle que je n'ai encore jamais vu auparavant, une intensité troublante et fascinante. Alors qu'il avale lentement, je ne peux détacher mon regard de son mouvement, mon attention calquée sur chaque montée et descente de sa pomme d'Adam.
Mon pouls s'accélère, une chaleur étrange s'empare de moi, et je détourne finalement le regard, sentant le rouge me monter aux joues.
- Je t'intimide, chérie ? Souffle-t-il d'une voix rauque en me tendant la bouteille.
- Absolument pas.
- Mais tu m'aimes bien.
- Peut-être qu'il n'est pas impossible que tu sois moins idiot que ce que je ne le pensais. Réponds-je en attrapant la bouteille pour en avaler quelques gorgées d'une traite.
Mon ironie n'est qu'un moyen de défense, et je sais qu'il en est parfaitement conscient. Nous avons une relation assez particulière, lui et moi. Tumultueuse. Imprévisible.
Je me remémore sa main autour de ma gorge, et l'arme que j'ai pointée sur lui. Nos disputes. Puis cette nuit à l'O-zone où sa main s'est posée sur ma joue, son contact chaud et rassurant.
Il a beau s'être comporté comme un abruti avec moi, dès le départ, j'ai l'impression qu'il exerce un étrange pouvoir d'attraction sur moi.Une part de moi aimerait explorer cette connexion, mais une autre m'en empêche, parfaitement consciente des sentiments que j'éprouve pour Aaron.
Je me racle la gorge en posant la bouteille sur la table de nuit.
- Je devrais aller au siège. Clay a demandé ma présence. Bafouillais-je en glissant une mèche rebelle derrière mon oreille.
Un sourire en coin naît sur son visage, alors que ses yeux brillent d'amusement.
- Belle excuse. Mais vas-y, je reste ici, au cas où Luke se réveillerait.
Belle excuse. Humf.
- Bien... A plus tard alors. Soufflais-je en me levant du lit pour rejoindre la porte.
- Au fait, Amber ?
- Oui ? Demandais-je, hésitante, sans pour autant me retourner.
- Sache que je sais très bien lire dans les regards. Et le tien en dit long sur ce que tu penses. Murmure-t-il d'un air entendu.
Je déglutis non sans difficulté, et quitte la chambre à toute hâte.
Non, il ne peut pas lire dans mon regard. Car moi même j'ignore ce que je veux. Je ne sais plus où j'en suis. Et la situation actuelle ne m'aide absolument pas.
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Yours (Tome 2)
Romance"Une semaine s'était écoulée depuis la dernière attaque menée contre Henrick. Une semaine qu'Aaron demeurait introuvable. Une semaine qu'Amber n'était plus que l'ombre d'elle même. Si elle avait un jour été une jeune femme innocente et naïve, il n'e...