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Clay et Marc m'attendent dans le bureau du siège, confortablement installés dans leurs fauteuils. À peine ai-je franchi le seuil que l'air se fait plus lourd, comme si les murs se refermaient sur moi. Cet endroit, censé être mon fief, me met mal à l'aise. Je n'ai jamais réussi à m'approprier ce bureau, même si ma position m'y oblige.

L'incompréhension et la surprise se lisent sur les visages des deux hommes lorsqu'ils aperçoivent Aaron derrière moi. Mon géniteur pince les lèvres, les yeux plissés de méfiance. Il se demande sans doute ce que manigance le mercenaire à mes côtés après sa trahison évidente. Mais, contre toute attente, il ne remet pas en question mon autorité et se contente de nous inviter à prendre place d'un geste de la main.

Clay adresse un bref signe de tête à Aaron en guise de salut, puis me tend un dossier épais.

- Damien a signalé un nouveau mouvement à l'Est de la ville. Des hommes se sont rassemblés, et les autorités sont déjà sur l'affaire. Annonce Clay, le ton grave.

Je feuillette rapidement le rapport, évaluant le nombre d'hommes dans le camp ennemi. Mon estomac se noue à chaque page.

- Notre fournisseur d'armes a disparu. Continue Marc en se servant un verre de whisky. Plus de nouvelles depuis quelques jours. Nous avons envoyé des hommes chez lui avant l'attaque de la résidence... La maison est saccagée, et sa femme et sa fille sont introuvables.

Mon cœur se serre à l'idée de cette fillette prise dans cette guerre.

Comment ces hommes peuvent-ils être si dénués de conscience ? Aaron, à côté de moi, se tend visiblement, sans doute pensant à la même chose que moi. Il ne dit rien, mais je ressens sa colère.

- Que s'est-il passé, selon vous ? Demandé-je, le dossier désormais fermé devant moi.

- La Renaissance a probablement voulu conclure un pacte avec notre fournisseur, mais il a refusé. Soupire Clay, attrapant un verre à son tour. Cet homme est loyal, il déteste les Blake. Tout se passait bien depuis que je gérais les commandes pour toi. Ajoute Marc en se grattant distraitement le cou.

- Et s'ils cherchaient simplement à nous priver de nos ressources ? Si c'était leur moyen de nous affaiblir ? Rétorqué-je, tapotant nerveusement l'accoudoir du fauteuil.

Clay et Marc échangent un regard inquiet. Mon hypothèse tient la route, et ils le savent. Aaron, toujours silencieux, me transperce du regard, mais je refuse de le regarder. Je dois rester concentrée.

- Ils nous affaiblissent, un homme après l'autre. J'ajoute. S'ils nous coupent de nos armes, ils auront une nouvelle emprise sur nous, encore une fois.

Aaron se penche légèrement en avant, sa voix glaciale résonne dans la pièce :

- Ils vous prendront par surprise. Encore et encore. Jusqu'à ce qu'il ne reste rien de l'Organisation, que des cendres.

Un frisson me parcourt l'échine. Comme si nous n'avions pas déjà assez de morts à pleurer...

- Il faut les devancer. Réponds-je, presque dans un souffle. On ne peut plus attendre qu'ils frappent.

Clay me fixe, curieux.

- Et qu'est-ce que tu proposes ?

Je veux parler, mais les mots restent bloqués dans ma gorge. La vérité ? Je n'en ai aucune idée. Ces derniers mois, les Blake, avec leurs trahisons et leurs manigances, ont bouleversé tous nos plans. Ils nous tiennent en échec. Je lance finalement un regard désespéré à Aaron.

Il secoue la tête. Non.

- Je ne fais plus partie de l'Organisation. Souffle-t-il.

- Peut-être, mais nous avons le même ennemi maintenant. Rétorqué-je plus sèchement que je ne l'aurais voulu.

Aaron hausse un sourcil, surpris par mon ton, mais ne répond pas. Il me teste.

Marc, lui, grogne en regardant ses mains abîmées.

- Aaron, tu es imprévisible. Un jour tu es avec nous, le lendemain avec eux...

- J'évolue seul. Siffle Aaron, agacé. Je protège Luke et ta fille, parce que de toute évidence, tu n'es pas capable de le faire correctement.

Marc se crispe, sa mâchoire se contracte violemment, prête à exploser. C'est exactement ce qu'Aaron veut. Il cherche à le pousser à bout, à lui faire perdre pied. La tension monte d'un cran, palpable, étouffante.

- Ça suffit. Lancé-je en me levant d'un coup. Je vais établir un plan avec Luke et Shawn. En attendant, trouvez-les. Localisez-les.

Un lourd silence s'installe, mais je vois bien qu'ils sont à bout de solutions. Ce n'est pas la justice qui pourra punir les Blake pour leurs crimes, tant la liste est longue. C'est à nous de le faire.

Entre la quête pour comprendre la mort de nos parents et les assauts incessants de la Renaissance, je me perds dans ce chaos. Je me dirige vers la porte, Aaron sur mes talons, mais soudain une idée me traverse l'esprit.

Je me retourne brusquement vers Marc. Son regard me scrute, plein d'émotions contradictoires : l'amour, la peine, la culpabilité.

Je sors une photographie froissée de la poche de mon jean et la lui montre. Ses traits se figent. Il blêmit, la surprise se peint sur son visage, et sa bouche forme un « O » muet.

- J'espère que c'était ton dernier secret. Sinon, fais-moi la liste de ce que tu continues à nous cacher. Murmuré-je, la voix dure. Tu sais ce qu'il se passera sinon.

Je vois le contrôle lui échapper, ses mains trembler légèrement. Il pensait pouvoir se racheter, mais je ne lui laisserai pas cette facilité. Depuis des années, il s'évertue à nous mentir, à dissimuler nos origines, et je suis intimement persuadée que mon frère ignore tout du tragique sort que John a réservé à notre mère, il y a de cela plus de vingt ans.

Mon géniteur baisse les yeux, et mon cœur m'intime de prendre congé. Aaron à mes côtés, je quitte la pièce à la hâte, non sans claquer la porte derrière moi.

Peu m'importent les liens du sang, je ne permettrait plus à Marc de jouer avec nos vies de la sorte. Nous ne sommes plus des enfants, et il doit en prendre conscience.

Yours (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant