𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟒 | Pleurent, mes doigts

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Je crois que le pire état dans lequel on peut se trouver est celui de ne pas avoir conscience du danger. C'est monter sur le toit sans avoir peur de glisser, de tomber, de s'écraser le crâne contre le sol des mètres plus bas. C'est s'asseoir au bord d'une falaise sans appréhender que l'on nous pousse, que le pied dérape et que le corps s'échappe ; traverser la route sans regarder ni à gauche ni à droite, comme si les voitures allaient nous passer au-dessus, à côté, ou s'arrêter. C'est se pencher sur une barrière sans avoir la crainte qu'elle casse, qu'elle se brise sous notre poids ou marcher sans savoir où le pas suivant nous mène, qu'importe ce qui s'y trouve. C'est ne plus faire attention à son environnement par manque d'envie, par manque de capacité, par manque de vie.

J'étais de ce genre-là, à ne pas chercher à éloigner la mort. Si elle devait me prendre, alors qu'elle me prenne. Cela ne servait à rien d'attendre plus longtemps, je n'avais pas le goût d'exister par principe ou simple pitié. Si demain ma vie devait s'éteindre, alors qu'il en soit ainsi.

J'étais jeune, disparaître à mon âge ne pouvait être que tragique, presque « accidentel ». Mais rien n'est accident lorsque la Faucheuse est à l'œuvre. Elle ne nous quitte pas des yeux, surveillant nos moindres faits et gestes pour nous récupérer à la première occasion. Nous n'avons pas de seconde chance avec elle. La mort est rapide, brutale, inattendue.

Préféreriez-vous connaître la façon dont vous allez mourir, ou la date de celle-ci ?

Même si la réponse est « aucune des deux », au fond si l'opportunité de le savoir nous était donnée, on opterait pour l'une ou pour l'autre. Mais on se cache sous des mensonges pour éviter de se confronter à la vérité : celle qu'un jour, on finira tous oubliés. L'après-vie est l'unique question que l'homme n'arrivera jamais à résoudre puisqu'il faut l'expérimenter pour comprendre. Mais l'expérimenter signifie ne pas pouvoir partager.

J'étais convaincu que nous existions pour rien.

Le monde est trop vaste pour que notre histoire impacte autrui. Les personnes vivant aujourd'hui ne peuvent avoir d'influence sur celles ayant vécu avant. On respire pour l'avenir, pas pour le passé. Alors on existe pour rien, puisque nos actions du présent ne peuvent influencer le passé. Combien de noms ressortent encore à ce jour, marquant les esprits sur des décennies, voire des siècles ? Trop peu pour l'infinité de gens ayant vécu à ces moments-là.

99 % des hommes vivent pour rien.

1 % pensent pouvoir changer le cycle.

Et de ceux-là, seuls vingt centièmes nous restent en mémoire.

Je ne parle pas des événements récents, des personnalités publiques actuelles, mais bien de celles et ceux qui ont existé il y a bien des années et dont seuls les portraits perdurent.

Était-ce arrogant de ma part de laisser une trace de mon passage sur terre via mes livres ? Probablement. Il est fort à parier que tout le monde rêverait de faire de même, même si certains préfèrent rester dans l'ombre. Vivre pour mourir, ou mourir pour vivre. Dans quel sens pouvons-nous réellement tourner cette phrase ? L'un ne va pas sans l'autre, pourtant « vivre pour mourir » nous est plus familier, semble plus cohérent. On ne peut pas renaître après la mort. Il n'y a rien après, je crois. Je ne peux que croire, car impossible d'en être certain.

Évanescence | TkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant