Chapitre 11

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Oncle Tony est un monstre. Voilà cinq jours que je suis couchée. Je ne peux pas m'asseoir, je ne peux pas aller aux toilettes me vider, il a brisé mon corps, il a volé ma vie. Il a cassé les dernières dents de lait qu'il me restait, fêlé des cotes et je ne parle pas de l'intérieur de mon corps. J'ai tellement mal.

- Nina ...

Olivia me parle en entrant dans ce qui est devenu ma chambre dans le sous-sol de la maison. Ce n'est pas moche, j'ai un lit, une commode, et il y a de nombreux cartons. Et surtout, il y a une fenêtre en hauteur. Quand je pouvais encore me lever, je montais sur mon lit et je pouvais voir dehors. Le jardin. Les enfants de la maison qui jouent au ballon. Les vrais enfants. Moi, je suis le cadeau de Noël d'oncle Tony, le porc. Je ne suis pas une enfant, je suis un jouet. J'ai compris maintenant. Même après ma première nuit avec lui qui avait été horrible, je pensais ne pas vivre pire. Mais je me suis trompée, Tony est d'une cruauté et d'une perversité sans limites. J'ai compris, j'ai vieilli d'un coup. Même en obéissant, il me frappe, me viole, et s'amuse avec mon corps comme s'il s'agissait d'un corps de poupée en plastique comme il a dans sa chambre. Il a une mallette avec de nombreux accessoires tous aussi douloureux les uns que les autres. Je vis un enfer.

Olivia aussi est méchante. Même Luba était plus gentille, c'est pour dire. Olivia me frappe souvent car je mets du temps à me lever ou à manger, ou dès que je rêvasse un peu. Elle me cogne avec une cravache. C'est violent, c'est douloureux, ça m'achève après les coups de Tony. Elle ne me soigne pas, elle me jette des tubes de crème à la tête en hurlant en italien. Elle ne m'aide pas, elle ne me soutient pas, elle me laisse crever et pleurer seule. Car je vais mourir. Oncle Tony va me tuer et ma mort sera douloureuse. Je sais que je vais mourir.

Il y a un carton dans lequel j'ai trouvé le petit lapin bleu tout sale. Celui de la fille que j'avais vu dans une camionnette. Elle avait aussi un cahier sur lequel elle avait dessiné des choses et écrit aussi. C'est dans une langue que je ne connais pas, mais c'est l'écriture d'une petite fille. Et souvent, elle a écrit MARIE. J'imagine que c'est comme cela qu'elle s'appelait.

J'ai fait comprendre à Olivia que je voulais savoir à qui étaient ces cartons dans la chambre. Elle m'a fait un signe avec son doigt sous la gorge comme si elle se la tranchait et elle a ri. Ce sont les cartons des autres jouets de Tony. Ils sont morts. Je vais mourir aussi.

Je me rappelle ce que m'avait dit Daria : « j'espère qu'un jour, il y aura une personne qui sera tellement forte qu'elle détruira tout et qu'elle tuera tout le monde.»

Je déchire une feuille du cahier de Marie et avec un petit crayon, j'écris Tony – Olivia – l'homme aux cigares qui a tué papa et maman.

Je les tuerai. Je me le promets. Si je vis, un jour, je me vengerai.

J'ai eu neuf ans. Une année à subir les tortures sexuelles d'oncle Tony, mais je suis toujours là. Je crois même que ça l'agace. Une année en Italie. Je comprends de mieux en mieux la langue. J'ai même volé des livres dans une des chambres des enfants de la maison quand ils sont à l'école. J'apprends l'italien. Vite. C'est une question de survie. Je dois savoir ce qu'il se dit. Je dois comprendre, et je fais toujours celle qui ne comprend rien. J'observe.

Je vais avoir dix ans en septembre. Oncle Tony se lasse de moi, je le vois bien, il a envie de me tuer. Je l'énerve. Étrangement, il m'amène avec lui lors d'un voyage. Nous prenons un petit avion. Je suis seule au milieu des hommes adultes qui me maltraitent et m'humilient. Mais je ne pleure presque plus. À quoi bon ? C'est leur donner encore plus de raisons de me faire du mal.

Une voiture nous conduit quelque part, je ne sais pas où. Mais le paysage est étrange. C'est une grande ville on dirait. Et surtout, surtout il y a cette jolie tour immense en fer. Que c'est beau ! Beaucoup de personnes prennent cette tour en photo. Je comprends. C'est une tour magique.

NINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant