Chapitre 194

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Maxi secoua désespérément la tête et balbutia : "T-Tu n'es...en r-rien comme elle. Tu ne seras... jamais malheureux. Je serai... je serai de retour avant q-que tu t'en rendes compte. Et puis... je ne partirai plus jamais. Jamais... je le jure." 

"Je suis à bout." 

Maxi se figea en regardant son visage de pierre. Seuls ses yeux noirs de charbon laissaient transparaître la douleur. 

"Tout ce temps où je t'ai désiré... j'ai eu l'impression de me tenir sur des charbons ardents. As-tu la moindre idée de ce que cela signifie ? Je devais toujours bouger. Jamais assis, jamais en pause. Toujours... toujours en fuite, à travers un feu qui pourrait ne jamais s'éteindre." 

Sa voix rauque était tendue par l'épuisement. Ce n'est qu'à ce moment-là que Maxi réalisa à quel point son visage s'était terni au cours des derniers jours. 

Riftan passa une main sur son visage hagard. 

"Je veux être libéré de cette douleur maintenant."

"Riftan... je..." 

Maxi ouvrit et ferma la bouche, ne sachant que répondre. La lumière rougeâtre qui filtrait à travers la fenêtre plongeait son visage dans une ombre sombre. 

"Si tu pars", dit Riftan, "je ne t'attendrai plus." 

Il poursuivit lorsque Maxi ne répondit pas. 

"Je ne penserai plus à toi. Cette fois, je t'effacerai de mon esprit. J'arrêterai de me rendre malheureux." 

Maxi le regarda, stupéfaite. Il lui saisit l'avant-bras et, en insistant sur chaque mot, lui dit : "Tu me quittes quand même ?". 

Elle avait perdu tout l'air de ses poumons. Ses yeux noirs contenaient un avertissement : c'était la dernière fois qu'il essayait de l'arrêter. Maxi vacilla et tenta de reculer, mais sa poigne resta comme un étau sur son bras. 

Comme un poisson hors de l'eau, Maxi resta bouche bée. Son cœur battait la chamade et sa gorge la piquait comme si elle avait avalé du verre. Ses dents claquaient tandis qu'elle répétait ses mots en boucle comme un perroquet. 

"J-Je reviendrai. Je reviendrai vers toi... quoi qu'il arrive, a-al_" 

La lumière dans les yeux de Riftan s'éteignit. Face à la noirceur qui s'en dégageait, Maxi se trouva incapable de continuer.

Riftan relâcha lentement sa main. 

"Très bien." 

Bien que ce soit elle qui ait tenté de se détacher la première, le voir retirer sa main lui donna l'impression d'être abandonnée dans la neige glacée. 

Sa voix résonna en creux dans la pièce. "Alors... va. Là où tu veux..." 

Sur ce, il se leva comme pour signifier qu'il n'y avait plus rien à discuter. Maxi resta paralysée, le visage cendré, tandis que Riftan s'approchait de la table. Elle se leva d'un bond lorsqu'il prit un nouveau verre. 

Alors qu'elle s'approchait de lui, il recula et aboya : " Ne me touche pas ! " 

Maxi sursauta, le choc se lisant dans ses yeux. Riftan lui jeta un regard noir et grogna comme une bête blessée : " Si tu me touches maintenant, je ne te laisserai jamais partir. Je te garderai à mes côtés par la force s'il le faut. Si ce n'est pas ce que tu veux..." 

Il fit un pas vers elle, et Maxi recula instinctivement. 

"...dégage d'ici tout de suite." 

Maxi ne répondit pas. 

"Ne crois pas une minute que tu t'en vas pour moi", continua Riftan. "Je n'ai jamais voulu cela. Tu pars... pour toi."

Maxi resta aussi immobile qu'un clou planté dans le cadre d'une porte. Puis, hésitante, elle se retourna sur des jambes tremblantes. Elle avait l'impression qu'un couteau lui entaillait la chair à chaque pas.

Elle regarda fixement la longue ombre qui s'étendait à partir de ses pieds. Elle voulait regarder en arrière, mais elle avait trop peur. Elle s'arrêta un instant, immobile comme une statue, avant de s'engager dans le couloir sombre.

 Alors qu'elle s'était éloignée de la salle du conseil, un fracas retentit derrière elle. Maxi tressaillit devant le vacarme assourdissant. Un frisson lui piqua le cuir chevelu et elle se demanda ce qu'elle avait bien pu faire. Était-elle devenue folle ? Comment pouvait-elle envisager de le quitter ? Elle ne pouvait pas supporter de le perdre, même si cela signifiait perdre le monde entier. 

Maxi se retourna, mais ses pieds ne bougeaient plus, comme s'ils étaient collés au sol. L'envie de se précipiter et de lui dire qu'elle ferait ce qu'il voulait la tiraillait de l'intérieur. Malgré cela, elle ne pouvait pas faire un pas. 

Des tremblements la parcoururent alors qu'elle se tenait dans le couloir, incertaine de ce qui la retenait là. Des larmes coulèrent sur ses joues. Devait-elle vraiment partir malgré la douleur ? Pourquoi devait-elle se tenir debout ? Elle ne demande qu'à se rendre. 

Luttant contre ses sanglots, elle se détourna une fois de plus. La force invisible qui l'entourait se brisait à chaque pas. Elle se sentait comme un poussin sortant d'un œuf. Tout lui paraissait sombre, et Maxi se mordit la lèvre tandis que sa poitrine se remplissait de chagrin et de peur. 

La lumière du soleil couchant transperça sa vision larmoyante. Elle se retourna pour contempler la lumière cramoisie qui se dispersait sur la vitre. Puis elle fit un pas. 

Elle avait l'impression qu'elle allait se couper en deux à cause de la douleur. 

Un autre pas... Puis un autre...

Sous le chêne  [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant