Je fête mes quinze ans dans une maison de passe en Amérique ! Comment j'ai atterri là ? Un américain est venu dans le bordel en Espagne, choisir des filles pour sa nouvelle maison close aux États-Unis et j'ai été sélectionnée ! Super... je change encore de pays. Une jolie fille de l'Est, avec des cheveux caramel, des yeux bleus et de jolis seins tout ronds, je la veux ! C'est ce qu'à dit l'américain. J'ai été vendue une fois de plus.
Aujourd'hui, il y a de l'agitation dans la maison. Nous devons toutes nous aligner, un client de marque vient choisir sa préférée, enfin c'est ce que j'ai compris. Je n'écoute pas beaucoup, j'essaie de rêvasser le plus souvent possible pour fuir mon quotidien pourri.
- C'est un vieux monsieur, dit Maria la Mexicaine. Beurk !
Personnellement, un vieux... je ne me pose même pas la question. Ça fait presque dix ans que je suis pute, des hommes, j'en ai tellement vu ! Et jamais moins de vingt-cinq ans.
La seule chose que j'aime ici en Amérique, c'est que les préservatifs sont de mises. Ça me change de mes anciens postes de travail si je peux dire. Heureusement, je n'ai encore jamais attrapé de maladies, enfin des mycoses une fois. Mais avec un préservatif, c'est moins flippant de se faire prendre par tous les trous. Et puis, ici aussi, j'ai quatre jours de repos pendant que j'ai mes règles. Je peux lire et surtout, dormir... dormir et rêver d'un monde meilleur.
L'homme qui se présente devant nous et nous observe est effectivement un vieil homme. Mais des comme lui, je n'en avais jamais vu. Il a les yeux bridés ! C'est un Asiatique alors. Jamais vu d'Asiatique encore. Il a les cheveux gris coupés très courts, il n'est pas très grand, mais très imposant, car il se tient bien droit, sûr de lui, le visage fermé et carré. Il est accompagné d'un autre homme, plus jeune, brun, asiatique aussi.
Le vieil homme nous observe avec attention. La plupart des filles semblent ne pas vouloir aller avec lui, trop vieux. Quel âge peut-il bien avoir ? Soixante-dix ans ? Plus ?
- Je veux une volontaire, dit-il dans un parfait anglais.
Je l'observe à mon tour. Quelque chose se dégage de lui, mais je ne serai pas dire quoi alors ma curiosité l'emporte, je lève discrètement la main et je sors du rang. Les autres filles semblent soulagées.
Je suis les deux hommes dans une chambre. On va faire un truc à trois ? Avec un vieil homme ? J'ai déjà fait des trucs à trois, mais je n'aime pas. Oh non, pourquoi j'ai...
- Assieds-toi là, me dit le vieux en me montrant une chaise face à une table ronde. Lui s'assoit sur la chaise en face de moi.
Sur la table, il y a une sorte de plateau en bois avec des petites billes noires et blanches. Je ne comprends pas. L'autre homme se tient debout derrière le vieillard et me toise.
- Nous allons faire un jeu. Cela s'appelle igo (le jeu de go). Je vais t'expliquer les règles du jeu. Une seule fois seulement alors écoute bien. Ensuite, nous ferons une partie. Si tu gagnes la partie, je t'offre un énorme cadeau, si tu perds, il te fouettera, me dit-il en me montrant l'homme derrière lui. Est-ce que tu as compris ?
- Oui. On ne fait pas de sexe alors ?
Il émet un très très léger sourire, faut le chercher, mais moi, je le vois.
- Non. Je suis là pour autre chose. Nous allons jouer. Comment t'appelles-tu ?
- Nina et j'ai quinze ans avant que vous le demandiez. Et je suis polonaise au cas où ça vous intéresse.
- Bien Nina, concentre-toi et écoutes bien les règles du jeu.
Une heure après, je devais baisser ma culotte et le type m'a fouetté les fesses avec force. Le vieux avait déjà quitté la chambre.
Une semaine plus tard, le voilà qui revient. Nous sommes à nouveau toutes en ligne et une fois encore, je lève la main. Je suis certainement folle d'aimer me faire fouetter, mais c'est moins pire que de me faire sauter et violenter par un obsédé.
- C'est quoi le gros cadeau ? Lui demandé-je quand nous nous installons devant la table de jeu.
- Gagne et tu sauras.
Dix coups de fouet sur les fesses à peine remises des coups de la semaine d'avant.
Et j'ai perdu ainsi au moins une dizaine de fois. Mes fesses étaient à sang, mais je persistais. Une heure avec lui, c'était une heure de paix finalement. Dans la chambre, c'était le calme absolu. Et lui, il mangeait toujours une orange. Il prenait un temps fou pour peler son orange avec un délicatesse impressionnante. Je salivais à le regarder faire. Ce n'est qu'une orange, j'en ai déjà mangé, mais avec sa façon de peler et déguster ce fruit, j'avais l'impression qu'il mangeait un trésor.
J'ai eu mes règles. Quatre jours de repos. J'ai eu le droit de sortir et je me suis rendue à la bibliothèque où j'ai volé un livre sur le jeu de go. Oui voler, je n'ai pas de carte de bibliothèque alors j'ai caché le livre, fait les yeux doux à un étudiant et je suis sortie avec le bouquin que j'ai étudié pendant quatre jours entiers.
- Et bien, jeune fille, tu t'es nettement améliorée, me dit le vieil homme toujours tiré à quatre épingles.
- Vous êtes japonais alors ? Le jeu de go est un jeu japonais.
- Inventé par les Chinois. Mais très populaire au Japon. Et oui, je suis japonais.
Chaque mot qu'il prononce est posé. Il parle toujours avec un calme absolu. Il ne parle pas beaucoup, l'homme qui l'accompagne ne parle jamais, il est toujours droit comme un piquet. Je n'ai jamais connu d'hommes si posés.
- Et si je te mentais et qu'il n'y avait pas de gros cadeaux, me dit-il.
- Tant pis ! J'aime le calme de cette chambre. J'aime bien être avec vous.
Léger rictus de mon adversaire de jeu.
- Tu ne gagneras jamais contre moi jeune fille.
- Et bien, vous mourrez dans cette chambre, car je jouerai avec vous jusqu'à ce que je gagne.
Il finit par rire de bon cœur.
- Dans trois semaines, mon petit-fils fêtera ses seize ans. C'est un moment important dans la vie d'un jeune homme, surtout pour notre clan. Tu sais ce qu'aime mon petit-fils ?
- Euh non.
- Il aime le feu. C'est normal, c'est un fils du Dragon.
Je ne comprends pas ce que le vieil homme me dit. Mais je l'écoute avec attention.
- Vous êtes un dragon ?
- En quelques sortes oui. Mon frère m'a un peu évincé, c'est lui le vrai Dragon. Moi, je ne suis qu'un vieil homme qui aime jouer au jeu de go.
Il se lève, ajuste sa veste et sort de sa poche la fameuse orange qu'il n'a pas encore mangée pour une fois. Il me tend le fruit.
- Pour toi Nina.
- Merci, dis-je en prenant mon trésor.
- Tu seras peut-être là pour son anniversaire. Si c'est le cas, n'oublie pas. Mon petit-fils aime le feu.
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NINA
General Fiction"Kocham cię" répétait ma maman pendant que je la regardais mourir. Papa aussi a brûlé dans les flammes de l'enfer. J'avais 6 ans. Et puis, ILS ont fait de moi un objet. ILS m'ont tout pris, mon enfance, ma dignité, mon nom... ILS pensaient que j'al...