Je ne fais que dormir depuis mon retour en Thaïlande. Nous avons pris un logement dans la capitale afin de nous perdre dans la foule. Mais une intense fatigue, une immense dépression ont envahi toute ma personne. J'ai beau essayer de me motiver en pensant à l'homme aux cigares, rien ne fait. Il n'y a plus de lueur de vie en moi. Je me force à manger, à sortir avec les autres, mais quelque chose s'est brisé et je n'arrive plus à voir un avenir.
– Courrier ! Lance Adam tout essoufflé en venant rapidement vers moi. Un type m'a remis cette enveloppe et c'est pour toi Nina.
J'observe ce courrier avec attention. Pas de timbres, pas d'adresse. Ce qui signifie que notre planque n'en est plus une. Quelqu'un sait où me trouver. J'ouvre avec appréhension et mon souffle se coupe, les larmes me viennent aussitôt. Il y a un passeport avec ma photo et surtout c'est écrit : Marie Lefranc, née en France. L'enveloppe contient aussi des documents avec deux comptes en banque plus que pleins. Je tiens ma nouvelle vie entre les mains. Une enveloppe plus petite, d'un rouge carmin, attire également mon attention. À l'intérieur, une sorte de carte de visite avec seulement une adresse en Serbie écrite en dorée. J'ai beau manipuler le papier, fouiller la petite, mais aussi la grande enveloppe à nouveau. Rien. Rien de plus que ça. Est-ce l'adresse de l'homme aux cigares ?
– Alors ? Me demande Zed qui nous a rejoints.
– Ça vous dit de visiter la Serbie ?
Après avoir attendu nos faux papiers, nous avons donc pris tous les quatre, la direction de l'Europe, plus précisément la capitale : Belgrade.
Installée depuis plusieurs jours dans un joli appartement, je décide enfin de faire un tour en taxi à l'adresse indiquée. L'adresse est un théâtre, semble-t-il, abandonné, du centre-ville. La curiosité me pousse carrément à aller voir par moi-même l'intérieur du bâtiment. Je m'aperçois vite qu'il est en travaux. Des ouvriers s'affairent à rendre sa beauté au lieu. Je ne comprends pas ce que je fais ici. Je tente de parler avec les hommes présents, mais personne ne me comprend, finalement, je suis conduite à un ouvrier qui parle russe.
– Je ne sais pas pourquoi on fait ça, c'est un ordre qui a été donné, c'est... c'est pour une fête, m'explique-t-il un peu tendu.
Son pinceau dégoulinant de blanc à la main, il me contemple un instant, puis regarde autour de nous, avant d'écrire rapidement : réunion de clan en cyrillique sur le mur et de le cacher aussitôt sous une couche de peinture.
Je le regarde avec surprise, cherchant à comprendre ce que cela signifie vraiment. C'est alors qu'il prend mon poignet, fait glisser un peu mon bracelet et me touche la marque de l'infini.
– Ils m'ont dit qu'une jolie femme viendrait et qu'elle parlerait russe. Ils ne se sont pas trompé, dit-il souriant, vous êtes très jolie, Nina, finit-il par dire mon prénom sur un ton plus que sérieux.
Je sens une menace alors instinctivement je recule, mais je garde mon sang-froid.
– Qui vous a parlé de moi ?
Mais plus le temps de parler, l'homme tente de se jeter sur moi, je bouscule et frappe ceux qui se mettent sur ma route, je tente de me sortir de ce lieu comme je peux, évitant les balles des revolvers que certains faux ouvriers ont dégainés. Un piège, c'était un piège ?! Je tombe plusieurs fois par terre dans les petites ruelles de Belgrade en courant aussi vite que je peux pour semer les deux récalcitrants qui ne veulent pas me lâcher. Je parviens à les perdre en me cachant dans une poubelle. Quand je rentre à notre logement, je pue, je pleure et je ne comprends rien de ce qui se passe.
– C'est le vieux japonais qui t'a tendu un piège ! Ça ne peut être que lui ! s'énerve Adam.
– Adam a raison, qui veux-tu que ce soit Nina ? Me demande Zed. Tu l'as dit toi-même le vieux sait tout, voit tout toujours en avance. Tu n'en as pas fini avec lui.
– Ce n'est pas logique, dis-je en tournant en rond dans le logement.
Je réfléchis, réfléchis, rien ne vient, rien ne me paraît logique.
– Et si c'était un indice, propose Mily affalé sur le canapé. Tu dis qu'il sait tout d'avance. Si c'est une réunion des clans, il sait peut-être que l'homme aux cigares y sera, donc il t'a donné un indice.
– Les types lui ont couru après et ils lui ont tiré dessus, je te signale, rétorque Zed.
– Mais tu n'es pas morte, pas blessée, me dit Mily en se redressant. Il te remet en selle ce vieux bougre.
J'ai cogité toute la nuit. J'ai dessiné, écris sur les murs de ma chambre. Mily avait raison. D'un coup, tout devenait évident. Une réunion des clans, j'en avais déjà entendu parler avant, mais je ne comprenais pas ce que cela signifiait. Mais l'homme aux cigares regroupe les enfants de l'infini peu importe le pays d'où ils sont nés. S'il peut créer des liens avec tous les clans, c'est qu'il y a bien un moment où ils se réunissent tous ? Une réunion comme dans ce livre que j'ai lu chez Pascal en France.
– Comment ça s'appelait déjà ? Les chevaliers de la Table ronde ! Crié-je à haute voix.
J'avais eu cette envie folle passé un temps de faire un massacre, de tuer le plus possible de ces enfoirés. Papy avait-il lu dans mes pensées. « Voir loin ». Peut-être que sans m'en rendre compte, je lui en avais parlé ? Où peut-être que c'est le seul endroit où je peux tuer l'homme aux cigares ? Je ne sais pas, mais je dois être à cette fête. Nina doit faire son show, une dernière fois.

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NINA
Ficțiune generalăKocham cię, répétait ma maman pendant que je la regardais mourir. Papa aussi a brûlé dans les flammes de l'enfer. J'avais 6 ans. Et puis, ILS ont fait de moi un objet. ILS m'ont tout pris, mon enfance, ma dignité, mon nom... ILS pensaient que j'all...