Chapitre 4

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Comme je l'avais dit, j'ai fait l'amour à mon homme. Ensuite, nous avons parlé un peu et nous avons fini par nous endormir.

C'est Anna qui me réveille en pleurant, elle doit avoir faim. Je la change, l'habille avec de jolis vêtements d'automne et je descends préparer un bon petit déjeuner.

Je mets la radio, je chante un peu sur la variété française, mais je ne connais pas vraiment la musique française. Je n'aime que Cabrel. J'entends Anna rire en faisant des bulles de baves assise sur sa chaise haute.

Je sens surtout les bras forts de mon homme qui me prend la taille, et dépose un baiser dans mon cou.

- Tu es très belle Marie.

Je me retourne et l'embrasse avec fougue. Il se met à rire avant d'aller prendre notre fille sur ses genoux. Je sers le petit déjeuner, ce samedi matin est parfait. En fait, notre samedi est parfait. Nous le passons tous les trois à la maison, il pleut, mais c'est bien ainsi. Tom n'a rien à faire aujourd'hui alors j'en profite. C'est journée cocooning à trois ! Et j'adore ! Je suis heureuse et mes deux amours aussi.

Dimanche matin, comme toujours, Tom se rend au bar du village. Les vieilles vont à la messe donnée par un prêtre qui vient exprès pour elles depuis la grande ville. Les hommes, eux, vont au bar boire un petit blanc ou une demie. Ils parlent de vaches, de terrains, de tracteurs et des derniers morts du coin.

Anna et moi, on en profite normalement pour se balader ou jouer dans la maison. Sauf qu'aujourd'hui, je profite de l'absence de Tom pour finir ma besogne. Anna est dans son parc avec le baby-phone. Je m'active à mettre des produits dans la fosse des toilettes sèches. Je mets les produits phytosanitaires qu'utilisaient Tom et son père pour pulvériser les champs. Depuis deux ans, nous avons arrêté les produits, nous allons vers des cultures bio. Alors j'utilise les produits chimiques pour asperger les morceaux de corps, je trouve que ça aide à les faire disparaître et ça cache l'odeur aussi. Après je recouvre de terre et voilà. Enfin pour le moment, ce procédé a fonctionné. Les neuf autres ont bien été décomposés et l'odeur ne nous a pas dérangés.

Mon problème reste la voiture. Pas le temps de réfléchir, j'entends le véhicule de Thomas se garer, je prends du bois dans les mains et je file le rejoindre.

- Tu as froid ? Tu veux faire un feu ? Me demande-t-il en me voyant arriver.

- J'imaginais plutôt un câlin près du feu.

Je l'embrasse, il sent le tabac froid, et sa langue a un léger goût de bière. Je lui souris, mais mon sourire s'évapore quand je vois arriver la voiture de Paul, le gardien de la paix du village. Je regarde vite fait Tom.

- Il y a un souci ?

- Euh... je ne sais pas, me répond-il en attendant que Paul se gare et vienne vers nous.

- Salut les amoureux ! nous dit-il. J'ai besoin de vous parler.

Nous entrons tous les trois dans notre cuisine, Paul prend un café, Thomas tient Anna dans ses bras et moi je tripote mes doigts sous la table comme à mon habitude.

- Linette m'a parlé des deux étrangers qui sont venus au village avant-hier, nous dit-il. Ils cherchaient une femme apparemment.

Paul me regarde avec insistance, je suis de marbre. Je ne flanche pas, j'ai été fabriquée pour ne pas flancher. S'il croit m'atteindre en me regardant simplement, il est mal barré.

- Et ? Lui demande Tom légèrement vexé.

- Et je ne sais pas. J'ai pensé...

- Penser quoi ? S'agace Tom.

- Thomas s'il te plaît, dis-je à mon mari pour le calmer, Paul fait juste son travail.

- Quelqu'un a vu la voiture venir ici, ajoute promptement Paul.

Et merde...

Paul me fixe avec dureté maintenant et Thomas me questionne du regard.

- Ils sont venus ici Marie ? Me demande Paul.

- Peut-être. Mais moi, je n'ai vu personne. Pourtant je n'ai pas bougé d'ici avec Anna, il faisait trop mauvais.

- Il paraît qu'ils avaient un accent russe.

- Linette parle russe ? dis-je en riant.

Paul sourit enfin, légèrement, mais quand même un peu et l'atmosphère se détend.

- C'est ce qu'elle m'a dit, je veux bien la croire. C'est elle la fan de cinéma, les accents, elle doit connaître.

- Je doute qu'elle regarde les films en version originale alors un accent russe fabriqué par une voix française, soupire Tom, c'est vachement crédible. Tu parles d'une connaisseuse !

Tom pose Anna dans sa chaise haute et va chercher son repas qui chauffait doucement sur le feu.

- Allez, ma belle, c'est l'heure de manger, lui dit-il avec amour en s'installant en face d'elle.

Paul m'observe toujours, je suis souriante, pas trop non plus, juste ce qu'il faut pour lui paraître sympathique.

- Katarina Olinsky, dit soudainement Paul en écorchant ce qui fut il y a trente-deux ans ma vraie identité, enfin celle donnée à ma naissance par mes parents. C'est elle qu'ils cherchaient, ajoute-t-il.

Il me fixe, je ne cligne même pas des yeux.

- C'est quoi le problème Paul ? Finis par lui demander Tom énervé cette fois. Depuis que Marie est entrée dans ma vie, les vieilles ne font que jaser, critiquer notre mariage trop rapide, sans parler de la naissance d'Anna. Putain ! Foutez-nous la paix !

Sa grosse voix masculine résonne et c'est plutôt rare chez lui. Il est calme mon homme normalement. Je panique un peu, très légèrement à cause de la réaction de Tom et d'Anna qui s'est mise à pleurer. Je vais la prendre dans mes bras aussitôt, Tom est énervé comme jamais.

- Tom, calme-toi, lui dis-je tout bas en essayant aussi de détendre notre fille.

- Paul ! Tu nous expliques ? crie-t-il encore.

Paul se lève, vexé aussi.

- Je fais mon boulot d'accord ? Il y a un an je crois, deux types à moto ont posé la même question à un gars du coin. C'est quand même étrange, non ?

Paul me regarde plus timidement, car Tom est face à lui, droit dans ses... chaussons, et mon Tom, avec sa taille et surtout son gabarit de rugbyman pas musclé comme il dit, il en impose.

- Marie, est-ce que tu connais Katarina Olinsky ? Me demande Paul calmement.

- Non, dis-je avec légèreté comme pour apaiser les tensions dans la pièce.

Paul me sourit discrètement. Thomas souffle. Anna a enfin arrêté de pleurer.

- Je vais vous laisser, nous dit-il en prenant la direction de la porte d'entrée. Je suis désolé, c'est mon boulot, ajoute-t-il en fermant la porte sur lui.

Mon Tom s'excuse de s'être emporté. Je le console, nous mangeons tous les trois. Notre après-midi sera calme et silencieuse. Paul a t-il mis un doute dans la tête de Thomas ? En tout cas, dans ma tête, c'est le branle-bas de combat.

NINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant