Je suis devant mon gâteau et je souffle une bougie. Michiko est à table avec nous, j'ai insisté, elle a fini par céder et je l'ai vue sourire. Papy n'a rien dit concernant cette invitation et ce petit changement hiérarchique. Il manque Eichi et ma nouvelle famille est au complet. Bon, je ne suis pas asiatique, totalement à l'opposé d'eux même, mais c'est un peu ma famille. Celle du cœur.
Michiko m'offre un très beau bracelet sur lequel pendent de jolies fleurs de sakura. C'est sublime. Je le mets aussitôt et papy me tend une enveloppe.
- Bon anniversaire Nina.
En ouvrant l'enveloppe, je fonds aussitôt en larmes. C'est une photographie. Papa, maman et moi. Je passe outre le protocole et je saute au cou de papy qui ne s'y attendait pas et je lui dis des centaines de milliers de merci dans toutes les langues que je connais.
- Je ne vais vous demander comment vous l'avez eu, dis-je en tentant de me reprendre. Mais merci du fond du cœur, c'est le plus beau cadeau que l'on puisse me faire. J'avais si peur de les oublier. Merci, merci.
Plus tard dans la journée, Eichi m'a fait envoyer des centaines de bouquets de roses rouges, Michiko ne savait plus où mettre les bouquets tellement qu'il y en avait ! Elle ronchonnait contre Eichi tout en souriant parfois.
Ma photo de famille ne m'a plus quittée, et elle m'a donné une force incroyable. J'ai enchaîné les missions. Nina la tueuse est devenue efficace et bien plus sûre d'elle.
Grâce aux réseaux de papy, j'ai eu accès à de nombreuses adresses de bordel et maisons closes en tout genre dans différents pays et j'ai « libéré » les miens. Ceux qui portent la marque de l'infini. Et j'ai pris l'habitude de marquer au couteau mes victimes : NINA. Je veux que l'on sache qui fait ça, je veux qu'ils aient peur de moi. Papy n'est pas d'accord. Pas du tout. Notre première dispute. Dans son bureau, l'air est pesant.
- Tu n'as pas assez réfléchi. Tu te mets tout le monde à dos Nina, me gronde papy avec colère.
- Je veux qu'ils aient peur de moi.
- Tu veux sortir de l'ombre ? Très bien, c'est ton choix. Mais pas avec moi. Hors de question. Je veux rester dans l'ombre, j'y suis bien. Je gère mieux. Et là avec tes bêtises, tu vas finir par les conduire ici. Tu nous mets en danger Nina. Toi, moi et Michiko aussi.
- Et bien, il est temps que je prenne mon indépendance ! rouspété-je. Je continue seule. Et je ferai ceux que vous voulez. Votre fils et petit-fils. Et je tuerai ce porc de Tony cette fois, je ne doute plus !
Je suis en colère. Mains dans le dos, papy a repris son calme et se dirige vers la fenêtre pour encore une fois contempler le jardin aux couleurs de l'automne.
- Tu es prête.
- Hein ? Vous ne me grondez pas ? Vous ne dites pas : Nina, tu as tort, c'est de la folie Nina ! Dis-je en essayant d'imiter sa voix.
- Non. J'attendais ce moment où le petit oiseau veut quitter son nid.
- Ne me dites pas que vous aviez aussi prévu ce moment-là ?
- Réfléchir loin Nina. Voir loin. Anticiper. Patienter. Tu es prête.
- Donc ? Je quitte la maison c'est ça ?
- Tu sais bien que tu ne peux pas rester ici. D'ailleurs veux-tu vraiment encore rester ici ?
Il me regarde enfin, ma gorge se noue. Il a raison. Je veux partir, je veux être libre. Mais je suis terrifiée, je n'ai jamais été libre.
- Il existe un compte en banque au nom de Katarina Olinsky et un autre au nom de Marie Lefranc. Tu auras les papiers pour Marie, une fois ton contrat exécuté.
- Tuer votre fils et petit-fils.
- Oui.
- Et l'identité de l'homme aux cigares ?
- Au même moment. Comprends bien Nina. Une fois que tu as quitté ma maison, tu ne pourras plus revenir, la partie de jeu de go commence réellement. Mes pions, tes pions.
- Vous avez des pions, pas moi.
- Tu as de l'argent maintenant. Tu peux avoir des pions, dit-il sans lâcher le jardin des yeux.
- Est-ce qu'Eichi sait pour son père et son frère ?
- Non. Et il ne doit jamais savoir que l'ordre vient de moi. Il y pensera forcément. Mais il ne l'entendra jamais de ma bouche ni de la tienne.
- Et si je change d'avis et que je file avec l'argent ?
- La partie a commencé Nina. J'ai des pions sur des territoires différents.
- Vous me tuerez ?
- Sans hésitation, dit-il en me fixant droit dans les yeux. Mais peut-être me tueras-tu avant ?
- Pourquoi je ferais cela ? Vous m'avez sortie de l'enfer. Je ne suis plus une pute.
Il sourit étrangement, se dirige vers son bureau, sort une grosse enveloppe marron et me la donne.
- Ton avenir est là-dedans. Tout ce qu'il te faut pour continuer le jeu et pour démarrer une nouvelle vie.
Je prends l'enveloppe en main, je sens des larmes perler sur mes joues.
- C'est fini ? Comme ça. Je pars et on ne se revoit plus ?
- Tu n'es pas de ma famille Nina. Tu ne l'as jamais été. Tu ne le seras jamais.
J'encaisse. Ça fait mal. Très mal.
- Est-ce que je peux dire au revoir à Michiko au moins ?
- Rapidement. Le temps que nous discutions, elle a préparé tes valises. Tout est prêt et une voiture t'attend.
- Quoi ? Là ? Déjà ? Mais...
Papy sait toujours tout d'avance. C'est agaçant, troublant, effrayant même ! Jusqu'à quel point il maîtrise tout ?
- Bonne chance Nina.
J'ai envie de lui sauter au cou et lui dire que je l'aime. J'aime papy. Mais je me rends compte qu'il a toujours gardé ses distances et moi, je n'ai pas voulu le voir. J'ai cru avoir trouvé une famille. Oui, je veux partir, mais pas pour toujours. Je veux revenir ici, avec Michiko et lui. Je lui tourne le dos, le cœur serré et je me rends compte qu'effectivement deux valises m'attendent dans le hall d'entrée. Michiko aussi. Je suis perdue, je ne sais pas quoi faire. Je vais lentement vers elle, je sais que je pleure. Ma Michiko. Elle me prend les mains et me sourit.
- Bonne chance mademoiselle Nina.
Elle me donne un joli mouchoir brodé puis s'incline. Je sais que papy est dans le hall aussi, je sens sa présence et son aura. Je ne sais pas quoi dire. Je sais juste quoi faire : partir.
Dehors, il y a du vent. Je prends une énorme inspiration. Je suis libre, enfin pas complètement, j'ai un contrat à faire, des hommes à tuer, et seulement après, je serai libre.
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NINA
Aktuelle Literatur"Kocham cię" répétait ma maman pendant que je la regardais mourir. Papa aussi a brûlé dans les flammes de l'enfer. J'avais 6 ans. Et puis, ILS ont fait de moi un objet. ILS m'ont tout pris, mon enfance, ma dignité, mon nom... ILS pensaient que j'al...