𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟕 | Mourir pour tes larmes

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J'avais craqué.

J'avais craqué au sens premier du mot, sans aucune forme d'euphémisme ou litote possible.

J'avais craqué.

Réveillé au beau milieu de la nuit par mes lamentations, des larmes venues de l'inconscient s'étaient bloquées au coin de mes yeux. Elles n'avaient pas voulu couler. Les larmes  se noyaient dans l'océan, invisibles.

Le corps emprisonné sous les draps, il s'en était échappé avant que je ne comprenne qu'une crise m'étouffait. Incapable de respirer. Incapable de penser. Incapable de hurler. Incapable de vivre. Mes mains gelées s'étaient agrippées au lavabo de ma salle de bains, mon visage penché pour l'asperger d'eau. J'avais récupéré à l'aveugle mes comprimés, avalés en une maigre poignée de secondes. Les effets arrivèrent rapidement, et le noir m'accueillit les bras ouverts.

Dix-sept heures. Voilà le temps que je passai allongé sur le carrelage, à proximité de ma douche. L'avantage ? Être à côté de mes toilettes quand la nausée me prit au réveil. N'ayant rien mangé la veille au soir, mon estomac ne put recracher qu'une bile acide,  brûlant ma gorge.

La journée était gâchée, le sommeil s'était emparé de moi sans que je ne puisse lutter contre l'effet des médicaments. Le pire, c'est que je ne me sentais pas reposé.

Assis sur mon canapé, je fixai le vide comme s'il avait le pouvoir de répondre à mes silences. L'après-midi était bien entamée, Jungkook m'avait envoyé un message que j'avais ignoré. Je voulais rester seul, je crois. Je n'avais pas la force de voir qui que ce soit ni de faire quoi que ce soit. Et contrairement à mon éditeur, lui respectait mes envies de solitude.

Je n'ouvris pas les stores de mon appartement, la nuit s'éternisait entre mes murs. La lumière m'effrayait. Un peu comme Jungkook, qui brillait trop fort pour moi.

Mon esprit repassait en boucle ses traits, sa voix, les souvenirs qui commençaient à s'accumuler en sa présence. Jungkook n'était plus ni une illusion ni la page d'un livre : il était un chapitre qui s'écrivait sans avoir de fin. L'encre de la plume ne se viderait jamais.

Nous étions mardi, je crois. Étonnant d'avoir des nouvelles de Jungkook en cette journée où il venait rarement au café. Comment pouvait-il savoir que je n'y étais pas ? Peut-être que lui aussi, au bout du compte, brisait ses habitudes. Enfin... en avait-il seulement une ?

De mon côté, je craquais.

Mes insomnies me tuaient. Non pire : elles me dévoraient. Il y avait comme des mains aux griffes acérées déchiquetant mes entrailles et des voix hurlantes en permanence dans ma tête. C'était de plus en plus difficile de les ignorer.

J'aurais sûrement dû prendre en compte les recommandations de mon médecin, mais j'étais effrayé à l'idée de sombrer dans l'addiction. Je ne voulais pas devenir comme mon père. L'alcool l'avait changé. Je supposais d'ailleurs qu'il continuait d'en consommer, sinon où partait l'argent que je lui virais lorsqu'il m'en réclamait ? C'était malhonnête de ma part de lui donner des sous après ce qu'il avait fait à ma mère. Et à moi. Violence sur violence. Bleus sur bleus. Nos corps n'étaient plus que hématomes violacés. Celui de ma mère avait fini par baigner dans du rouge. Rares souvenirs qui m'étaient revenus, il y a déjà quelques années dans des flashs désagréables. Je n'avais même pas crié en découvrant ses cheveux arrachés contre le carrelage de la cuisine et tout le pourpre colorant les murs.

Évanescence | TkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant