Chapitre 40

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Je n'ai pas chômé. J'ai usé les derniers billets du compte de Katarina Olynski comme pour l'effacer une bonne fois pour toutes. Je crois que j'avais envie de ne plus exister. Je savais que j'allais mourir quoiqu'il arrive. Je connaissais la fin.

Je me suis invitée à des soirées, dans des hôtels, des boîtes de nuit et tous les lieux où je pouvais tuer. Je n'ai fait que ça. Tuer, tuer. J'allais partout sur la planète où j'avais été. La petite fille en moi jouait de donner la mort, d'entendre supplier les hommes.

Quand je commençais à chanter ma berceuse, c'est que la mort allait frapper. Le sang est vite devenu ma couleur préférée. Plus rien ne pouvait arrêter Nina sauf l'approche du jour J. L'étau a fini par se resserrer sur moi comme je l'avais prévu. Toujours avoir un coup d'avance.

– J'ai bien retenu papy !

Me voilà complètement ivre, complètement nue, dans une chambre, bouteille de vodka à la main, le corps rougi par le sang de l'homme qui se vide un peu trop lentement à mon goût.

– Mais tu vas crever oui ! Sale chien ! Crève ! Qu'on en finisse !

Je me lève, je titube et je ris. Un zeste de pitié ou de folie complète, je vais appuyer plus fort sur le couteau que je lui ai planté dans la poitrine.

– Tu as de la chance, je suis généreuse ce soir ! dis-je avant de tomber assise sur le sol.

Prise par ma démence, je n'ai pas entendu la porte de la chambre s'ouvrir, et je n'ai pas totalement réagi en voyant des hommes entrer.

– C'est bien cette sale pute ! Crie un homme en me relevant.

Et puis plus rien. Je ne sais pas comment j'ai quitté la chambre ni où je suis allée vraiment. Je me réveille seulement dans cette pièce sombre, toujours nue, suspendue par les bras à je ne sais pas trop quoi, mais c'est douloureux comme position, mes pieds touchant à peine le sol. Je crois que je suis encore un peu saoule. J'ai du mal à rester éveillée jusqu'à ce que je me prenne un jet d'eau glacial sur le corps. Le choc thermique et la douleur m'ont vite réveillée. Je hurle.

– Nina, Nina... s'amuse à répéter un des hommes qui s'approche vers moi.

Ils sont cinq, je crois, je distingue mal et j'ai surtout beaucoup de mal à rester fixe.

– On se connaît ? dis-je en anglais.

– C'est à moi que l'on a confié la lourde tâche de t'arrêter, dit-il en russe. Et c'est chose faite.

– Et c'est quoi la suite ? lui demandé-je en russe également.

– Ta mort. Tout le monde veut ta mort. Tu imagines ? Les Italiens, les Espagnols... des Américains... ils paient tous pour enfin te voir fermer ta bouche de suceuse. Tu es l'emmerdeuse numéro un !

Il s'approche très près de moi et me tourne autour pour me parler.

– Cela fait quoi d'être si populaire Nina ? Même moi, je ne sais pas.

– On peut dire que c'est jouissif.

Il tire sur mes cheveux et je crie de douleur.

– Tu oses encore te moquer de nous ? Qui crois-tu être ? Hein ? Tu n'es qu'une pute, une sale petite pute. Combien d'hommes te sont passés dessus ? Combien en as-tu sucé ? Tu n'es que ça. Une pute. Une pute que l'on a prise par tous les trous et tu ne seras jamais autre chose. Tu as compris, Nina ? Qui es-tu ?

Toujours en tenant ma tête en arrière par mes cheveux, il sort un cran d'arrêt qu'il promène sur ma peau puis me coupe légèrement au-dessus du sein, je me mets à pleurer.

– Qui es-tu sale pute ?

– Nina ! Crié-je de toute ma peur.

Il s'est éloigné de moi en disant « encore » et le jet fort et glacial m'a comme transpercé le corps. J'ai si mal. Je savais que ma mort serait lente et douloureuse. J'avais vu loin, réfléchis à cela, ça faisait parti du plan, mais à cet instant, dieu que je souffre.

Pendant des heures, des jours, je ne sais pas, des hommes me frappent, ils me décrochent violemment, je m'écroule au sol, puis on me rattache, le jet, les coups. La seule chose que j'ai comprise, ils ne veulent pas que je meure. Ils me torturent, mais je ne dois pas mourir.

Et chaque fois, la même question.

– Qui es-tu ?

– Nina.

Je veux que ça s'arrête. Je veux mourir. Pitié, faites que cela s'arrête. Pourtant une part de moi refuse de leur dire ce qu'ils veulent entendre. Un bout de moi ne veut pas capituler, pas encore.

NINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant